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— Voulez-vous que nous réunissions tout le monde pour la cérémonie ? » demanda Rasa.

Pour que l’assistance passe une demi-heure à s’ennuyer tout en se demandant comment Hushidh et Issib allaient se débrouiller au lit ? « Non merci, répondit Issib. Toutes les personnes indispensables sont déjà présentes.

— Ah, dommage, dit Hushidh. J’ai invité Luet et Nafai à venir aussi, dès qu’ils auront averti Zdorab et Shedemei des nouvelles dispositions de couchage. »

Issib n’y avait pas pensé : Hushidh partageait une tente avec Shedemei, comme Issib avec Zdorab. Les deux restants allaient se retrouver ensemble avant d’y être prêts, et…

« Ne t’inquiète pas, dit Père. Zdorab dormira ici avec l’Index et Shedemei restera où elle est. Hushidh s’installera avec toi ; ta tente est déjà… équipée. »

Oui, équipée de latrines privées, de bassins pour sa toilette à l’éponge, d’un lit au matelas de bulles d’air pour éviter les escarres. Et le matin, il aurait besoin de se vider la vessie et les intestins ; il dirait alors : « Shuya, ma chérie, ça ne t’ennuie pas de m’apporter mon urinal et mon bassin ? Et nettoie ensuite derrière moi, tu seras gentille…»

« Nafai et Zdorab viendront demain matin pour t’aider à te préparer, poursuivit Volemak.

— Et pour me montrer comment faire, intervint Hushidh. Il ne faut pas que ce soit une barrière entre nous, Issib, si tu dois devenir mon époux. Je ne veux pas que ce soit une gêne, et tu dois refuser d’en être gêné. »

C’est plus facile à dire qu’à faire, songea Issib, mais il acquiesça en souhaitant que cette intention devienne réalité.

Une fois Nafai et Luet présents, la cérémonie ne prit que quelques instants. Nafai se tenait auprès d’Issib et Luet auprès d’Hushidh, tandis que Rasa et Volemak récitaient chacun à son tour les paroles rituelles. Ils suivaient la cérémonie de mariage des femmes qui relevait de la coutume basilicaine et il fallait parfois souffler les mots à Volemak ; mais les participants avaient l’impression que cela faisait partie du rite de l’entendre répéter les paroles que Rasa venait de prononcer, très doucement, pour les lui remettre en mémoire. Enfin, la cérémonie s’acheva et Rasa joignit les mains des mariés. Hushidh se pencha sur Issib et l’embrassa. C’était la première fois que leurs lèvres se touchaient et ce contact le surprit. Mais il l’apprécia aussi beaucoup, d’autant plus que, durant le baiser, Hushidh s’agenouilla près du fauteuil et que ses seins s’appuyèrent sur son bras ; il n’eut alors plus qu’un désir : que tout le monde s’en aille afin de pouvoir pousser l’expérience à son terme.

Une demi-heure passa encore ; Nafai et Luet lancèrent quelques plaisanteries et taquinèrent les mariés ; mais enfin, Issib et Hushidh se retrouvèrent seuls dans la tente et ils reprirent l’expérience là où ils l’avaient interrompue. Une fois Hushidh dévêtue, elle souleva Issib de son fauteuil – en s’étonnant sans nul doute de son extrême légèreté, bien que Nafai l’eût sûrement assurée qu’elle n’aurait aucun mal à le porter, grande comme elle était. Elle le déshabilla et se colla contre lui afin qu’il puisse lui donner autant qu’elle lui donnerait. Il crut qu’il n’allait pas supporter la force de ses émotions en voyant le plaisir qu’il lui procurait, en sentant les plaisirs qu’elle lui donnait ; son corps arrivait presque à bout d’énergie lorsqu’elle s’installa sur lui. Mais ce n’était pas grave, car elle le tenait, bougeait sur lui, l’embrassait, et lui, il lui baisait la joue, l’épaule, la poitrine, le bras, chaque fois qu’une partie d’elle passait à portée de ses lèvres ; et quand il le put, il passa ses bras autour d’elle afin que, placée au-dessus de lui, elle sente aussi ses mains sur son dos, sur ses cuisses, ses mains douces, faibles, incapables de rien faire, en réalité – mais ses mains tout de même. Était-ce vraiment suffisant pour elle ? Était-ce un plaisir qui suffirait à la combler année après année, toute sa vie ?

