Выбрать главу

Faites quelque chose, avait dit un formateur à ses jeunes officiers une dizaine d’années plus tôt. Il n’y a pas besoin que ce soit la bonne chose, il suffit que ce soit quelque chose.

— Ils vont enquêter sur ce qui est arrivé au Donnager, dit-il. Des unités martiennes ont mis le cap sur ce coin alors même que nous parlons. Ils doivent déjà savoir que le Tachi s’en est sorti, puisque notre transpondeur annonce notre survie à tout le système solaire.

— Sûrement pas, dit Alex.

— Vous pouvez m’expliquer pourquoi, monsieur Kamal ?

— Nous sommes à bord d’une corvette qui est aussi un torpilleur. Vous croyez que son équipage veut un gentil signal de transpondeur qui permettrait de les localiser alors qu’ils s’apprêtent à attaquer l’ennemi ? Non, Il y a une chouette touche dans le cockpit marquée “transpondeur éteint”. Je l’ai enfoncée juste avant que nous partions. Nous ne sommes plus qu’un corps indéfini en mouvement, comme un million d’autres.

Holden resta silencieux une poignée de secondes.

— Alex, il se pourrait que ce soit la plus grande chose qu’un être humain ait faite dans l’histoire de l’univers.

— Mais nous ne pouvons nous arrêter nulle part, Jim, dit Naomi. Un, aucun spatioport ne laissera approcher un vaisseau dont le transpondeur n’émet pas. Et deux, dès qu’ils nous auront en visuel il nous sera difficile de dissimuler que nous sommes à bord d’un appareil de guerre martien.

— Mouais, ça c’est le mauvais côté des choses, approuva Alex.

— Fred Johnson nous a communiqué les coordonnées du réseau pour entrer en contact avec lui, dit Holden. Je pense que l’APE pourrait être le seul groupe à nous permettre de poser quelque part notre vaisseau martien volé.

— Il n’est pas volé, rétorqua Alex. C’est désormais une récupération légitime.

— Ouais, sortez donc cet argument à la Flotte de la République martienne s’ils nous capturent, mais faisons quand même tout notre possible pour que ça ne se produise pas.

— Alors nous attendons simplement ici que le colonel Johnson reprenne contact avec nous ? interrogea Alex.

— Non, moi j’attends. Vous deux, vous préparez les funérailles du lieutenant Kelly. Alex, vous avez servi dans la Flotte martienne, vous connaissez ses traditions. Faites-le avec tous les honneurs dus, et inscrivez la cérémonie dans le journal de bord. Il est mort pour nous permettre de sauver notre peau, et nous allons lui accorder tout le respect auquel il a droit. Dès que nous nous serons posés, nous transmettrons tout le dossier au commandement de la Flotte martienne pour qu’ils puissent officialiser son décès.

— Nous allons faire les choses comme il faut, monsieur, affirma Alex.

* * *

Fred Johnson répondit à son message si rapidement qu’Holden se demanda s’il n’était pas assis devant son terminal, à le guetter. Le message se limitait à des coordonnées et à l’expression faisceau de ciblage. Holden braqua donc le système laser sur l’endroit désigné – le même depuis lequel le colonel avait envoyé son premier message –, puis il alluma son micro et dit :

— Fred ?

Les coordonnées étaient distantes de plus de onze minutes-lumière. Holden s’attendit donc à patienter vingt-deux minutes. Pour s’occuper, il transmit la localisation au cockpit et demanda à Alex de mettre le cap dans cette direction à un g dès qu’ils en auraient fini avec le lieutenant Kelly.

Vingt minutes plus tard, la poussée débuta et Naomi gravit l’échelle. Elle avait ôté sa combinaison pressurisée et portait une tenue de vol martienne rouge qui était trop courte pour elle de vingt bons centimètres et trois fois trop large à la taille. Elle semblait s’être lavé les cheveux et le visage.

— Il y a une douche à la proue de ce vaisseau, fit-elle. Nous pouvons le garder ?

— Comment ça s’est passé ?

