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— Je ne suis pas stupide au point de fonder ma propre sécurité sur les dires de ceux qui pourraient la menacer, le coupa-t-elle. As-tu des informations concrètes, ou tout du moins des renseignements fiables qui confirmeraient l’existence d’une telle menace ? »

Togo réfléchit puis secoua la tête. « Non, madame la présidente.

— Ton travail est de surveiller mes arrières et tu t’en acquittes très bien. Persévère en mon absence. Le meilleur service que tu puisses me rendre est encore de rester ici à surveiller les menaces potentielles et à gérer habilement les affaires jusqu’à mon retour.

— À vos ordres, madame la présidente. »

Une autre idée traversa soudain l’esprit d’Iceni, en même temps qu’elle s’étonnait que Togo ne l’eût pas soulevée plus tôt. « Qu’en est-il de la perquisition chez le vice-CECH Akiri ? Tu as découvert quelque chose ? »

Togo secoua la tête. « Rien qui détonne avec ce qu’on savait déjà de lui, madame la présidente.

— Aucun indice expliquant pourquoi il était la cible prioritaire du tueur ? Ni pourquoi la CECH Kolani l’a gardé sous ses ordres en dépit de sa mauvaise opinion de lui ?

— Aucun, madame la présidente. Rien qui éclaircisse ces deux mystères. Il n’y a peut-être aucun lien entre eux, d’ailleurs. La CECH Kolani se plaisait peut-être à rudoyer Akiri, et il a été nommé votre conseiller spécial, ce qui pourrait expliquer l’intérêt que lui portait l’assassin. »

Plausible. Pourtant… Mais elle n’avait pas le temps d’y réfléchir pour l’heure. « Très bien. Ce sera tout. »

Après le départ de Togo, Iceni s’accorda quelques instants indispensables pour ruminer le rapport de son assistant. Drakon a donné sa chance à Morgan quand tout le monde s’y refusait. Une jeune femme tout juste sortie de l’adolescence qui venait de souffrir d’un grave traumatisme physique et mental. Je m’en serais bien gardée, moi. Pourquoi courir ce risque ? Mais Drakon l’a pris, lui. Pas étonnant qu’elle lui soit loyale. Ou que ses soldats lui restent fidèles. Il a l’air de se soucier de ses gens en dépit de sa formation de CECH.

J’aimerais pouvoir me fier à lui. Il me semble que j’en viendrais même à l’apprécier si je parvenais à lui faire confiance.

Mais il pourrait aussi me planter un poignard dans le dos. Contente que Togo le tienne à l’œil.

La vice-CECH Marphissa avait l’air heureuse de la voir, mais Iceni n’avait pas le souvenir d’avoir jamais vu un de ses subordonnés faire grise mine à son apparition. Si, pourtant. Ce comptable qui détournait des fonds. Il avait l’air très fâché. Moins peut-être que quand on l’en a puni en lui faisant enfiler un uniforme pour l’envoyer participer à la défense désespérée de ce système stellaire proche de l’Alliance. Où était-ce, déjà ? Peu importe à présent. Tous ses défenseurs sont morts. Les Mondes syndiqués l’ont sans doute repris plus tard, mais ils ont perdu la guerre, de sorte que c’est sans importance. Une chose qui mérite qu’on meure pour elle, a dit Drakon. Oui. C’est ce qu’il nous faudrait à tous.

« Vous avez dit que nous nous livrerions à des exercices, madame la présidente ? demanda Marphissa.

— C’est exact. Tous les soldats des forces terrestres ont-ils embarqué ?

— Oui. Une section sur chacun des trois croiseurs lourds, et les trois navettes sont garées le long des croiseurs. Ils ont apporté beaucoup de matériel et de fournitures.

— Très bien. Nous prendrons la direction d’un des points de saut et nous mettrons vaisseaux et soldats à l’épreuve afin de vérifier qu’ils sont toujours affûtés et aptes à effectuer des manœuvres coordonnées. » Les CECH se livraient couramment à des exercices similaires, faire tourner les gens en rond pour voir s’ils en étaient capables, de sorte que personne ne se poserait de questions.

