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sauf que la situation se trouvait mainte-par Allah ?

nant inversée.

— Allah a fait les armées, et Il a fait

«J'ai osé», répéta-t-il. Et il baissa la tête aussi les oiseaux. Allah m'a montré le lan-pour recevoir le coup de sabre. « De nom-gage des oiseaux. Tout a été écrit par la breuses vies vont être sauvées, parce que même Main», dit le jeune homme, en se vous aviez compté sans l'Ame du Monde. »

souvenant de ce qu'avait dit le chamelier.

L'arme, cependant, ne s'abaissa pas bru-Finalement, le cavalier releva son épée.

talement. La main du cavalier descendit Le jeune homme en éprouva du soulage-lentement, et la pointe de la lame vint toument. Mais il ne pouvait pas s'enfuir.

cher le front du jeune homme. Elle était si

«Prends garde aux divinations. Quand aiguisée qu'une goutte de sang perla.

les choses sont écrites, il ne peut être ques-Le cavalier était parfaitement immobile.

tion de les éviter.

Le jeune homme aussi. L'idée ne lui vint

— J'ai seulement vu une armée, dit le même pas de fuir. Au fond de son cœur, jeune homme. Je n'ai pas vu l'issue d'une une étrange allégresse s'empara de lui : il bataille. »

allait mourir pour sa Légende Personnelle.

Le cavalier sembla satisfait de la ré-Et pour Fatima. Les signes, enfin, avaient ponse. Mais il gardait son épée à la main.

dit vrai. Voici que l'Ennemi était là, et il

«Que fait un étranger sur une terre étrangère ? demanda-t-il.

n'avait donc pas à se soucier de la mort, puisqu'il y avait une Ame du Monde. D'ici

— Je cherche ma Légende Personnelle.

Quelque chose que tu ne pourras jamais peu, il en ferait partie. Et demain l'Ennemi comprendre. »

aussi en ferait partie.

Le cavalier remit son épée au fourreau, L'étranger, cependant, se contentait de et le faucon, sur son épaule, poussa un cri maintenir la pointe de l'épée sur son front.

étrange. Le jeune homme commença à se

«Pourquoi as-tu lu le vol des oiseaux?

détendre.

— J'ai seulement lu ce que les oiseaux

«Je devais éprouver ton courage, dit le voulaient conter. Ils veulent sauver l'Oasis, cavalier. Le courage est la vertu majeure et vous et les vôtres allez mourir. Les pour qui cherche le Langage du Monde.»

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Le jeune homme fut surpris. Cet homme parlait de choses que peu de gens connaissaient.

«Il ne faut jamais se relâcher, même quand on est parvenu aussi loin, poursuivit-il. Il faut aimer le désert, mais ne jamais s'y fier entièrement. Car le désert est une pierre de touche pour tous les hommes: il éprouve chacun de leurs pas, et tue qui se laisse distraire. »

Ses paroles rappelaient celles du vieux Le lendemain matin, il y avait deux mille roi.

hommes sous les armes au milieu des pal-

« Si les guerriers arrivent, et si ta tête est miers dattiers de Fayoum. Avant que le encore sur tes épaules demain après le cou-soleil ne parvînt au zénith, cinq cents cher du soleil, viens me voir », dit encore le guerriers apparurent à l'horizon. Les cava-cavalier.

liers entrèrent dans l'Oasis par le nord.

La même main qui avait tenu le sabre se Apparemment, c'était une expédition paci-saisit d'une cravache. Le cheval se cabra fique, mais des armes étaient cachées sous de nouveau, soulevant un nuage de pous-les burnous blancs. Lorsqu'ils arrivèrent sière.

près de la grande tente dressée au centre

« Où habitez-vous ? » cria le jeune homme, de l'Oasis, ils mirent au jour les cimeterres tandis que le cavalier s'éloignait.

et les fusils. Et attaquèrent une tente vide.

La main qui tenait la cravache désigna Les hommes de l'Oasis encerclèrent la direction du sud.

les cavaliers du désert. En l'espace d'une Le jeune homme venait de rencontrer demi-heure, il y avait quatre cent quatre-l'Alchimiste.

vingt-dix-neuf cadavres disséminés sur le sol. Les enfants se trouvaient à l'autre extrémité de la palmeraie et ne virent rien.