Soudain, au lieu de s’interroger, il eut l’idée de lui poser la question.

« Oui, répondit-elle. Tu as fini, alors ?

— Pour cette fois-ci, en tout cas. J’espère que ça ne t’a pas fait trop mal.

— Un peu. Luet m’avait prévenue de ne pas m’attendre à être submergée de bonheur la première fois.

— Tu n’en avais pas l’air, en effet.

— Je n’étais pas submergée, c’est vrai, mais pas non plus complètement émergée ! Je dirais que pour ma nuit de noces, j’ai été bien immergée, et que j’attends avec impatience notre prochaine submersion pour voir à quel point ça peut s’améliorer !

— Pourquoi pas dès demain matin au réveil ? demanda-t-il.

— Peut-être. Mais ne t’étonne pas si tu te réveilles au milieu de la nuit pour t’apercevoir que j’abuse de toi !

— Tu plaisantes ou tu es sérieuse ?

— Et toi, est-ce que tu plaisantes ?

— Non. C’est la plus belle nuit de ma vie. Surtout parce que…»

Elle attendit la suite.

« Parce que je n’aurais jamais cru que ça m’arriverait.

— Et pourtant, c’est arrivé.

— Bon, j’ai répondu. À toi, maintenant.

— Au début, je pensais devoir peut-être jouer la comédie, et je l’aurais fait s’il l’avait fallu, parce que je sais qu’à long terme notre mariage peut tenir – je l’ai vu dans le rêve que m’a envoyé le Gardien de la Terre. S’il avait fallu que je joue la comédie pour lui donner un bon départ, je l’aurais fait.

— Ah…

— Mais ça n’a pas été nécessaire. Ce que tu as constaté, je l’ai vraiment ressenti ; ce n’était pas aussi bon que ça le sera plus tard, mais c’était bon quand même. Tu m’as fait plaisir. Tu es très doux, très gentil, très…

— Amoureux ?

— C’est ce que tu voulais me faire ressentir ?

— Oui, dit-il. Surtout ça.

— Ah », fit-elle.

Au bout d’un instant, il s’aperçut qu’elle n’avait pas du tout dit : « Ah » ; c’était plutôt un son qu’elle avait laissé échapper sans le vouloir ; dans la pénombre, il vit qu’elle pleurait, et il comprit alors qu’il avait eu exactement les mots qu’il fallait, tout comme elle lui avait dit les paroles qu’il avait besoin d’entendre.

Et alors qu’il s’enfonçait dans le sommeil, son corps contre celui d’Hushidh, son bras légèrement appuyé sur son flanc, il songea : J’ai goûté le fruit du rêve de Père ; non pas quand nous nous sommes accouplés, ni quand mon corps a déposé sa semence dans celui d’une femme, mais quand j’ai laissé Hushidh voir ma peur, ma gratitude.

5

Le visage du gardien

Luet observait les babouins. La femelle qu’elle désignait sous le nom de Rubyet, à cause de la cicatrice livide qui lui marquait le dos, était en période d’œstrus, et il était intéressant de regarder les mâles s’affronter pour elle. Le plus esbroufeur, Yobar, celui qui passait tant de temps au camp des humains, était celui qui réussissait le moins à attirer l’attention de Rubyet. En fait, plus il se montrait agressif, moins il progressait. Il exprimait sa colère en tapant des pieds et en montrant les dents, il faisait claquer ses mâchoires et agitait les bras dans l’espoir d’intimider un des mâles qui courtisaient Rubyet ; à chaque fois, celui-ci renonçait rapidement et s’enfuyait – mais profitant de ce que Yobar poursuivait sa victime, d’autres mâles s’approchaient d’elle. Et quand Yobar revenait « victorieux » auprès de Rubyet, il tombait sur de nouveaux mâles déjà sur place et toute la scène recommençait.