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Malin s’efforça de ne pas pavoiser et Morgan réprima un froncement de sourcils. « Mais cette option n’est pas entièrement éliminée ? questionna-t-elle.

— Disposer de quelqu’un prêt à intervenir si besoin ne saurait nuire. Cette capacité à agir promptement pourrait se révéler cruciale à un moment donné. » Et, s’il devait absolument sacrifier un individu pour prouver à Iceni qu’il travaillait avec elle, connaître son identité pouvait aussi être un atout. « Mais je ne prendrai la décision que si elle me paraît nécessaire et quand je la jugerai opportune. »

Sa cabine du croiseur lourd n’était ni spacieuse ni luxueuse, loin s’en fallait. Iceni s’assit pour contempler les lieux en se souvenant de l’époque où, encore jeune cadre, elle vivait dans des quartiers autrement spartiates et étroits. Tu es devenue gâtée pourrie, Gwen.

Après s’être assurée que les défenses et l’équipement de brouillage de sa tenue fonctionnaient correctement, elle appela la vice-CECH Marphissa. « Il faut qu’on se parle. »

Marphissa la rejoignit en hâte. « Oui, madame la présidente ?

— Fermez l’écoutille et asseyez-vous. » Iceni patienta en observant attentivement sa compagne, tandis que son propre équipement analysait à distance son état physiologique en quête de signes de nervosité mais aussi d’appréhension ou de duplicité. Le petit matériel portable n’était pas aussi efficace que celui d’une salle d’interrogatoire mais il fournissait des indications utiles sur autrui. « Avez-vous reçu des nouvelles du général Drakon ? »

La nervosité de Marphissa grimpa en flèche lorsqu’elle répondit, mais rien n’indiquait qu’elle dissimulât. « Pas depuis que nous avons quitté l’orbite.

— Vous en aviez reçu avant ?

— Pas directement de lui. Seulement des instructions exhaustives de mon contact. Je connaissais déjà la phrase codée qui devait m’ordonner de vous abattre à la première occasion qui s’offrirait à moi. Ces nouvelles instructions en ajoutaient une seconde, qui, elle, devait m’exhorter à attendre que nous soyons sortis du système stellaire pour vous éliminer.

— Je vois.

— Cela signifie, j’imagine, que ce transit vers le point de saut doit nous conduire ensuite vers une autre étoile », répondit prudemment Marphissa.

Iceni se contenta d’émettre un monosyllabe indistinct. « Mais vous n’avez encore reçu aucune de ces phrases codées ? ajouta-t-elle ensuite.

— Non. »

Drakon tenait-il vraiment à la faire tuer ? Se servir de Marphissa comme d’un agent double lui avait paru un bon moyen de deviner les intentions du général, mais peut-être guettait-il seulement le moment propice. À la lumière d’un des arguments qu’il avait avancés quand ils avaient parlé ensemble de cette mission, l’ajout d’une seconde phrase codée destinée à ne déclencher son meurtre qu’en dehors du système de Midway prenait un assez troublant éclairage. Au moins la présence de Marphissa lui permettrait-elle de savoir à l’avance si l’on avait ordonné son exécution alors qu’elle se trouvait à bord d’un vaisseau.

Pourvu toutefois que la vice-CECH, à qui l’on avait ordonné de répondre aux coups de sonde lancés par un proche de Drakon en se prétendant prête à la tuer, n’ait pas été retournée une seconde fois et ne tente pas malgré tout de l’assassiner. Éliminer Iceni laisserait vacant un poste nettement supérieur à celui que Marphissa occupait à présent et lui fournirait les moyens de l’exiger en la plaçant à la tête des forces mobiles. C’était une affaire délicate, hasardeuse et confondante. Iceni répugnait à ordonner l’exécution de Marphissa. Elle s’était montrée une subordonnée compétente. Devoir affronter de tels embrouillaminis lui flanquait parfois de fichues migraines. « Prévenez-moi dès que vous aurez reçu du nouveau de la part de ce contact.

— Bien, madame la présidente.

