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— Ouvrez la porte, et nous vous laisserons partir, je vous le promets, dit-il.

L’autre accepta d’un signe de tête et s’approcha de la porte. Il introduisit sa carte magnétique dans le lecteur et composa un code sur le clavier numérique. Le lourd panneau anti-souffle s’ouvrit. Au-delà, la pièce était encore plus sombre que le couloir où ils se trouvaient. L’éclairage insuffisant de quelques LED dispensait une triste lumière rouge. Holden discerna des dizaines… des centaines de corps qui gisaient sur le sol, inertes.

— Ils sont morts ? fit-il.

— Je ne sais rien de ce…, commença le garde, mais Miller l’interrompit :

— Tu entres le premier.

Et il poussa en avant le faux policier.

— Attendez, dit Holden. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de foncer tête baissée.

Trois choses se produisirent alors simultanément. Le garde fit quatre pas et s’écroula. Miller éternua une fois, très bruyamment, et se mit à vaciller comme un ivrogne. Et les terminaux d’Holden et de l’ex-policier émirent un bourdonnement électrique agressif.

Miller recula en titubant.

— La porte…

Holden appuya sur le bouton et le panneau métallique se referma.

— Du gaz, dit Miller avant d’être secoué par une quinte de toux. Il y a du gaz là-dedans.

Pendant qu’il s’adossait contre le mur du couloir et toussait longuement, Holden sortit son terminal de sa poche et coupa le bourdonnement. Mais l’alarme qui clignotait sur l’écran signalait une contamination de l’air. C’était le cercle avec les trois vénérables triangles dont les pointes se rejoignaient au centre. Radioactivité. Sous ses yeux, le symbole qui aurait dû être blanc vira à l’orange vif, puis au rouge sombre.

Miller contemplait lui aussi l’écran de son terminal. Son visage était un masque indéchiffrable.

— Nous avons été contaminés, déclara Holden.

— Je n’avais encore jamais vu le détecteur s’activer, remarqua l’ex-policier d’une voix rauque et affaiblie par la violence de sa quinte de toux. Quand c’est rouge, ça signifie quoi ?

— Que nous saignerons par le rectum dans environ six heures. Il faut que nous rejoignions le vaisseau. À bord, il y aura les médicaments dont nous avons besoin.

— Qu’est-ce qui se passe, bordel ?

Holden le prit par le bras et l’entraîna dans le couloir en direction des rampes. Sa peau lui semblait brûlante et était envahie de démangeaisons. Il ne savait pas si le phénomène était dû aux radiations ou à une réaction psychosomatique. Avec le taux de contamination qu’il venait d’encaisser, il se félicitait d’avoir mis des échantillons de son sperme en sûreté, dans le Montana et sur Europe.

Cette pensée propagea le phénomène à ses testicules.

— Ils ont contaminé la station, dit-il. Ou alors ils ont simplement prétendu l’avoir contaminée. Et ensuite ils ont traîné tout le monde ici, et ils ont enfermé ces pauvres gens dans des abris qui sont les seuls endroits réellement radioactifs. Et ils les ont gazés pour qu’ils se tiennent tranquilles.

— Il y a des façons plus simples de tuer, dit Miller qui ahanait tandis qu’ils couraient dans le couloir.

— Alors il y a autre chose… Le virus ! Celui qui a tué cette fille. Il… Il se nourrissait de radiations.

— Des incubateurs, approuva Miller.

Ils arrivèrent au sommet d’une des rampes menant aux niveaux inférieurs, mais un groupe de citoyens mené par deux faux policiers la gravissaient. Holden agrippa Miller et le tira sur le côté, là où ils pouvaient se cacher à l’ombre d’un restaurant de nouilles fermé.

— Donc ils les ont infectés, c’est bien ça ? murmura Holden en attendant que le groupe soit passé. Peut-être avec de faux cachets antiradioactivité contenant le virus. Peut-être que cette substance marron s’est simplement propagée sur le sol. Ensuite ce qu’il y avait dans la fille, Julie…

Il se tut lorsque Miller s’éloigna de lui et alla à la rencontre du groupe qui venait d’arriver en haut de la rampe.

