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Le manteau ?

Instantanément, une image jaillit dans son esprit. Il se vit de l’extérieur, tel que Surâme le percevait certainement par ses capteurs. Il vit son corps rouler de sous le bloc et se relever. Sa peau étincelait. Il s’aperçut que la majeure partie de la lumière de la salle provenait d’elle. Il se vit passer les mains sur son corps en cherchant à toucher le manteau. Mais il ne sentit rien d’autre que le contact habituel de son épiderme.

Il se demanda s’il allait toujours briller ainsi – si sa maison allait toujours s’illuminer chaque fois qu’il y entrerait.

À peine cette pensée lui fut-elle venue que la voix de Surâme lui répondit : Le manteau réagit à ta volonté. Si tu souhaites qu’il s’éteigne, il s’éteint. Si tu souhaites accumuler une forte charge électrique, il s’exécute – et en tendant le doigt, tu peux projeter un arc d’énergie dans la direction que tu veux. Rien ne peut te blesser quand tu le portes et tu deviens extrêmement dangereux pour les autres – mais si tu ne désires faire de mal à personne, le manteau reste inactif. Tes enfants peuvent dormir dans le noir et toi, serrer ton épouse dans tes bras comme tu l’as toujours fait. À vrai dire, plus ton contact physique avec autrui est intense, plus le manteau s’agrandira pour inclure cette autre personne et même réagir, dans une faible mesure, à sa volonté.

Alors Luet portera aussi ce manteau ?

À travers toi, oui. Il la protégera, lui permettra un meilleur accès à ma mémoire. Mais pourquoi me poser toutes ces questions ? Au lieu de les formuler, pourquoi ne pas renvoyer ton esprit en arrière et chercher à te rappeler, comme si tu avais toujours tout su du manteau ? Les souvenirs te viendront alors sans mal et en toute clarté. Tu sauras tout ce qu’il y a à savoir.

Nafai tenta l’expérience et, soudain, toute interrogation sur le manteau disparut. Il sut ce qu’était le rôle du pilote. Il sut même précisément en quoi Surâme avait besoin de lui pour préparer un vaisseau stellaire au départ.

« Nous n’aurons pas assez de toute notre vie à tous, y compris celle de nos enfants, pour accomplir tout ça ! s’exclama-t-il.

Je t’ai dit que je te donnerais des instruments. Par certains côtés, les robots sont irréparables, mais il reste des ensembles que l’on peut utiliser. Les machines elles-mêmes sont en parfait état de marche – c’est mon programme qui permet de les commander qui est défectueux. On peut en réactiver certaines parties et, à ce moment-là, toi et les autres pourrez mettre les robots au travail sous votre direction pour des tâches sans importance vitale. Tu verras.

Et alors, Nafai se « rappela » exactement ce que Surâme avait déterminé comme étant du domaine du possible. Il faudrait plusieurs heures de travail acharné pour réparer les robots, mais il pouvait y arriver – il se souvenait de la marche à suivre. « Je m’y mets tout de suite, dit-il. Il y a quelque chose à manger, par ici ?

À peine eut-il posé la question qu’il se rappela qu’il n’y avait pas de nourriture, naturellement. L’impatience le gagna en songeant qu’il devait aller chasser. « Tu ne pourrais pas demander aux autres de venir ? Qu’ils apportent de quoi manger et… après tout, je ne vois pas pourquoi il faudrait se taper une journée de trajet chaque fois qu’on veut venir. Nous pouvons reconstruire notre village ici – il y a toute l’eau qu’il nous faut dans les collines, au sud, et du bois en quantité. Il nous suffirait de consacrer une semaine à nous installer ; par an, ça nous épargnerait bien des journées de marche en attendant que le vaisseau soit terminé.

Je transmets. Ou alors, parle-leur en toi-même.

En moi-même ?

Soudain, il se souvint : puisque la mémoire de Surâme était maintenant la sienne, il pouvait communiquer avec ses compagnons par l’Index. Ce qu’il fit.

