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La tradition militaire nationale s'enracine. Sur le champ de bataille, le roi se fait sacrer chevalier par Bayard. Ce geste n'est pas la vaine tentative de faire revivre un rituel anachronique, mais l'expression d'une volonté de nouer le présent au passé. François Ier et Bayard sont des chevaliers. Il n'y a pas rupture entre les époques. L'institution monarchique est éternelle. Ainsi se créent et se renforcent les mythes nationaux.

François Ier annonce les campagnes de Bonaparte en Italie – les cols d'où l'on tombe par surprise sur l'ennemi, l'emploi de l'artillerie pour arracher la victoire. Et les avantages qu'on glane : concordat avec le pape en 1516 – le roi nomme aux charges de l'Église de France et bénéficie ainsi de sa richesse, qui devient un instrument politique pour s'attacher les candidats aux fonctions ecclésiastiques.

Il signe un traité de paix perpétuelle avec les cantons suisses : coûteux, parce qu'il faut les acheter, mais le royaume dispose ainsi d'une frontière sûre et de mercenaires courageux, dévoués, aguerris.

François Ier se sent si fort qu'il brigue en 1519 la dignité impériale. Mais l'argent des banquiers augsbourgeois – les Fugger – permet à Charles d'Espagne d'acheter les électeurs et de devenir Charles Quint.

Toute la géopolitique française s'en trouve changée : l'ennemi n'est plus l'Anglais. En 1520, François Ier accueille Henri VIII au camp du Drap d'or, mais le Habsbourg, Charles Quint, prend le royaume de France en tenailles entre le Rhin et les Pyrénées, et revendique l'héritage bourguignon.

L'Italie n'est plus seulement la terre des richesses, des arts, des créateurs qu'il faut attirer en France (Léonard de Vinci et sa Joconde, le Primatice, le Rosso, Cellini), mais le champ clos de l'affrontement entre le roi de France et l'empereur Charles Quint et son fils Philippe II. Entre le Français et les Habsbourg, dix-huit ans de guerre.

À la victoire de Marignan – jamais oubliée, magnifiée – succèdent les défaites, et d'abord la plus grave, le 24 février 1525 : le « désastre » de Pavie.

François Ier est fait prisonnier : « De toutes choses ne m'est demeurée que l'honneur et la vie sauve », dit-il. Transféré à Madrid, il n'est libéré qu'en signant sous la contrainte un traité léonin et en donnant ses fils en gage contre sa libération.

Humiliation.

Nécessité de trouver contre le Habsbourg des alliances nouvelles : celles des hérétiques allemands ! Et celle, encore plus scandaleuse, de Soliman le Magnifique.

Avec la complicité française, la flotte turque viendra bombarder en Nice 1543, et, pour que les équipages et les navires de Soliman puissent hiverner, François Ier les accueillera à Toulon après avoir vidé la ville de ses habitants.

L'intérêt dynastique et le « patriotisme monarchique » sont plus forts que la foi catholique !

La France inaugure ainsi une diplomatie « nationale » et « laïque » qui ne répugne pas à chercher l'appui de l'infidèle contre l'empereur chrétien, qu'il soit Charles Quint ou Philippe II d'Espagne.

Stratégie fructueuse qui permet de compenser la puissance des Habsbourg (deux après l'abdication et la mort de Charles Quint – 1556, 1558 : l'empereur Ferdinand et le roi d'Espagne Philippe II) et de consolider la présence française en Orient.

Les « capitulations » de 1536 accordent des avantages aux vaisseaux et aux marchands français au Levant, et confirment que la France est la protectrice des Lieux saints.

Au terme des affrontements (victoire française à Cérisoles en 1544, résistance de Metz en 1554, puis défaite française à Saint-Quentin en 1557), le traité du Cateau-Cambrésis (1559) marque l'épuisement des deux adversaires.

Henri II conserve les trois évêchés (Metz, Toul et Verdun), rend ses États au duc de Savoie, et les Anglais rétrocèdent Calais.

