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Ce dernier ne pouvait s’empêcher de se demander si Waring avait déjà été interrogé et, si c’était le cas, ce que l’opérateur de rayons tracteurs avait déclaré. L’enquêteur était un psychologue, ce qui n’était pas le cas pour les simples ingénieurs en chef affectés au projet, et il était fort probable qu’il n’était pas stupide. O’Mara estimait qu’il n’était pas stupide, lui non plus. Il avait trouvé des solutions à ses problèmes, et il n’aurait pas dû ressentir de l’appréhension en attendant les résultats de l’enquête du Moniteur. O’Mara avait jaugé la situation et les personnes impliquées, et les réactions de chacun étaient prévisibles. Mais tout se jouerait sur les déclarations de Waring.

« Tu es mort de frousse ! » pensa coléreusement O’Mara, empli de dégoût envers lui-même. « Maintenant que tes théories doivent être mises en pratique, tu as une trouille bleue qu’elles s’avèrent erronées. Tu voudrais ramper devant Waring et lui lécher les bottes ! »

O’Mara savait que cela introduirait un nouvel élément dans ce qui constituait une situation dont le dénouement était prévisible, ce qui ruinerait presque certainement tout ce qu’il avait déjà accompli. Cependant, la tentation était forte.

Ce fut au début de la sixième semaine de sa surveillance forcée du nourrisson, alors qu’il lisait un paragraphe consacré aux maladies fantastiques et épouvantables auxquelles étaient sujets les bébés FROB, que l’indicateur du sas annonça l’arrivée d’un visiteur. O’Mara se leva rapidement de sa couchette, et il fit face à la porte qui s’ouvrait en essayant désespérément de paraître décontracté.

Mais ce n’était que Caxton.

— J’attendais le Moniteur, déclara O’Mara.

Caxton émit un grognement.

— Il n’est pas encore venu vous voir, hein ? Il s’imagine sans doute que ce serait une perte de temps. Après ce que nous lui avons dit sur votre compte, il doit penser que l’affaire est réglée. Il apportera des menottes, lorsqu’il viendra.

O’Mara se contenta de le regarder. Il avait envie de demander à Caxton si le Moniteur avait déjà interrogé Waring, mais il parvint assez facilement à s’en abstenir.

— Si je suis venu vous voir, dit durement Caxton, c’est pour tirer au clair cette histoire d’eau. Le service d’approvisionnement m’a appris que vous avez réquisitionné trois fois plus de ce liquide que vous ne pourriez raisonnablement utiliser. Vous vous installez un aquarium, ou quoi ?

Délibérément, O’Mara évita de lui donner une réponse directe.

— C’est l’heure du bain de bébé. Aimeriez-vous y assister ?

Il se pencha en avant, ôta adroitement une des plaques du sol, puis il plongea sa main dans la cavité.

— Que faites-vous ? éclata Caxton. Ce sont les grilles gravitationnelles, et vous n’êtes pas autorisé à les …

Le sol s’inclina brusquement selon un angle de trente degrés. Caxton fut projeté en titubant contre une paroi, et il poussa un juron. O’Mara se redressa, ouvrit la porte intérieure du sas, puis il commença à gravir ce qui était à présent une pente raide qui conduisait à sa chambre. Tout en répétant à voix haute que O’Mara n’avait ni le droit ni la qualification professionnelle pour modifier les réglages des grilles de gravité artificielle, Caxton le suivit.

Une fois à l’intérieur de la chambre, O’Mara s’expliqua.

— Voici le pistolet pulvérisateur de rechange, avec un gicleur modifié pour projeter un jet d’eau sous pression.

O’Mara commença sa démonstration. Il projetait le jet sur une petite zone du cuir de l’enfant qui était occupé à écraser les restes de l’un des fauteuils de O’Mara, en lui donnant une forme encore plus méconnaissable, et il ignorait leur présence.

