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Les deux adjoints entraînèrent la jeune femme vers le fond de la salle. Jenson la précédait toujours. Il s’approcha d’une forme longue recouverte d’un drap que Valeria n’avait pas remarquée jusque-là.

— Vous êtes une porte, chère mademoiselle, déclara Jenson. Vous êtes le passage vers une connaissance au-delà de toute valeur. Nous allons entrer en vous, passer à travers vous. Mais rassurez-vous, nous n’aurons pas besoin de vous forcer car nous avons la clé…

D’un geste ample, il retira le drap. Valeria écarquilla les yeux, épouvantée. Posé sur une sorte de sarcophage équipé de sangles, elle reconnut le genre de casque identique à celui placé par les Destrel dans la mallette. Il était connecté au même type de dispositif que Stefan avait reconstitué à partir des notes des savants disparus. Bien qu’à bout de forces, Valeria trouva l’énergie de se débattre.

Ses deux geôliers la soulevèrent et l’allongèrent de force dans la boîte capitonnée. À l’aide des sangles, ils immobilisèrent sans ménagement ses bras et ses jambes. Debbie s’approcha avec une seringue, mais Jenson lui fit signe d’attendre. Il se pencha sur Valeria. Elle sentait son souffle.

— J’espère que vous êtes bien celle que je crois, murmura-t-il en lui caressant les cheveux. Parce que lorsque nous avons expérimenté cet engin sur quelqu’un à qui il n’était pas destiné, il est devenu fou et s’est tué quelques heures après…

32

Peter avait pris la route de bonne heure pour être certain de trouver Martha Robinson chez elle. La nuit avait été courte et il avait du mal à surmonter l’impact de sa confrontation avec Morton. Même s’il avait eu le dessus, c’était une victoire qui lui avait beaucoup coûté. Plus que jamais, la vérité avait un prix et un poids. Incapable d’oublier son regard, ses mots, il en avait encore le ventre noué.

Impossible de déterminer laquelle, de sa conscience ou de celle de Gassner, était la plus bouleversée. Il était simplement révolté, écœuré et plus que jamais décidé à se battre. Ce qu’il adviendrait de lui importait peu pour l’instant. La seule chose qui comptait, c’était Valeria.

Pourquoi désirait-il tant la sauver ? Était-ce Gassner qui le lui soufflait, ou lui qui l’avait décidé ? Il n’avait pas la réponse, mais c’était sans importance. D’où qu’il vienne, ce désir était le sien.

Il revoyait le visage de Valeria, réentendait le son de sa voix, quelque chose d’immédiatement chaleureux. Il se remémora leurs conversations. Il aimait sa façon de baisser les yeux sous sa frange brune, juste avant de les relever pour dire quelque chose d’important. Ce détail la résumait assez bien, il associait le charme et le courage.

Ce matin, pour la seconde fois en quelques heures, Peter allait devoir convaincre quelqu’un que Frank Gassner vivait un peu en lui. Mais cette fois, il n’était pas question de terrifier, ni de contraindre qui que ce soit. Il lui fallait convaincre parce qu’il avait besoin d’un sérieux coup de main.

Dans les quartiers résidentiels, à cette heure matinale, beaucoup de gens étaient déjà partis travailler. Les rues étaient calmes, les arrosages automatiques projetaient de fines gouttelettes qui formaient de petits arcs-en-ciel dans la lumière franche du soleil. La journée s’annonçait magnifique.

Arrivé à hauteur de la maison, Peter se gara. Se regardant dans son rétroviseur intérieur, il ajusta son col et passa la main dans ses cheveux pour essayer de se coiffer. En vain. Il descendit. Soudain privé de la fraîcheur de la climatisation, l’air lui paraissait déjà bien tiède.

Il alla directement sonner à la porte. Aucune réponse. Il attendit un instant, puis sonna de nouveau avec insistance. Il recula de quelques pas, observa les rideaux du premier et du salon mais sans détecter le moindre signe de vie.