Les femmes priaient pour leurs maris sous les tentes et ne virent rien non plus. N'eus-sent été les corps qui gisaient partout, l'Oasis aurait paru vivre une journée normale.

Un seul guerrier fut épargné, celui qui 153

commandait la troupe des assaillants. Au soir, il fut amené devant les chefs de tribus, qui lui demandèrent pourquoi il avait violé

la Tradition. Il répondit que ses hommes souffraient de la faim et de la soif, épuisés par tant de jours de combat, et qu'ils avaient donc résolu de s'emparer d'une oasis pour pouvoir reprendre la lutte.

Le chef suprême de l'Oasis dit qu'il regrettait pour les guerriers, mais que la Tradition devait être respectée en toute Quand le soleil eut complètement dis-circonstance. La seule chose qui change paru et que les premières étoiles commen-dans le désert, ce sont les dunes, quand cèrent à paraître (elles ne brillaient pas souffle le vent.

beaucoup, du fait de la pleine lune), le Puis il condamna le chef adverse à une jeune homme se mit en marche vers le mort déshonorante. Au lieu d'être tué à

sud. Il n'y avait là qu'une tente; et, l'arme blanche ou d'une balle de fusil, il selon quelques Arabes qui se trouvaient à

fut pendu à un tronc de palmier desséché.

passer, l'endroit était peuplé de djinns.

Son cadavre resta à se balancer dans le Mais il s'assit et attendit pendant un long vent du désert.

moment.

Le chef de tribu convoqua le jeune L'Alchimiste apparut alors que la lune étranger et lui remit cinquante pièces d'or.

était déjà haut dans le ciel. Il portait à

Puis il rappela de nouveau l'histoire de l'épaule deux éperviers morts.

Joseph en Egypte et demanda au jeune

«Me voici, dit le jeune homme.

homme d'être désormais le Conseiller de

— Tu ne devrais pas être ici, répondit l'Oasis.

l'Alchimiste. Ou est-ce que ta Légende Personnelle voulait que tu viennes jusqu'en ce lieu?

— Il y a une guerre entre les clans. Il n'est pas possible de traverser le désert. »

L'Alchimiste descendit de cheval et fit un signe pour inviter le jeune homme à

entrer avec lui. C'était une tente semblable à toutes celles qu'il avait pu voir dans l'Oa-155

sis — à l'exception de la grande tente cen-Le jeune homme comprit. Ainsi, un trale, dont le luxe évoquait les contes de autre homme était là, sur sa route, pour le fées. Il chercha du regard des appareils et conduire jusqu'à sa Légende Personnelle.

des fours d'alchimie, mais ne vit rien de

«Vous allez donc m'apprendre?

semblable. Il y avait seulement quelques

— Non. Tu sais déjà tout ce qu'il y a à

piles de livres, un fourneau pour faire la savoir. Je vais simplement te mettre sur la cuisine, et des tapis ornés de dessins mys-voie, dans la direction de ton trésor.

térieux.

— Il y a la guerre entre les clans, répéta

«Assieds-toi, je vais faire du thé, dit l'Al-le jeune homme.

chimiste. Et nous mangerons ensemble ces

— Mais je connais le désert.

éperviers. »

— J'ai déjà trouvé mon trésor. J'ai un Le jeune homme se demanda si ce

chameau, l'argent de la boutique de cris-n'étaient pas les mêmes oiseaux qu'il avait taux, et cinquante pièces d'or. Je peux être vus la veille, mais il ne dit rien. L'Al-un homme riche dans mon pays.

chimiste alluma le feu, et bientôt une

— Mais rien de tout cela ne se trouve délectable odeur de viande se répandit près des Pyramides.

dans la tente. C'était plus agréable encore

— J'ai Fatima. C'est un plus grand tré-que le parfum des narguilés.

sor que tout ce que j'ai réussi à acquérir.

«Pourquoi vouliez-vous me voir? de-

— Elle non plus n'est pas près des Pyra-manda le jeune homme.

mides. »

— A cause des signes, répondit l'Alchi-Ils mangèrent les éperviers en silence.