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— Mais guère celui de comprendre ce qu’ils vont faire à leurs commandants. » Iceni étudia de nouveau le plan. « Ce n’est peut-être pas plus mal. S’ils avaient le loisir de l’éplucher, ils pourraient se mettre à réfléchir et y trouver des erreurs.

— Même le système syndic n’a pas réussi à nous empêcher complètement de réfléchir, répondit Marphissa.

— Certaines personnes n’ont pas besoin d’encouragements pour cesser de réfléchir, kommodore. Et d’autres n’ont jamais seulement commencé. Transmettez ceci sur-le-champ au colonel Rogero, qu’il se prépare à embarquer ses soldats. Nous serons soumis à des forces de gravité plutôt sévères quand ses gens monteront à bord des navettes, et ça leur compliquera la tâche malgré leurs cuirasses de combat. »

Trois minutes-lumière séparaient à présent les deux flottilles qui continuaient de foncer l’une vers l’autre à 0,1 c, soit à une vitesse combinée de 0,2 c. Elles entreraient donc brièvement en contact dans quinze minutes.

Durant un très court laps de temps peut-être, mais bien suffisant pour que leurs armes fissent des dégâts.

Iceni se repassa l’état de préparation de sa flottille pour la centième fois en quelques minutes. Toutes les unités étaient en mode d’alerte Un, leurs armes parées à tirer, leurs systèmes de visée verrouillés sur les bâtiments en approche. Elle avait conservé la formation en boîte après avoir décidé que la modifier serait sans doute superfétatoire et, de toute façon, un peu trop compliqué pour elle. Ce n’est pas parce que tu as découvert deux ou trois trucs sur Black Jack que te voilà devenue son égale.

« Départ des commandes automatisées, rapporta Marphissa en même temps qu’elle enfonçait quelques touches. Début du compte à rebours de leur activation. »

Trente secondes plus tard, le commandant du C-413 appelait : « C’est quoi, ce plan ?

— Un plan ourdi par la présidente Iceni, répliqua Marphissa. Activation dans vingt-cinq secondes. Tout refus de s’y conformer devra lui être expliqué.

— Je… On en reparlera plus tard !

— Dix secondes avant activation. » Marphissa jeta un regard alarmé vers Iceni. « Êtes-vous sujette au mal des transports ?

— J’espère que non.

— Activation ! » proclama le spécialiste des manœuvres.

Le croiseur lourd C-448 et les autres unités de la flottille d’Iceni passèrent brutalement en accélération maximale en même temps que les tampons d’inertie protestaient par des grognements. Iceni ne quittait pas son écran des yeux, tout en s’efforçant de respirer lentement et profondément en dépit de la pression. La flottille adverse ne verrait la sienne modifier sa vélocité que dans plusieurs secondes. Dans la mesure où, au-delà de 0,2 c, toute vélocité combinée compliquait les solutions de tir et réduisait à un rythme de plus en plus élevé les chances de frapper l’ennemi, les systèmes automatisés de l’adversaire réagiraient en retournant ses vaisseaux et activeraient à plein régime leurs unités de propulsion principales afin de décélérer.

La pression sur Iceni cessa abruptement, sa flottille venant de couper les propulsions principales de ses vaisseaux. D’autres forces l’assaillirent, les réacteurs de manœuvre s’allumant à leur tour pour les faire grimper et pivoter. Puis les unités de propulsion principales repartirent de plus belle pour réduire autant que possible la vélocité.

Quelques secondes plus tard, l’ennemi assistait enfin à la manœuvre, coupait lui aussi ses unités de propulsion principales, retournait ses vaisseaux et les rallumait à plein régime pour compenser le mouvement.

« Trois minutes avant contact », souffla le spécialiste des manœuvres quand les propulsions principales du C-448 s’éteignirent de nouveau. Les réacteurs de manœuvre prirent encore une fois le relais, retournant les vaisseaux et les faisant grimper vers ceux de l’ennemi, puis leurs unités de propulsion principales se rallumèrent encore à pleine puissance, avant même qu’ils ne se fussent stabilisés sur leur trajectoire.

