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Peter ne répondit pas. Il s’assit tranquillement au bureau et avec le premier stylo venu, écrivit quelque chose sur le dernier feuillet.

— Vous ne devriez pas, insista le professeur, qui hésitait à lui retirer les feuillets de force.

— Reculez, lui intima Stefan.

Toujours serein, Peter acheva d’écrire, reposa le stylo et se leva. Il approcha de Jenson et lui plaça la feuille bien en évidence devant les yeux. Sur le feuillet, il avait recopié la dernière ligne tracée par Gassner : « Possibilité de marquer une mémoire d’une vie à l’autre. »

Les deux lignes étaient identiques. L’écriture n’était pas que ressemblante, elle était exactement la même. Le plus doué des faussaires n’aurait pas pu l’imiter avec ce degré de perfection. Sans l’ombre d’un doute, la même main avait écrit les deux lignes, à vingt ans d’intervalle. Jenson blêmit.

— C’est impossible, murmura-t-il.

Valeria saisit le feuillet, l’observa et demanda à Peter :

— Tu as découvert d’où te venait le rêve, c’est ça ? C’est par celui qui a rédigé ces feuillets ?

— Il s’appelait Frank Gassner. Il était chargé de surveiller les travaux des Destrel. Il a été trahi, comme eux.

— Était-il leur ami ou leur ennemi ?

— Ils ne se connaissaient pas, intervint Stefan. Mais une chose est certaine : aujourd’hui, Gassner est leur allié.

Valeria rendit le feuillet à Peter et d’un air accablé, confia :

— Ce matin, de force, ils ont essayé de réveiller ma mémoire antérieure. Avec ça.

Elle désigna le sarcophage et le casque. Elle retira le drap. Stefan s’approcha du système qui ressemblait à celui qu’il avait reconstitué à l’université d’Édimbourg. Il souleva le casque, beaucoup plus moderne que le leur, puis s’installa devant le clavier de la console. En jetant un coup d’œil à l’écran, il pianota.

— Ne touchez pas à ça ! hurla Jenson en fonçant vers le jeune homme. C’est du matériel ultra-sophistiqué. Vous allez tout détraquer.

Peter arrêta le professeur d’un mouvement sec. Stefan s’infiltra dans les programmes et navigua entre les différentes applications, puis lâcha :

— Ça ne peut pas marcher. Il manque des pas de programme. Je vois aussi d’après le journal d’expérimentation qu’ils ont fait des essais avec plusieurs gammes de fréquences pour la stimulation, mais ils n’ont pas les bonnes.

— Qu’est-ce que vous en savez ? lança Jenson, dédaigneux.

Peter se contenta de sourire. Stefan revint vers Valeria.

— Et maintenant, lui demanda-t-il, comment te sens-tu ?

— J’ai eu très mal à la tête, rien d’autre.

— Tu as dormi depuis leur tentative ? s’enquit Peter.

— Juste un peu.

— Et à ton réveil, tu n’as rien ressenti ? Comme si des idées arrivaient en toi et s’installaient ?

— Non.

Jenson les observait, mi-fasciné mi-effrayé.

— Qui êtes-vous ? interrogea-t-il.

Morton eut un petit gloussement.

— Vous ne comprendrez pas dans cette vie-là, répondit Peter.

— Votre mépris m’indiffère, répliqua Jenson. Si toutefois vous arrivez à sortir d’ici, vous serez recherchés comme des criminels de la pire espèce. Vous n’aurez plus jamais la paix, vous passerez le reste de votre existence en cavale, la peur au ventre. Et tôt ou tard nous vous retrouverons, tous les trois.

En entendant la menace, Valeria songea au calvaire qu’avaient enduré les Destrel.

Peter s’avança tranquillement vers Jenson. Il le dominait. Le scientifique recula mais se retrouva bloqué contre une vitrine. Il émanait du jeune homme une puissance effrayante. Jenson plaça instinctivement un bras devant son visage pour se protéger.

