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Il allait annuler ses précédentes instructions et dire à Prilicla de rester sur place, lorsque le GLNO se précipita dans la coursive, courut en diagonale sur le mur, et disparut dans le brouillard de chlore en se déplaçant au plafond. Conway se souvint que de nombreuses espèces apparentées à la famille des insectes possédaient des pieds munis de ventouses, et il reprit espoir. À tel point qu’il recommença à percevoir le monde extérieur.

Tout près de lui, le haut-parleur mural informait tout l’hôpital de l’accident qui s’était produit dans la zone du sas numéro six, tandis qu’au-dessous l’interphone émettait des bourdonnements rauques et qu’un voyant rouge s’allumait par intermittence : un employé du service d’entretien essayait de découvrir si des êtres vivants se trouvaient dans la zone contaminée. La nappe de gaz était presque sur lui, lorsque Conway décrocha le micro.

— Ne dites rien et écoutez-moi ! cria-t-il. Ici le Dr. Conway, au sas numéro six. Deux FGLI, deux DBLF, un DBDG, tous asphyxiés mais encore en vie. Un PVSJ dans une combinaison protectrice endommagée qui souffre d’un empoisonnement d’oxygène et peut-être de blessures physiques, et …

Un picotement soudain dans les yeux lui fit lâcher le micro. Conway recula jusqu’à la porte hermétique et il observa la brume jaunâtre qui approchait de lui. À présent, il ne pouvait presque plus rien voir de ce qui se passait plus bas dans la coursive, et il lui sembla qu’une épouvantable éternité s’écoulait avant que la silhouette fuselée de Prilicla n’apparût au plafond, juste au-dessus de lui.

III

Le casque que lui rapportait Prilicla était en réalité un masque à gaz possédant une réserve d’oxygène qui, une fois appliqué sur un visage, adhérait contre le front, les joues, et la mâchoire inférieure. Il ne disposait que d’une réserve d’air pouvant durer un temps très limité — dix minutes environ — mais une fois le danger de mort temporairement repoussé, Conway découvrit qu’il pouvait réfléchir plus facilement.

En premier lieu, il traversa le sas de l’intersection. Le PVSJ qui s’y trouvait était toujours immobile, et tout son corps avait pris une teinte bleuâtre, caractéristique d’un début de cancer de la peau. Pour les PVSJ, l’oxygène était un horrible poison. Le plus doucement possible, Conway tira l’Illensien dans sa propre section, jusqu’à une réserve dont il se rappelait la présence. La pression, dans cette partie de l’hôpital, était légèrement plus forte que dans celle réservée aux êtres à sang chaud respirant de l’oxygène et, pour le PVSJ, l’air y était relativement pur. Conway l’enferma dans ce compartiment, après y avoir pris une pile de feuilles de plastique qui servaient de draps de lit aux PVSJ. Le SRTT, quant à lui, n’était visible nulle part.

De retour dans l’autre coursive, il expliqua à Prilicla quelles étaient ses intentions. Le terrien, qu’il avait vu plus tôt, avait réussi à enfiler sa combinaison, mais il se déplaçait à tâtons, les yeux en pleurs et toussant violemment. Il était, de toute évidence, incapable de leur apporter la moindre aide. Conway se fraya un chemin parmi les corps à présent immobiles jusqu’au sas numéro six, qu’il ouvrit. Des bouteilles d’oxygène étaient soigneusement alignées contre la paroi intérieure. Il en décrocha deux et revint en arrière d’un pas mal assuré.

Prilicla avait déjà recouvert une forme inconsciente d’un drap. Conway ouvrit la valve d’une bouteille d’oxygène et la glissa sous l’enveloppe de plastique qu’il observa tandis qu’elle s’enflait et se plissait légèrement en raison de l’air qui l’emplissait. C’était la plus rudimentaire des tentes à oxygène, pensa-t-il, mais elle constituait ce qu’il pouvait leur offrir de mieux pour l’instant. Il alla chercher d’autres bouteilles.