— Officier, dit l’ex-flic à l’un des faux agents de sécurité.

Les deux s’arrêtèrent face à face.

— Vous êtes supposé vous trouver…

Miller lui tira dans la gorge, juste sous la visière de son casque. Puis il pivota vivement et logea une balle dans la partie intérieure de la cuisse de l’autre garde, juste sous l’entrejambe. Quand l’homme bascula en arrière avec un hurlement de douleur, Miller s’avança de trois pas et tira encore, cette fois à la gorge.

Deux ou trois citoyens se mirent à crier. Miller pointa son arme sur eux, et ils firent silence.

— Descendez d’un niveau ou deux, et trouvez un endroit où vous cacher, ordonna-t-il. Ne coopérez pas avec ces hommes, même s’ils sont habillés comme des policiers. Ils n’ont pas vos intérêts à cœur, vous pouvez me croire. Allez.

Les autres hésitèrent, puis ils rebroussèrent chemin au pas de course. Miller prit quelques balles dans sa poche et entreprit de remplacer les trois qu’il avait utilisées. Holden voulut parler, mais il le devança :

— Visez à la gorge, si c’est possible. En général, il reste un espace nu entre le bas de la visière du casque et le haut du gilet pare-balles. S’il n’est pas suffisant ou absent, tirez dans la face interne de la cuisse. La tenue antiémeute est nettement moins renforcée à cet endroit. Question de mobilité. On peut abattre la plupart des enfoirés avec une seule balle.

Holden acquiesça, comme si ces explications avaient un sens pour lui.

— Dites, et si on retournait au vaisseau avant de saigner à mort, hein ? Et on ne descend plus personne si on peut l’éviter.

Sa voix lui parut plus calme qu’il ne l’était.

Miller enclencha le chargeur dans la crosse de son arme et engagea une balle dans la chambre.

— M’étonnerait pas qu’il y ait encore un paquet de connards à descendre avant que tout ça soit terminé, dit-il. Mais oui, bien sûr : faisons les choses dans l’ordre.

28

Miller

La première fois que Miller avait tué quelqu’un, c’était durant sa troisième année à la sécurité. Il avait alors vingt-deux ans, venait de se marier et parlait d’avoir des enfants. En tant que dernier arrivé dans l’équipe, il avait droit aux missions les plus merdiques : patrouiller à des niveaux si élevés que la force de Coriolis lui donnait le mal de mer, aller régler les conflits domestiques et les problèmes de voisinage dans des appartements pas plus grands que des bennes à ordures, monter la garde devant la cellule de dégrisement pour éviter que des prédateurs sexuels abusent d’ivrognes comateux. Le bizutage classique. Il s’y était attendu. Il avait pensé qu’il tiendrait le coup.

L’appel provenait d’un restaurant illégal situé presque au centre de la masse. À moins d’un dixième de g, la gravité était à peine plus qu’une suggestion, et son oreille interne avait été complètement chamboulée et irritée par ce changement dans la rotation. Quand il y repensait, il se souvenait encore du son des voix en colère, trop rapides et trop empâtées pour articuler correctement les mots. L’odeur du fromage de fabrication clandestine. Le brouillard diaphane montant des plaques électriques bon marché.

Tout s’était passé très vite. Le suspect était sorti de l’appartement avec un pistolet à la main, en traînant de l’autre une femme par les cheveux. L’équipier de Miller, un vétéran ayant dix ans d’expérience appelé Carson, avait lancé une mise en garde. L’homme s’était retourné, son arme à bout de bras, comme un cascadeur dans une vidéo.

Pendant toute la durée de la formation, les instructeurs vous répétaient que vous ne pouviez pas savoir ce que vous feriez avant que le moment se présente. Tuer un autre être humain n’était pas un acte anodin. Certaines personnes en étaient incapables. Le suspect avait braqué son arme, puis il avait lâché la femme en poussant un cri. Pour Miller au moins, le passage à l’acte ne s’était pas avéré si difficile.