« Ils vont nous détester en face », lâcha Marphissa avec un rire crispé quand elle vit à nouveau réagir les systèmes automatisés des vaisseaux adverses. Des matelots chevronnés auraient pris conscience du bref délai restant avant le contact et compris aussitôt qu’il leur fallait interdire à leurs systèmes automatisés de tenter d’épouser les manœuvres d’Iceni.

Mais les serpents qui contrôlaient la flottille ennemie étaient tout sauf des matelots chevronnés ; en outre, ils devaient être pour l’heure passablement décontenancés.

Ils décélérèrent de nouveau et incurvèrent cette fois leur trajectoire vers le bas, alors que les deux formations se précipitaient l’une vers l’autre. Leurs proues, où se trouvaient la majeure partie de l’armement ainsi que le blindage le plus épais et les boucliers les plus puissants, pivotaient pour tourner le dos aux vaisseaux d’Iceni. Celle-ci n’eut aucune peine à s’imaginer les hurlements que devaient pousser les serpents en voyant leurs armes se soustraire aux enveloppes d’engagement au moment même où ses propres vaisseaux déboulaient au contact.

Ces derniers étaient sans doute mieux alignés pour tirer, mais on était encore loin de la perfection en raison de la complexité des manœuvres. Elle sentit le croiseur lourd trembler légèrement sous ses pieds lorsque mitraille et lances de l’enfer se déchaînèrent sur l’ennemi, mais c’est à peine si elle en prit conscience avant que sa propre flottille ne l’eût dépassé en trombe. Celle-ci ajusta trajectoire et vélocité pour piquer droit sur la géante gazeuse, désormais de plus en plus proche, tandis que l’autre s’éloignait en battant de l’aile et que les deux formations s’écartaient l’une de l’autre à une vitesse combinée de près de 0,2 c.

Un concert de rires s’éleva sur la passerelle, faisant tressaillir Iceni. « Imagine un peu la tête qu’ils doivent tirer ? entendit-elle un spécialiste demander à un de ses collègues.

— Silence sur la passerelle ! ordonna Marphissa, mais sans grande conviction car elle aussi souriait. Dommage qu’on n’ait pas pu les frapper davantage.

— On les a joliment esquintés malgré tout, fit observer Iceni en regardant les mises à jour s’afficher sur son écran à mesure que les senseurs de sa flottille coordonnaient leurs relevés pour produire une analyse définitive des dommages infligés à l’ennemi. Mais, surtout, poursuivit-elle, on les a dépassés sans essuyer aucune avarie. » Mis à part quelques ricochets aisément repoussés, même par les boucliers relativement peu puissants des avisos.

L’objectif d’une bataille est censément d’infliger le maximum de dégâts à l’ennemi. Ses ordres et le plan de Marphissa avaient renversé la vapeur et transformé l’engagement en une esquive. Dans la mesure où l’ennemi ne s’y attendait pas et où la flottille adverse était contrôlée par des serpents avec une expérience limitée des manœuvres de forces mobiles, le plan avait eu exactement le résultat escompté. De sorte que, quand les commandants des autres unités commencèrent d’appeler, ce fut Iceni qui leur répondit au lieu de laisser Marphissa s’en charger. « Notre but lors de cet engagement était de parvenir au plus vite jusqu’au cuirassé. Cet objectif a été atteint. Révisez la suite du plan. Dès que nous aurons largué les navettes abritant les forces terrestres, il nous faudra revenir sur nos pas pour affronter l’autre flottille, car, entre-temps, elle tentera de nous dépasser. Quelqu’un a-t-il des objections à formuler sur mes décisions ? »

Nul ne s’y résolut comme on pouvait s’y attendre. Tous cessèrent aussi de se plaindre à Marphissa, laquelle parut néanmoins s’en offusquer. « Ils pourraient aussi respecter les miennes.