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Mais elle n’aurait une petite idée de leurs réactions que lorsque l’image lui reviendrait. Elle s’aperçut alors qu’il lui était loisible d’activer d’autres bulles réactives, affichant celles-là le délai dans lequel elle pourrait y assister, mais le bouillonnement de sphères en expansion se mua très vite en une sorte d’écume opaque où il devenait très difficile de distinguer les ondes individuelles de diffusion. Elle effaça cette option, constata qu’elle n’arrivait pas à en activer une plus simple et fixa son écran en fulminant.

Pas question de rester un de ces CECH ignares incapables de s’atteler à des fonctions simples sans l’aide d’un employé de bas échelon inexpérimenté qui leur montre comment entrer les instructions. Je vais trouver la réponse de tête. Trente minutes-lumière jusqu’à l’autre flottille. Soit trente minutes avant qu’elle reçoive notre message, durant lesquelles nous nous serons rapprochés d’elle, à 0,1 c, de trois minutes-lumière. Puis l’image de sa réaction devrait nous parvenir en… environ vingt-cinq ou vingt-six minutes à mesure que nous nous en rapprocherons. Près d’une heure donc, même si ces vaisseaux réagissent aussitôt.

L’espace est fichtrement trop vaste.

« Modification des vecteurs de l’autre flottille. »

L’annonce du spécialiste des manœuvres arracha en sursaut Iceni au léger sommeil dans lequel elle avait inconsciemment sombré. Elle s’efforça de distinguer ce mouvement sur son écran en clignant des paupières pour chasser la somnolence.

« Elle se retourne comme pour nous intercepter, affirma Marphissa. Il faudra encore voir où elle décélérera, mais je parie qu’elle arrive sur nous.

— Mais pour quoi faire ? » s’interrogea Iceni. Tout était plus simple autrefois. Si des vaisseaux de l’Alliance piquaient dans votre direction, c’était qu’ils vous cherchaient des noises. S’il s’agissait au contraire de vaisseaux syndics, ils voulaient se joindre à vous. Mais les vaisseaux de l’Alliance pouvaient désormais être amicaux et ceux des Mondes syndiqués hostiles. En outre, elle ne savait pas de qui ils prenaient leurs ordres ni même s’ils s’apprêtaient à combattre. « Kommodore Marphissa, si nous n’avons toujours rien reçu de cette flottille dans les cinq prochaines minutes, prévenez-la que nous la détruirons dès qu’elle arrivera à portée de nos armes.

— La flottille de Kane accélère à 0,1 c sur une trajectoire d’interception qui nous vise directement, déclara le spécialiste des manœuvres. Deux heures et vingt et une minutes avant le contact.

— Toujours pas de cuirassé, marmonna Iceni.

— Peut-être n’y en a-t-il pas, fit observer Marphissa.

— C’est sûrement pour cette raison qu’ils cherchent à nous éloigner de la géante gazeuse, non ? »

L’avertissement fut transmis mais resta sans réponse. Iceni regardait la distance se réduire, un peu plus irritée à chaque seconde qui passait. J’ordonne de les descendre même s’ils déclarent vouloir se joindre à nous.

« Message entrant. » Le spécialiste des coms s’interrompit. « Mais pas en provenance de la flottille.

— Affichez », ordonna Iceni.

Une fenêtre montrant un jeune officier, manifestement planté sur la passerelle d’un cuirassé, s’afficha devant elle. Si le sous-CECH des forces mobiles n’avait laissé transparaître que les signes d’une tension relativement normale, ce jeune cadre avait ostensiblement connu de plus gros déboires. Il donnait l’impression de n’avoir pas quitté son uniforme depuis plusieurs jours, voire des semaines, son visage était creusé au point d’évoquer un régime de rations très congrues, et ses yeux brillaient fiévreusement. « Ici le sous-chef Kontos, commandant intérimaire de l’unité des forces mobiles Cu-78. Je m’adresse à la… à la présidente Iceni. » Il s’interrompit le temps de se lécher les lèvres et de s’éclaircir la voix, comme s’il lui coûtait de parler distinctement.