« Quel point de saut ? »

Iceni s’installa dans le fauteuil de commandement de la passerelle. Midway disposait de nombreux points de saut vers d’autres systèmes. Huit pour être précis. C’était à cela plutôt qu’à sa population, son opulence ou sa capacité industrielle qu’il devait son nom, sa valeur et son importance. Ainsi qu’à son portail de l’hypernet, lequel l’avait rendu encore plus précieux.

Un des points de saut menait à une étoile du nom de Pele. Celui-là même qu’avait emprunté la flotte de l’Alliance il n’y avait pas bien longtemps, lors de sa mission destinée à se renseigner sur l’espèce Énigma. En dehors de quelques vaines et sporadiques tentatives pour espionner le territoire des Énigmas, aucun vaisseau des Mondes syndiqués n’avait sauté vers Pele depuis plus d’un demi-siècle. Quand les extraterrestres avaient attaqué Midway, ils avaient surgi par ce même point de saut.

Alors qu’elle en fixait l’icône sur son écran, Iceni se souvint de ce que lui avait dit Togo sur le colonel Morgan. Quel était donc le système où Morgan avait failli trouver la mort ? se demanda-t-elle. Le passé de Morgan avait été assombri par d’effroyables événements, pourtant, en même temps, elle avait joué si souvent de bonheur que la chance seule ne suffisait pas à expliquer sa survie, encore moins ses rapports avec Drakon.

Les vivantes étoiles veilleraient-elles sur vous, colonel Morgan ? Mais, en ce cas, pourquoi se montreraient-elles également si cruelles à votre égard ?

Elle n’avait pas de réponse – il n’y en a jamais à de pareilles questions – et la vice-CECH Marphissa attendait ses instructions. Iceni fit mine d’étudier un instant son écran puis, d’un geste vague, désigna la direction approximative de deux points de saut, dont l’un menait à Kane et l’autre à Taroa. « Par là. »

Le plus proche, celui pour Kane, se trouvait au-delà de l’orbite de la planète la plus extérieure du système de Midway, boule de roche et de gaz gelés ironiquement surnommée Hôtel en référence aux installations de recherches abandonnées qui, toujours inoccupées, trônaient encore à sa surface. Ce qui la plaçait à six heures-lumière et demie de la position actuelle de la flotte d’Iceni. À 0,1 c, elle couvrirait la distance en soixante-cinq heures, soit pas loin de trois jours. Mais foncer vers ce point de saut à cette vélocité attirerait l’attention. Était-ce plus risqué que d’y consacrer le double de temps à l’allure plus routinière de 0,05 c ? Ainsi présenté, il semblait mal avisé de flâner sur la route du point de saut. Chaque minute pouvait compter.

« Tous les vaisseaux ont-ils fait le plein de carburant ? » s’enquit Iceni. Les relevés du statut de la flottille le confirmaient, mais on ne pouvait se fier à ces chiffres. Les commandants d’unité trafiquaient régulièrement les vrais chiffres pour faire bonne figure. Un bon chef de flottille trouvait malgré tout le moyen de s’informer des données réelles malgré ces tripatouillages.

« Oui. Les niveaux des cellules d’énergie sont à quatre-vingt-dix-neuf pour cent pour toutes les unités, répondit aussitôt Marphissa.

— Alors voyons comment elles supportent une accélération, ordonna Iceni. Poussez celle de la formation à 0,1 c et maintenez-la à cette vélocité. »

Les unités de propulsion principales de la flottille s’activèrent et elle jaillit. Iceni regarda les vaisseaux accélérer en concentrant son attention sur le C-818. Les unités de propulsion de ce croiseur lourd, gravement endommagées durant le combat contre Kolani, avaient été récemment déclarées pleinement réparées.

Elles ne l’étaient pas.

« Qu’arrive-t-il au C-818 ? » demanda Iceni d’une voix trompeusement doucereuse en voyant le croiseur lourd prendre sur les autres vaisseaux un retard de plus en plus conséquent.