— Qu’en est-il du colonel Rogero ? Aucun problème ? » Si d’aventure on ordonnait à Marphissa d’assassiner Iceni et qu’elle échouait dans cette tâche, Rogero serait pour Drakon un renfort idéal : excellent soldat, fidèle au général et à la tête d’une section des forces spéciales. D’autant que Drakon disposait du moyen de pression parfait pour le faire chanter.

« Aucun, répondit Marphissa. Il se trouve dans une ancienne cabine des serpents et reste assez isolé, mais j’ai demandé à mes officiers de le surveiller, et les systèmes du vaisseau me tiennent constamment informée de sa situation. Il s’est montré très rigide avec moi lors de nos entretiens. Je crois qu’il n’aime pas les commandants de forces mobiles. »

Iceni s’efforça de ne pas laisser voir son amusement. Le hic, c’est surtout que, s’il n’aime déjà pas les commandants d’unité des forces mobiles, Marphissa, elle, est de surcroît un commandant ennemi. Me tuerais-tu, Rogero, si Drakon te l’ordonnait et menaçait de tout révéler publiquement en cas de refus ? « Surveillez de très près le colonel Rogero.

— Les systèmes du vaisseau vous avertiraient aussitôt s’il s’approchait de vous dans un rayon de moins de dix mètres, affirma la vice-CECH.

— Excellent. » Certes, sur un vaisseau de taille aussi réduite qu’un croiseur lourd, cette précaution risquait de déclencher de nombreuses fausses alertes, mais Iceni pouvait toujours faire modifier les paramètres des alarmes. « Reste une dernière chose, déclara-t-elle en souriant pour faire retomber la tension. Le général Drakon m’a suggéré de changer l’intitulé des grades des forces mobiles. Ce qui permettrait de rompre clairement avec le système syndic en décrépitude. »

Marphissa opina. « Nul ne s’est franchement entiché de l’organigramme syndic. Nous ne sommes pas dans les affaires, nous sommes des militaires.

— Exactement. Je ne tenais pas à me servir des grades qu’a adoptés Drakon pour ses forces terrestres. Vous n’en faites pas partie. »

Marphissa hocha de nouveau la tête, cette fois avec vigueur.

« J’ai cherché à retrouver une ancienne hiérarchie, mais différente de celle de l’Alliance, reprit Iceni. Il me semble que nous ferions bien d’éviter aussi cette connotation. »

Troisième hochement de tête, encore plus appuyé. « Nous ne sommes pas non plus… un sous-ensemble mineur de l’Alliance.

— J’en conviens. Un de ces jours… Eh bien… voilà. » Iceni afficha un dossier et fit pivoter l’écran qui flottait au-dessus de son bureau pour permettre à Marphissa de le consulter. « Il s’agit d’une hiérarchie qui a eu cours dans une partie des Mondes syndiqués avant que toutes leurs forces ne soient unifiées en un système corporatif. »

Marphissa la fixa d’un œil incrédule. « Les Mondes syndiqués auraient autorisé naguère des variantes locales ?

— Difficile à croire, n’est-ce pas ? Ça remonte à plus de cent cinquante ans. À l’époque, certains systèmes stellaires n’avaient encore été absorbés que très récemment, de sorte qu’ils conservaient une certaine autonomie. » « Absorbés » décrivait assez précisément la conquête d’un petit groupe de systèmes stellaires, voisins à la fois de l’Alliance et des Mondes syndiqués, qui avaient sottement tenté de se soustraire à ces deux grandes puissances. La conquête s’était déroulée sans livrer bataille : les systèmes neutres étaient à l’époque des proies faciles, et l’Alliance répugnait à une guerre ouverte. Si les imbéciles qui avaient gouverné les Mondes syndiqués n’avaient pas agressé l’Alliance, sans doute auraient-ils pu, au fil du temps, phagocyter aussi un certain nombre de petites coalitions telles que la Fédération du Rift ou la République de Callas. Au lieu de cela, toutes deux avaient activement pris parti pour l’Alliance durant la guerre. Que va-t-il advenir maintenant de leur soi-disant indépendance ? se demanda Iceni. L’Alliance va-t-elle les intégrer officiellement ? Elle ne les laissera certainement pas décider librement de leur destin. Il faudra que je pose la question à Black Jack au retour de sa flotte. Ce sera sans doute à lui d’en prendre la décision.