« Vous n’irez nulle part », dit Elemak.

Zdorab et Volemak restèrent immobiles devant lui, abasourdis. « Que veux-tu dire ? demanda Volemak. Nafai a besoin de nourriture et il nous faut délimiter l’emplacement du nouveau village. Je pensais que tu voudrais nous accompagner.

— Et moi, je dis que vous n’irez pas. Personne n’ira. Nous ne déplacerons pas le village et personne n’ira rejoindre Nafai. Sa tentative pour s’emparer du pouvoir a échoué. Renoncez, Père. Quand Nafai aura suffisamment faim, il rentrera.

— Je suis ton père, Elya, pas ton fils. Tu peux décider de ne pas y aller toi-même, mais tu n’as pas qualité pour m’en empêcher. »

Elemak tapa du poing sur la table.

« À moins que tu ne songes à user de violence contre ton père ? poursuivit Volemak.

— Je vous ai exposé la loi de ce pays, dit Elemak. Personne ne peut quitter le village sans ma permission. Et vous n’avez pas ma permission.

— Et si je désobéis à ton ordre, parce qu’il est illégal et présomptueux ?

— Alors, vous ne ferez plus partie de Dostatok. Si l’on vous prend à rôder par ici, vous serez traité comme un voleur.

— Crois-tu que les autres y consentiront ? Lève seulement la main contre moi et tu ne t’attireras que leur mépris.

— Non : je m’attirerai leur obéissance. Je vous préviens : ne tentez rien. Personne n’ira porter à manger à Nafai. Il va rentrer et cette petite plaisanterie des vaisseaux de l’espace va se terminer. »

Volemak resta silencieux, Zdorab à ses côtés. Leurs visages étaient impassibles. « Très bien », dit enfin Volemak.

Elemak s’étonna : se pouvait-il que Père rendît les armes aussi facilement ?

« Nafai annonce qu’il rentre tout de suite. Les premiers robots ont été remis en service et ils sont au travail. Il sera ici dans une heure.

— Dans une heure ! s’exclama Meb qui se tenait non loin. Eh bien, nous y voilà ! Je croyais que ce fameux site de Vusadka était à une journée de marche ?

— Nafai vient juste de réactiver les paritkas. S’ils fonctionnent convenablement, nous ne serons pas obligés de déplacer le village.

— Les paritkas ? Qu’est-ce que c’est ? » demanda Meb.

Ne pose pas la question, crétin ! pensa Elemak. Tu fais le jeu de Père.

« Un chariot volant, répondit Volemak.

— Et je suppose qu’en ce moment même, vous parlez avec Nafai ?

— Sans l’Index, sa voix est aussi difficile à distinguer de nos propres pensées que celle de Surâme. Mais il nous parle, en effet. Tu l’entendrais toi-même, si tu écoutais. »

Elemak ne put s’empêcher d’éclater de rire. « Mais bien sûr, je vais rester ici à essayer d’entendre la voix de mon frère, très loin d’ici, qui parle dans ma tête !

— Pourquoi pas ? demanda Zdorab. Il voit déjà tout ce que voit Surâme. Y compris ce qui se passe dans ton esprit. Par exemple, il sait que Meb et toi avez l’intention de le tuer dès son arrivée. »

Elemak se dressa d’un bond. « C’est un mensonge ! » Du coin de l’œil, il vit une expression de panique passer sur le visage de Meb. Surtout, ferme-la, Meb ! Tu ne vois pas qu’il a dit ça au hasard ? Ne fais rien qui puisse confirmer leurs soupçons ! « Rentrez chez vous, maintenant. Père. Toi aussi, Zdorab. Nafai ne sera en danger que s’il nous agresse ou cherche à se rebeller.

— Nous ne sommes plus dans le désert, dit Volemak. Et tu n’es pas le chef.

— Au contraire. Les lois du désert sont toujours valables et je suis le chef de notre expédition. Depuis le début. Je ne prenais votre avis que par respect pour votre âge.