Dans le jardin voisin, une femme en robe de chambre traversa la pelouse pour aller ramasser son journal. Apercevant Peter, elle le salua poliment. Le jeune homme répondit d’un geste de la main et s’empressa de demander :

— Pardonnez-moi, savez-vous si Mrs Robinson est là ?

— Elle ne doit pas être loin. Je l’ai aperçue ce matin et sa voiture est derrière. Elle doit prendre son petit déjeuner.

Peter hocha la tête d’un air entendu et la remercia. Avec autant de naturel que possible, il contourna la maison. Ses pas crissèrent sur l’allée de gravier qui longeait le flanc de la villa. La voiture était en effet garée devant le garage tout en bois. Le jardin de derrière était plus dense que celui donnant sur la rue. L’endroit avait davantage de charme. Sous un pommier tout rond, un banc était installé. Peter repéra la porte de la cuisine. À travers les petits carreaux, il observa l’intérieur. Tout y était impeccablement rangé, sans aucune trace de petit déjeuner en cours. Il frappa, plus fort cette fois. Il plaça ses mains en visière et se colla contre la vitre pour essayer de mieux voir. Lorsqu’il posa sa main sur la poignée, il s’aperçut que la porte n’était pas verrouillée. Avec précaution, il passa la tête.

— Mrs Robinson, vous êtes là ?

La maison était silencieuse, aucun bruit de douche qui aurait pu justifier que Martha n’entende pas.

Peter traversa la cuisine et s’engagea dans le couloir qui menait au salon lorsque soudain, tout proche de son oreille, il entendit le déclic d’une arme à feu.

— Si tu bouges, tu es mort… siffla Mrs Robinson d’une voix glaciale.

Peter leva aussitôt les bras en l’air et dit :

— Je suis désolé d’être entré comme un voleur. C’est moi, Peter, vous ne me reconnaissez pas ?

— Si, justement. Alors tu vas être gentil et mettre les mains contre le mur en te tenant tranquille parce que sinon, je te promets que tu ressortiras d’ici avec un gros trou à la place du cerveau.

Martha posa le canon de son arme sur la nuque du jeune homme et l’appuya pour le forcer à obtempérer. Peter s’exécuta. Elle le fouilla. Dans la poche intérieure de son blouson, elle découvrit le revolver 9 millimètres, qu’elle confisqua.

— Il faut être drôlement gonflé pour revenir, fit-elle, ses yeux lançant des éclairs de colère. La dernière fois, tu m’as prise pour une vieille imbécile.

— Laissez-moi vous expliquer… se défendit Peter.

Il essaya de se retourner mais elle l’en empêcha en accentuant la pression de son arme.

— Tout doux, gronda-t-elle. Tu auras tout le temps de me raconter ta petite histoire en attendant que les flics arrivent.

— Je vous en prie, argumenta Peter. Écoutez-moi…

Sans ménagement, elle le dirigea vers le salon et l’obligea à s’asseoir sur une chaise.

— Donne-moi ta ceinture, lui ordonna-t-elle.

Devant l’air incrédule de Peter, elle répéta, plus ferme.

— Donne-la-moi et ne discute pas.

Peter défit la boucle, fit glisser la lanière et la lui tendit.

— Passe tes bras derrière le dossier.

Avec une prudence de dresseur de fauve, Martha s’approcha, et sans hésiter, lui ligota les deux poignets solidement au dossier. Elle serra jusqu’à lui faire blanchir les articulations. Peter crispa les mâchoires.

Mrs Robinson repassa devant Peter et reprit :

— Tu as été brillant la dernière fois. J’ai même cru à ton histoire. J’en ai eu les larmes aux yeux, j’étais toute retournée. Compliments, tu es un sacré comédien. Mais tu ne t’imaginais pas que j’allais rester sans vérifier ? Après trente-cinq ans dans le renseignement, j’ai encore pas mal de relations. Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir que tu m’avais roulée dans la farine. Je me pose pourtant une question, une seule : pourquoi ? Pourquoi m’as-tu raconté tout ça ?