Mais ces aléas de la guerre – et même la captivité de François Ier – n'ont en rien atteint le prestige du roi.

François Ier est le « César triomphant », l'égal de Cyrus et de Constantin.

Il est pour la première fois « Sa Majesté ».

Les états généraux ne sont plus convoqués (de 1484 à 1560). « Car tel est notre bon plaisir. » « Car ainsi nous plaît-il être fait. »

Le roi gouverne en réunissant des conseils : Conseil secret, Conseil étroit, Conseil des affaires.

La centralisation renforce l'absolutisme.

L'ordonnance de Villers-Cotterêts, le 10 août 1539, manifeste cette volonté royale de réglementer, de contrôler, de tenir d'une main ferme tout le royaume.

Pièce maîtresse dans cette unification, c'est, au bénéfice du roi et de toutes les juridictions du royaume, un acte juridique et politique majeur qui marque profondément l'âme de la France.

Il vise, en 192 articles, à créer une nation « homogène » :

« Le langage maternel français » est obligatoire dans les actes publics.

La langue est l'instrument de la politique : le français est la langue de l'État.

La justice devient une arme étatique : les juridictions ecclésiastiques ne peuvent juger que les affaires concernant l'Église.

Dans la procédure pénale, l'accusé se voit privé de moyens de défense au bénéfice de l'accusation. Le pouvoir royal a tiré la leçon des émeutes qui se sont produites à Lyon en 1529, et la nouvelle législation permettra de réprimer avec encore plus de sévérité la révolte de 1543-1548 qui dresse la Guyenne contre les hausses d'impôts. De même, parce qu'il a fallu faire face en 1539 à une grève des imprimeurs lyonnais, l'ordonnance de Villers-Cotterêts interdit les confréries de métier.

Une monarchie absolue se met en place au moment où l'humanisme de la Renaissance imprègne les élites tout en les séparant du reste du peuple.

Le pouvoir se ramifie. Il construit ou réaménage les châteaux de Chambord, Fontainebleau, Amboise, Anet, ainsi que le Louvre. Il augmente sa puissance militaire : il paie les mercenaires suisses, « solde » les compagnies, les dote d'armes nouvelles (arquebuses, bombardes, couleuvrines, pistolets). Il se veut resplendissant – la Cour autour du roi compte plusieurs milliers de courtisans –, rayonnant : Bibliothèque royale, Typographie royale, Collège des lecteurs royaux, « noble et trilingue Académie » – latin, grec, hébreu –, futur Collège de France.

Et il a dès lors de plus en plus besoin d'argent.

Il faut, pour lever l'impôt, connaître le nombre des habitants.

Les curés sont chargés de tenir des registres des naissances et des baptêmes.

En 1523 est créé un Trésor de l'épargne. On emprunte aux villes. On multiplie les créations d'« offices » qui sont vendus afin d'augmenter les recettes.

On applique avec rigueur le concordat de 1516 :

« Le Roi nomme, dit l'ambassadeur de Venise, à 10 archevêchés, 82 évêchés, 527 abbayes, à une infinité de prieurés et canonicats. Ce droit de nomination lui procure une grandissime servitude et obéissance des prélats et laïques par le désir qu'ils ont des bénéfices. Et de cette façon il satisfait ses sujets, mais encore il se concilie une foule d'étrangers. »

Les sujets paient et reçoivent, mais le pouvoir absolu exige obéissance.

« En quelque chose que le Roi commande, il est obéi aussitôt comme l'homme l'est des bêtes ! » dit Maximilien d'Autriche.

Et ceux qui ne plient pas, ou ceux qui, dans le domaine financier, essentiel pour la monarchie absolue, fraudent, sont châtiés.

Le roi ne peut pardonner les malversations, même s'il en bénéficie un temps. À la fin, il condamne et s'approprie.

Ainsi le surintendant Jacques Beaume de Semblançay est-il pendu le 9 août 1527 au gibet de Montfaucon :

Frères humains qui après nous vivez

N'ayez les cœurs contre nous endurcis...