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Comme Conway reposait le micro de l’interphone, il pensa qu’en tout cas il apprenait un tas de choses sur le compte du commandant O’Mara en personne. Ce n’était naturellement pas une suite de conférences sur le psychologue en chef, mais cela revenait au même parce qu’il était tapi derrière chacune d’elles. Et il ne faisait que commencer à prendre conscience qu’il avait été bien près d’être renvoyé de l’hôpital pour sa conduite lors de l’épisode Telfi.

O’Mara avait le rang de commandant dans le corps des Moniteurs, mais Conway avait appris qu’il était difficile de tracer une limite à son autorité au sein de l’hôpital. En tant que psychologue en chef, il était responsable de la santé mentale d’une multitude de membres du personnel, et il était chargé d’éviter toute friction entre eux.

Malgré une grande tolérance et du respect mutuel, des accrochages étaient inévitables. Des situations potentiellement dangereuses apparaissaient en raison de l’ignorance, d’une mauvaise compréhension, ou de la xénophobie. Cela pouvait entraver l’efficacité ou la stabilité mentale d’un médecin, ou encore les deux. Un docteur humain, par exemple, qui avait une peur inconsciente des araignées, serait incapable de faire preuve du détachement clinique nécessaire pour traiter un malade Illensien. Le travail de O’Mara consistait justement à déceler et à déraciner de tels signes de troubles ou, si tout échouait, à renvoyer un individu potentiellement dangereux avant que de telles frictions ne se transforment en conflits ouverts. Il accomplissait sa tâche de protecteur contre les pensées fausses, malsaines ou intolérantes avec tant de zèle que Conway l’avait très souvent entendu comparer à un Torquemada moderne.

Les membres du personnel de l’hôpital, dont l’histoire de leur planète natale ne contenait aucun équivalent à l’Inquisition, le comparaient à d’autres choses, et ils utilisaient des expressions peu flatteuses pour le désigner, même en sa présence. Mais pour O’Mara, des insultes justifiées ne dénotaient aucune pensée dangereuse, et cela n’avait aucune répercussion sérieuse.

O’Mara n’était pas responsable des problèmes psychologiques des patients de l’hôpital, mais parce qu’il était souvent impossible de dire où cessait une douleur purement physique, et où commençait celle d’origine psychosomatique, il était également consulté pour un grand nombre de cas.

Le fait que le commandant l’eût exempté du travail de salle pouvait laisser prévoir soit une promotion, soit une rétrogradation. Cependant, si Mannon désirait son retour, c’était que le travail que O’Mara désirait lui confier était important. Conway était presque certain que le Moniteur n’avait rien à lui reprocher, ce qui était une pensée plutôt rassurante. Mais il était rongé par la curiosité.

Puis, le lendemain matin, il reçut l’ordre de se présenter devant le psychologue en chef …

TROISIÈME PARTIE :

EMILY POSE DES PROBLÈMES

I

Il devait s’agir d’un de ces gros transporteurs qui avaient emporté quatre générations de colons d’une étoile à l’autre, avant que les hyperpropulseurs ne rendent ces vaisseaux titanesques démodés, pensa Conway. Il fixait l’appareil en forme de goutte d’eau qui se découpait au-delà du hublot, à côté du bureau de O’Mara. À l’exception de ceux du poste de pilotage, ses hublots et ses galeries d’observation étaient obstrués par d’épais blindages métalliques, solidement renforcés depuis l’extérieur afin de pouvoir supporter l’importante pression interne. Même à côté de la masse démesurée de l’hôpital, l’appareil semblait énorme.

— Vous allez faire la liaison entre notre établissement et le médecin et son patient qui se trouvent à bord de ce vaisseau, lui dit O’Mara qui observait ses réactions. Le docteur appartient à une forme de vie très petite, mais le patient en question est un dinosaurien.

Conway essaya d’empêcher la stupeur d’apparaître sur son visage. Il savait que O’Mara analysait ses réactions, et il désirait avec perversité rendre cela le plus difficile possible.

— De quoi est-il malade ? demanda-t-il simplement.

— De rien.

— Alors, les troubles sont d’ordre psychologiques ? …

O’Mara secoua négativement la tête.

— Alors, que vient faire dans un hôpital un être sain, normal, et doué de toute sa raison ?

— Il n’est pas doué de raison.

Conway reprit lentement sa respiration. O’Mara jouait a nouveau aux devinettes avec lui. Mais cela lui importait peu dès l’instant où il avait une chance de pouvoir deviner la bonne réponse. Il regarda encore l’énorme masse du transporteur, et il réfléchit.

Installer des hyperpropulseurs à bord de cet immense appareil avait dû coûter énormément d’argent, de même que les modifications de la coque. Cela semblait disproportionné avec …

— J’ai compris ! dit Conway en souriant. C’est un nouveau cobaye que nous devons disséquer et étudier …

— Bon Dieu, non ! cria O’Mara, horrifié.

Le Moniteur adressa un rapide coup d’œil effrayé à une petite sphère de plastique, à demi-cachée par des livres, qui était posée sur le bureau.

— Toute cette affaire a été organisée au plus haut niveau. Par une commission du Conseil Galactique, pas moins. Quant à en connaître la raison, nous sommes tous dans l’ignorance. Il est possible que le médecin qui accompagne le patient, et qui en a la responsabilité, vous en parle un jour … — Le ton de O’Mara laissait entendre qu’il en doutait fort. — Cependant, tout ce que nous sommes censés faire pour l’instant, c’est coopérer.

Apparemment, l’être qui tenait en l’occurrence le rôle de médecin appartenait à une race récemment découverte, expliqua O’Mara. On l’avait provisoirement placée dans la classification VUXG. Cette forme de vie possédait certaines facultés PSI, elle avait le pouvoir de transformer pratiquement n’importe quelle substance en énergie pour s’alimenter, et elle pouvait en outre s’adapter à n’importe quel environnement. Ces êtres étaient petits et presque indestructibles.

Le médecin VUXG était télépathe, mais sa morale et son respect de la vie privée d’autrui l’empêchaient d’utiliser cette faculté avec les formes de vie privées de ce don. Pour cette raison, seul le traducteur serait utilisé durant leurs conversations. Ce docteur appartenait à une espèce à la vie très longue, tant sur le plan des individus que sur celui de son histoire. Et, durant toute cette très longue période, ces êtres n’avaient jamais connu de guerre.

C’était une race ancienne, sage, et incroyablement humble, conclut O’Mara. Tellement humble, en fait, que ses représentants avaient tendance à regarder de haut les membres des races moins humbles que la leur. Conway devrait faire preuve de beaucoup de tact en raison de cette humilité outrancière qui pouvait aisément être mal interprétée.

Conway étudia O’Mara de près. N’y avait-il pas une lueur amusée dans ces yeux gris fer, au regard perçant, et une expression trop neutre sur son visage carré et énergique ? Puis, complètement décontenancé, il vit O’Mara cligner de l’œil.

Il feignit de n’avoir rien remarqué, et il demanda :

— J’ai la vague impression que ces types ne se prennent pas pour des merdes, non ?

Il vit les lèvres de O’Mara se tordre en une grimace, puis une nouvelle voix se mêla à leur conversation avec une soudaineté dramatique. C’était une voix plate, traduite, qui résonnait :