— Écoutez-moi, professeur. Personne ne sait que ce centre existe. L’affaire Destrel n’était connue que du général et de vous. Vous avez manipulé tous les autres employés sans jamais leur dire sur quoi ils travaillaient vraiment. La totalité des archives est contenue dans cette pièce. Une fois tout cela détruit, pas un humain sur cette terre ne croira ce que vous pourrez raconter sur nous. Vous vous êtes vous-même acharné à décrédibiliser les preuves…

— Qui vous dit que tout est ici ?

— Croyez-moi, je suis bien placé pour le savoir, et le général Morton m’a appris ce que j’ignorais depuis vingt ans. Avant que le choc fasse vaciller son esprit, nous avons eu le temps de parler. J’ai lu son dossier sur ce centre. Il m’a même confié des choses dont vous n’êtes pas informé… Vous n’avez plus rien à m’apprendre.

— Vous ne pouvez pas détruire ces documents, vous n’en avez pas le droit ! Ils sont inestimables !

— C’est pour cela que personne ne doit les posséder. Des gens comme vous n’en feront rien de bon.

L’intercom posé sur le bureau bipa.

— Répondez, ordonna Peter. Un conseil : ne tentez rien et soyez naturel.

Jenson appuya sur le commutateur de l’interphone.

— Qu’y a-t-il ?

— C’est vous, professeur ?

— Oui.

— Ici le poste de sécurité, nous avons un problème. Nous avons découvert votre assistante enfermée dans une salle d’examen. Elle était inconsciente. Nous préférons ne prendre aucun risque. Le chef et ses hommes sont en route pour vous mettre en sûreté, vous et le général…

À la seconde où l’agent prononçait ces mots, l’ascenseur s’ouvrait face à la porte blindée restée béante.

37

En pénétrant dans la salle la mieux gardée du complexe, le chef de la sécurité fut aussitôt soulagé. La présence du général Morton, du professeur et de deux militaires le rassura. Intérieurement, il jugea que l’équipe de permanence avait peut-être réagi un peu vite en déclenchant l’alerte. La visite de Morton électrisait décidément tout le monde. Il fit signe à ses deux hommes de marquer le pas à l’entrée.

— Mes respects, mon général, salua-t-il avant de se diriger vers Morton.

Le général ne répondit pas. C’est à peine s’il eut une réaction. Redoutant d’importuner l’assemblée, le chef de la sécurité se tourna alors vers Jenson :

— Désolé de vous déranger, professeur, mais en trouvant votre assistante inanimée, on s’est demandé si elle avait été victime d’un malaise ou d’une agression. Nous avons préféré être prudents.

Personne ne lui répondit. L’homme se rendit responsable de l’ambiance glaciale. Lui qui n’était jamais venu dans cette partie du centre prit alors conscience de ce qui l’entourait. Il remarqua les vitrines, le sarcophage. Le mélange de technologie ultramoderne et de vieilleries était surprenant. La pièce ressemblait à la fois à un musée et à un laboratoire spatial. Une sorte de malaise s’insinua en lui.

— Puisque tout est en ordre, dit-il, je vais vous laisser.

Déjà ses hommes ressortaient. Il salua le groupe toujours silencieux lorsque soudain, il croisa le regard de Peter. Il s’immobilisa.

— Je vous connais, lui déclara-t-il spontanément.

Peter fut incapable de répondre.

— Cela m’étonnerait, intervint Stefan, qui pressentait le pire. Nous ne sommes en poste que depuis peu de temps et nous ne sommes jamais venus ici.

Le chef de la sécurité s’approcha du jeune capitaine en scrutant ses yeux avec insistance. Après avoir tenté en vain d’éviter son regard, Peter le fixa avec la même intensité. Les deux hommes s’étudiaient avec une attention propre à percer les apparences.

— C’est bizarre, commenta l’homme, votre regard m’est familier. Je suis certain que je le connais bien et pourtant, je n’arrive pas à savoir où nous nous sommes déjà rencontrés. Mon visage ne vous dit rien ?