« Un sous-chef commandant à un cuirassé ? s’étonna Marphissa. C’est déjà arrivé ?

— Au combat, quand l’équipage a été à moitié décimé », répondit Iceni.

Kontos reprit la parole : « Nous sommes barricadés dans les citadelles principales. Nous sommes les… rescapés de l’équipage de neuvage, moi et… un certain nombre d’opérateurs. Nous contrôlons la passerelle, l’ingénierie et le principal centre de contrôle des tirs. » Kontos faisait visiblement de son mieux pour réciter correctement son rapport, mais il butait parfois sur les mots. « Nous avons pu tenir jusqu’ici à cause du blindage interne et des… défenses antimutinerie.

— Contre qui ? demanda Iceni d’une voix irritée.

— Le SSI, lâcha Kontos comme pour répondre à la question. Nous ne… savons pas combien ils sont. Ils ont investi certaines positions… Le dernier ordre que j’ai reçu nous intimait de… nous enfermer hermétiquement à l’intérieur des zones de contrôle critiques et… d’attendre des renforts. Nous n’avons plus rien reçu depuis… sauf… de la part des serpents… des demandes de reddition. Les coms vers l’extérieur sont… bloquées, mais nous avons réussi à contourner le blocage à temps pour… capter votre message.

— Les serpents ont pris le pouvoir ici, affirma Marphissa d’une voix durcie.

— Ce qui explique tout le reste, n’est-ce pas ? conclut Iceni. Ils ont liquidé les officiers de ces vaisseaux et qui sait combien de matelots. Ce qui m’échappe, c’est pourquoi ils n’ont pas demandé à la CECH Janusa de les épauler.

— Peut-être vous ont-ils reconnue malgré l’avatar et ont-ils compris que vous cherchiez à les jouer. Si vous aviez accepté de gagner la deuxième planète et d’amarrer les vaisseaux à l’une de leurs installations, nous aurions été submergés par des équipes d’abordage avant d’avoir pu décamper.

— Oh, malédiction ! Vous avez sûrement raison. Ce n’est que là qu’ils auraient pu trouver assez d’effectifs pour une telle opération.

— Nous avons besoin de votre aide », supplia le sous-chef Kontos, dont la voix se fêla sur ce dernier mot. Il s’affaissa brièvement avant se redresser, de nouveau au garde-à-vous. « Nous savons qu’ils sont en train d’amener… des explosifs assez puissants pour ouvrir des brèches dans les citadelles. Réclamons votre… assistance. »

Le message commença à se répéter en boucle puis s’interrompit brusquement.

« Les serpents ont dû trouver leur solution de contournement et la bloquer aussi, lâcha Marphissa.

— Sous-CECH… Kommodore, se reprit le spécialiste des opérations, nous avons repéré un cargo qui se dirige à bonne allure vers la géante gazeuse. Il correspond au profil d’une mission de réapprovisionnement précipitée, mais il pourrait aussi bien contenir le matériel d’effraction des serpents.

— Ainsi que des renforts, sans aucun doute, affirma Marphissa. Pouvons-nous l’abattre avant qu’il n’atteigne le cuirassé ?

— Il nous devancera de dix minutes si nous maintenons notre accélération. »

Iceni hocha lentement la tête. On fonce à la vélocité maximale, on freine sec, on liquide ce cargo et on débarque nos forces terrestres sur le cuirassé. Simple comme bonjour. Et d’une exécution extrêmement compliquée.

« Ça pourrait être un piège, prévint Marphissa. Pour nous rapprocher du cuirassé si son armement est opérationnel. Nous souffririons d’assez de dommages pour que la flottille nous achève.

— Effectivement, admit Iceni. Mais ce sous-chef serait alors le meilleur comédien que j’aie jamais vu. Bien plus doué en tout cas que le “CECH Reynard” et la “vice-CECH” Petrov. Soulevez-vous là une éventualité ou bien croyez-vous sincèrement à un traquenard ? »