Après le troisième voyage, Conway commença à noter des signes d’avertissement. Il transpirait abondamment, sa tête semblait vouloir éclater, et de grandes taches noires brouillaient sa vision. Sa réserve d’air s’épuisait. Il était grand temps qu’il ôte ce masque et qu’il glisse également sa tête sous un drap de plastique, puis qu’il attende les secours. Il fit quelques pas vers une silhouette couverte d’un drap, et s’écrasa sur le sol. Son cœur battait avec bruit dans sa poitrine, ses poumons étaient en feu, et il n’avait plus la force d’arracher le masque …

Conway fut tiré de son inconscience profonde et bizarrement inconfortable par la douleur : quelque chose voulait pénétrer dans sa poitrine. Il supporta cela le plus longtemps possible, puis il ouvrit les yeux.

— Laissez-moi, bon sang ! Je vais très bien !

L’interne corpulent qui pratiquait sur lui, avec enthousiasme, la respiration artificielle, se releva.

— Lorsque nous sommes arrivés, dit-il, papa longues jambes nous a appris que vous veniez juste d’interrompre votre numéro. Durant un moment je me suis inquiété à votre sujet … hé bien, disons un peu inquiété. — Il sourit, avant d’ajouter. — Si vous pouvez marcher et parler, O’Mara voudrait vous voir.

Conway émit un grognement et se leva. Des ventilateurs filtrants avaient été installés dans la coursive et ils débarrassaient l’air des dernières traces de chlore, tandis que les victimes étaient emportées dans des caissons-civière à oxygène. Il toucha du doigt la partie de son front qui avait été mise à nu par l’arrachement brutal de son masque, et il prit une profonde inspiration, simplement pour s’assurer que le cauchemar était vraiment terminé.

— Merci, docteur, dit-il avec chaleur.

— Il n’y a pas de quoi, docteur, répondit l’interne.

Ils trouvèrent O’Mara dans la salle d’Éducation. Le psychologue en chef ne perdit pas de temps en vains préambules. Il désigna une chaise à Conway et une sorte de corbeille à papier surréaliste à Prilicla, avant d’aboyer :

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

La pièce était plongée dans l’ombre, à l’exception du rougeoiement des voyants lumineux du système éducatif, et d’une unique lampe posée sur le bureau de O’Mara. Alors qu’il commençait son récit, Conway ne pouvait voir que les mains dures et compétentes du psychologue, ainsi que deux yeux gris au regard ferme dans son visage plongé dans l’ombre. Les mains restèrent immobiles, et les yeux ne quittèrent jamais Conway, tant qu’il parla.

Lorsque le médecin eut terminé son récit, O’Mara soupira et resta silencieux plusieurs secondes, avant de dire :

— Quatre de nos plus grands diagnosticiens se trouvaient au sas numéro six, lors de cet accident. Des êtres dont cet hôpital ne pouvait se permettre la perte. L’action rapide que vous avez entreprise a certainement sauvé au moins trois de ces vies, et vous êtes donc deux héros. Mais je vais vous éviter de rougir et ne pas m’étendre sur ce point. Pas plus que je ne vous embarrasserai en vous demandant ce que vous faisiez là.

Conway toussa, puis demanda :

— Ce que j’aimerais savoir, c’est pourquoi le SRTT a perdu la tête. La seule explication que je pourrais trouver, c’est qu’il a été pris de panique en voyant cette foule qui se précipitait à sa rencontre, mais aucun être intelligent et civilisé n’aurait agi ainsi. Les seuls visiteurs dont nous autorisons l’admission sont, soit des représentants des gouvernements galactiques, soit des spécialistes. Aucun d’eux ne pourrait être effrayé à la vue de formes de vies différentes. Et pourquoi tant de diagnosticiens étaient-ils venus l’accueillir ?