— Vous pouvez voir la partie de la peau où la nourriture a durci, reprit O’Mara. Il faut laver à intervalles réguliers, afin que ses pores ne soient pas obstrués, ce qui empêcherait la pénétration d’une nouvelle couche, ce qui rendrait le bébé très malheureux et, hem … plutôt bruyant …

O’Mara se tut. Il notait que Caxton ne regardait pas l’enfant mais l’eau qui rebondissait sur son cuir pour former un torrent qui s’engouffrait à travers la porte de la chambre, en glissant sur le sol à présent incliné, traversait la pièce de séjour, et pénétrait dans le sas ouvert. Ce qui était préférable, étant donné que le jet de O’Mara avait fait apparaître, sur la peau du jeune Hudlarien, une tache qui avait une texture et une couleur qu’il n’avait jamais vues auparavant. Il n’avait probablement aucune raison de s’inquiéter, mais il valait mieux que Caxton ne la remarquât pas et qu’il ne posât aucune question.

— Qu’est-ce que c’est que ce machin, là-haut ? demanda Caxton qui désignait le plafond du doigt.

De façon à pouvoir administrer des tapes consolatrices au bébé, O’Mara avait dû assembler un système de leviers, de poulies et de contrepoids, et suspendre toute cette masse disgracieuse au plafond. Il était assez fier de ce mécanisme qui lui permettait de donner des tapes vigoureuses — qui auraient tué un être humain sur le coup — sur n’importe quelle partie de cette carcasse d’une demi-tonne. Mais il doutait que Caxton pût apprécier cette invention à sa juste valeur. Le chef de section penserait probablement qu’il torturait le bébé, et il en interdirait l’utilisation.

O’Mara sortit de la chambre. Par-dessus son épaule il se contenta de répondre :

— Un simple appareil de levage.

Il essuya les traces humides sur le sol avec un linge qu’il jeta dans le sas à présent rempli d’eau. Ses sandales et son survêtement étaient également mouillés et il les y jeta également, puis il ferma la porte intérieure avant d’ouvrir celle de l’extérieur. Tandis que l’eau jaillissait en bouillonnant dans le vide, il régla les grilles gravitationnelles sur leur position initiale, et le sol redevint horizontal, et les murs verticaux. Puis il récupéra ses sandales, sa combinaison, et le linge, qui étaient à présent totalement secs.

— Je vois que vous vous êtes organisé, reconnut Caxton à contrecœur, comme il replaçait son casque. Au moins, vous veillez mieux sur ce jeunot que vous ne l’avez fait pour ses parents. Débrouillez-vous pour que ça dure !

« Le Moniteur viendra vous voir demain à neuf heures, ajouta-t-il avant de partir.

O’Mara revint rapidement dans la chambre pour un examen plus minutieux de la tache colorée. Elle était d’un bleu-gris pastel, et dans cette zone la surface lisse de la peau avait pris un aspect craquelé. Il frotta doucement la tache. Le FROB frétilla et émit une explosion sonore qui avait des accents vaguement interrogateurs.

— Toi et moi, répondit O’Mara, l’esprit ailleurs.

Il ne pouvait se souvenir avoir lu quoi que ce soit sur un pareil phénomène, mais il n’avait pas encore terminé le livre. Il devait le faire, et le plus tôt serait le mieux.

La principale méthode utilisée pour communiquer entre des êtres d’espèces différentes nécessitait l’emploi d’un traducteur électronique qui triait et classait les sons ayant une quelconque signification, et les reproduisait dans le langage d’origine de son utilisateur. Une autre méthode, employée lorsqu’une grande quantité de données précises et d’une nature plus subjective devait être échangée, consistait en un système de bandes éducatives. Il transférait toutes les impressions sensorielles, la connaissance, et la personnalité d’un être dans l’esprit d’un autre. Venant en troisième position, tant en popularité qu’en précision, se trouvait le langage écrit, qui était appelé d’une façon quelque peu extravagante : l’universel.