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D’un regard, elle balaya la pièce et porta son attention sur une maquette reproduisant un assaut de la bataille de Green Wald. Au milieu d’une végétation miniature, des figurines de plomb peintes avec un luxe de détails rejouaient l’ultime charge des Nordistes contre une poche de résistance sudiste retranchée dans un fossé avec ses otages. Morton avait avoué à Peter que la clé se trouvait là. Martha étudia les personnages attentivement et finit par repérer la figurine d’un capitaine qui courait sabre au clair. Elle tira délicatement dessus. Dans le prolongement de sa jambe, dissimulée dans le socle, apparut la tige d’une clé de sûreté.

Elle retourna au coffre et introduisit la clé dans la serrure. Elle lui fit faire deux tours, actionna ensuite les deux cadrans crantés du code mécanique et abaissa la poignée. La petite porte s’ouvrit. Avec méthode, elle sortit les dossiers et les quelques boîtes qu’il contenait.

Lorsqu’elle découvrit une chemise à rabat vert sombre marquée d’un « D », elle en écarta les élastiques et feuilleta rapidement les pages. Sans ordre apparent, s’accumulaient là des plans, des rapports d’expériences et des notes de service sur un centre expérimental. Plusieurs documents étaient annotés de la main même du général. Martha tenait ce qu’elle était venue chercher. Elle glissa le dossier dans son grand sac à main.

— Eh bien, fit Malcolm en la voyant enfin revenir, vous aviez beaucoup de choses à vous dire.

Martha sourit sans répondre et s’assit. Devant elle, son assiette de salade d’écrevisses était superbe, mais elle était trop nouée pour avaler quoi que ce soit. Chaque fois que quelqu’un la regardait, elle avait l’impression d’être soupçonnée, comme si ce qu’elle venait d’accomplir se lisait sur son visage.

— Je ne me sens pas bien, dit-elle. Je crois que je vais rentrer.

Malcolm se pencha vers elle, attentionné.

— Vous avez parlé du général avec votre remplaçante, et cela réveille beaucoup de choses que l’on voudrait tous oublier.

— Oublier est impossible, répondit Martha. Je voudrais que cela n’ait jamais eu lieu.

Malcolm secoua la tête d’un air triste et entendu.

— Je vous raccompagne à votre voiture.

Moins d’une heure plus tard, Martha arrivait chez elle, où Peter l’attendait dans un état de fébrilité rare. Il l’accueillit avec soulagement.

— Je suis heureux de vous voir revenir… Tout s’est bien passé, vous n’avez pas eu de problème ?

— Mission accomplie.

Elle lui tendit le dossier. Son regard brillait de fierté. Peter le saisit et l’ouvrit. Martha jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.

— C’est ce que vous vouliez ? demanda-t-elle.

— C’est mieux que ça, c’est une véritable bombe ! Je comprends que Morton ait gardé tout ça pour lui. Je ne sais pas comment vous remercier. Vous avez pris des risques insensés.

— Ce n’est rien. J’espère que vous allez pouvoir sauver votre amie.

— Moi aussi.

— En tout cas, vous avez l’air de tenir beaucoup à elle.

— C’est quelqu’un de bien.

— Seulement ? le taquina Martha. Vous faites tout ça parce qu’elle est « quelqu’un de bien » ?

Peter parut surpris de l’allusion.

— Elle est innocente, elle n’avait aucune raison d’être enlevée, expliqua-t-il. Je trouve normal d’essayer de la sauver. Je ferais la même chose pour n’importe qui.

— Vous ne parleriez pas de n’importe qui comme vous avez parlé d’elle hier soir. Vous étiez émouvant.

Peter rougit et baissa les yeux.

— Il vaudrait mieux que j’y aille, dit-il. J’aimerais pouvoir rester, mais j’ai encore de la route et Stefan doit m’attendre.

— Oui, bien sûr. C’est plus raisonnable…

Martha parut soudain bien fragile.