— Nous avons pris soin de lui. Il y a une cale de bonnes dimensions située sous la chambre des machines. Nous l’avons placé là en attendant de pouvoir le renvoyer aux siens. J’ai coupé les paramètres environnementaux là-bas, donc sa dépouille sera bien conservée.

Elle tendit la main et laissa tomber un petit cube noir sur les cuisses d’Holden.

— C’était dans une de ses poches, sous sa combinaison renforcée.

Il prit l’objet. Cela ressemblait à une sorte d’unité de stockage de données.

— Vous pouvez trouver ce qu’il contient ? demanda-t-il.

— Bien sûr. Laissez-moi juste un peu de temps.

— Et Amos ?

— Tension artérielle stable, dit-elle. C’est certainement bon signe.

La console comm laissa échapper un bip, et Holden enclencha l’enregistrement.

— Jim, les nouvelles concernant le Donnager viennent d’atteindre le réseau. Je dois admettre que je suis extrêmement surpris d’avoir de vos nouvelles, dit la voix de Fred. Que puis-je faire pour vous ?

Holden mit un temps pour préparer sa réponse. La suspicion de Fred était manifeste, mais il avait envoyé à Holden un mot de passe pour cette raison précise.

— Fred. Tandis que nos ennemis sont devenus omniprésents, la liste de nos amis s’est écourtée. En fait, nous sommes à peu près seuls. Je suis dans un vaisseau volé…

Alex se racla bruyamment la gorge.

— Dans une canonnière de la Flotte martienne que nous avons récupérée, corrigea Holden. J’ai besoin d’un moyen pour cacher ce fait, et d’une destination où ils ne m’abattront pas dès que je montrerai le bout de mon nez. Aidez-moi à trouver cet endroit.

Une demi-heure s’écoula avant la réponse :

— Je vous joins un fichier sur un sous-canal. Il contient le code de votre nouveau transpondeur et les indications pour l’installer. Le code s’adaptera dans tous les registres. Il est parfaitement valide. Le fichier contient également les coordonnées qui vous mèneront dans un endroit sûr. Je vous y rencontrerai. Nous avons beaucoup à nous dire.

— Le code d’un nouveau transpondeur ? dit Naomi. Comment l’APE se procure-t-elle les codes de nouveaux transpondeurs ?

— Ils craquent les protocoles de sécurité de la coalition Terre-Mars, ou bien ils ont une taupe au service des enregistrements, supposa Holden. Quoi qu’il en soit, je crois que nous jouons dans la cour des grands, désormais.

16

Miller

Miller regardait l’émission venue de Mars avec tout le reste du poste. L’estrade était drapée de noir, ce qui était mauvais signe. L’unique étoile et les trente bandes de la République martienne pendaient en arrière-plan non pas une fois, mais huit. Ce qui était encore plus mauvais signe.

— Cela n’a pas pu se produire sans que la chose ait été soigneusement planifiée, disait le président martien. Les informations qu’ils cherchaient à voler auraient compromis la sécurité de la Flotte martienne de façon très grave. La manœuvre a échoué, mais au prix de quatre-vingt-six vies martiennes. Cette agression a été préparée par la Ceinture depuis des années, au moins.

La Ceinture, releva Miller. Pas l’APE : la Ceinture.

— Durant la semaine qui a suivi les premières annonces de cette attaque, nous avons dénombré trente incursions dans le périmètre de sécurité de nos vaisseaux ou de nos bases, dont la station Pallas. Si ces affineries venaient à être perdues, l’économie de Mars subirait des dommages irréversibles. Confrontés à une force de guérilla armée et organisée, nous n’avons d’autre choix que d’imposer un cordon militaire aux stations, bases et vaisseaux de la Ceinture. Le Congrès a distribué de nouveaux ordres à toutes les unités de la Flotte qui ne sont pas actuellement engagées dans une collaboration active dans la Coalition, et nous espérons que nos frères et sœurs de la Terre approuveront des manœuvres conjointes de la Coalition dans les plus brefs délais.