— Je ne sais pas si nous nous reverrons… dit-elle.

— Quand nous en serons tous sortis, je vous promets de revenir.

Même sans se faire d’illusion, Martha fut heureuse de l’entendre.

— Alors filez, dit-elle. Je vais vous faire une bise comme une dame bien élevée.

Elle saisit Peter par l’épaule et l’attira vers elle.

— Bonne chance, mon garçon. Vous êtes la rencontre la plus incroyable de ma vie, un peu comme Frank. Je crois que vous êtes un type bien. Que Dieu vous garde.

Peter la serra dans ses bras et lui souffla :

— Si peu de temps ensemble, et j’ai pourtant l’impression de vous connaître par cœur. Merci pour tout, Martha. Merci d’avoir pris tous ces risques. Frank avait raison. Vous êtes indispensable…

Il l’embrassa puis ajouta :

— Et n’oubliez pas, si on vous fait des problèmes, dites que je vous ai obligée. Inventez n’importe quoi, que je vous ai menacée. N’hésitez pas à me charger.

Peter saisit sa main avec chaleur et sourit presque tristement. Ses doigts se lièrent un moment à ceux de Martha, puis il se dirigea vers la sortie.

— Dites à Frank qu’il me manque, lança-t-elle, émue aux larmes.

— Vous venez de le lui dire, répondit Peter.

Il lui fit un dernier signe et disparut.

34

— Redites-moi votre nom.

— Serensa… Valeria Serensa.

Simon s’acharnait à la faire parler. Fébrile, inquiet autant que révolté, il ne parvenait pas à se calmer.

— Où avez-vous grandi ? Décrivez-moi vos parents.

Il parlait précipitamment, impatient de vérifier. La jeune femme renversa la tête sur l’oreiller. Elle était à bout de forces, fiévreuse, le visage pâle, les cheveux collés par une sueur glacée. Lauren lui épongea le front une nouvelle fois.

— C’est important, insista Simon. Faites un effort… Votre plus beau Noël ! Racontez-moi votre plus beau Noël.

— Elle est épuisée, intervint Lauren. Laissons-la dormir. De toute façon, cela ne changera rien.

— Je veux savoir, il le faut ! répliqua vivement Simon. S’ils lui ont fait du mal, je les tuerai.

Il saisit la main inerte de Valeria et la serra, bouleversé.

— Tu as fait ce que tu as pu, dit Lauren pour l’apaiser. Même l’Esprit a ses limites. Face à leur barbarie, on ne peut pas tout. Ils ont la force pour eux. Nous savons toi et moi que cela peut leur apporter quelques victoires immédiates.

— Pas sur elle, pas contre une âme, se lamenta l’homme.

Valeria gémit.

— J’avais demandé un frère, murmura-t-elle.

Simon se pencha, soulagé et anxieux à la fois :

— Que dites-vous ?

— Pour Noël, j’avais demandé un frère. Mais ma mère ne pouvait plus avoir d’enfants. Mes grands-parents m’ont offert un chien. Il s’appelait Ténor. Quand il aboyait, il avait vraiment l’air de vouloir dire quelque chose.

Simon eut un sourire de joie. Il en aurait pleuré de soulagement.

— Parle, petite, parle. Raconte ce que tu es. Dis-nous qu’ils n’ont pas réussi.

Lauren s’agenouilla près du lit. Elle saisit les mains de Simon et de Valeria, qui reprit d’une voix faible :

— Ténor me suivait partout. Quand j’allais à l’école, quand je faisais du vélo jusque chez le vieux Rico, il était toujours là. La nuit, il dormait couché contre la porte de ma chambre. Il a fini par apprendre à ouvrir les portes lui-même. Quand tout était silencieux dans la maison, il venait. Il savait qu’il ne fallait pas faire de bruit. À table, je lui donnais en douce ce que je ne voulais pas manger. Cela faisait râler ma mère.