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Une « Chambre ardente » est créée dès 1551 auprès du parlement de Paris, et un inquisiteur dominicain y siège. Elle rendra en trois ans plus de 500 arrêts contre l'hérésie.

Un édit d'Écouen autorise en 1559 à abattre tout huguenot révolté ou en fuite. Et le conseiller Anne Du Bourg, qui s'oppose à cet édit, est étranglé et brûlé.

Mais cette persécution n'empêche pas, en 1555, Calvin, réfugié à Genève, d'organiser les églises réformées de France. En 1560, on en compte plus de 150, représentant deux millions de fidèles. Un synode national se réunit même à Paris.

Sur son lit de mort, Henri II a beau murmurer : « Que mon peuple persiste et demeure ferme en la foi en laquelle je meurs », des protestants chantent des psaumes sur l'autre rive de la Seine, en face du Louvre.

Ce défi à l'autorité royale, à l'absolutisme, à la règle fondatrice – « religion du roi, religion du royaume » –, constitue une lourde menace.

D'autant plus politique que des conjurés huguenots cherchent à s'emparer du roi en résidence à Amboise. Cette conjuration ourdie par des gentilshommes va échouer, et les nobles « catholiques » conduits par François de Guise exécuteront plus d'une centaine de conjurés, dont certains sont pendus aux balcons du château.

Est-ce le temps des massacres qui commence ?

La mort de François II permet à sa mère Catherine de Médicis de faire promulguer deux édits qui tentent d'éviter la guerre civile.

Le premier amnistie les conjurés d'Amboise.

Le second, distinguant l'hérésie de la rébellion, entrouvre ainsi la porte à la tolérance religieuse dès lors qu'elle ne se mue pas en force politique hostile au pouvoir royal.

Est-ce possible ?

Un imprimeur est encore brûlé vif pour écrits séditieux ; des huguenots sont massacrés à Lyon.

Comment établir une frontière nette entre critique de l'Église et opposition au roi qui en est le protecteur ?

D'ailleurs, les protestants recommencent à conspirer. Ils tentent de s'emparer de Lyon (septembre 1560). Alors la répression s'abat sur eux.

Devant les états généraux réunis à Orléans peu après la mort du roi François II – le 5 décembre 1560 –, le chancelier Michel de L'Hospital lance un appel à la tolérance qui est aussi l'expression d'un désir d'unité française, de sagesse politique et de tolérance.

On ne peut, dit-il, convaincre les huguenots qu'avec les « armes de la charité, les prières, persuasions, paroles de Dieu qui sont propres à tel combat. Le couteau vaut peu contre l'esprit. Ôtons ces mots diaboliques, luthériens, huguenots, papistes : ne changeons pas le nom de chrétien ! »

Cette voix est aussi celle d'une autre spécificité française.

Elle affirme qu'entre les camps opposés, entre les violences qui s'exacerbent l'une l'autre, il existe un choix « médian » récusant l'extermination d'un camp par l'autre, parce que la première victime en serait le royaume, la nation elle-même.

20.

La France de 1560 peut-elle entendre la voix de la sagesse et de la tolérance ?

Les passions religieuses qui se déchaînent nourrissent les ambitions, les haines, les ressentiments, les convictions, les croyances que la monarchie centralisatrice, autoritaire, marchant vers l'absolutisme, a jusque-là réussi à contenir, à refouler, à étouffer.

Et toutes les vieilles blessures se rouvrent au moment où le pouvoir se trouve affaibli.

En 1560, un enfant de dix ans est devenu Charles IX, roi de France. Il est maladif, dépressif, velléitaire.

Et c'est sa mère, Catherine de Médicis, « par la grâce de Dieu, reine de France, mère du Roy », qui exerce la régence, avec l'habileté, le sens de l'intrigue, l'absence de scrupules, le cynisme d'une fille des Médicis de Florence, élèves de Machiavel.

Elle n'a qu'un seul but : ne rien céder du pouvoir royal, celui de Charles IX, c'est-à-dire le pouvoir qu'elle détient, et peut-être demain celui de son fils préféré, Henri – sans compter qu'après lui reste encore un frère cadet, François.

Quant à sa fille Marguerite, elle la mariera le moment venu à l'un des grands, duc ou prince, et pourquoi pas au roi de Navarre, Henri de Bourbon ?

Elle se méfie de tout et de tous.

De ces Guises – François, le général ; Charles, l'archevêque de Reims – qui prétendent descendre en ligne directe de Charlemagne et qui incarnent un catholicisme intransigeant. Ils sont pénétrés de l'esprit du concile qui, réuni à Trente, après 1545, ne cède rien aux « réformés », mais élabore au contraire une Contre-Réforme, qui recrée l'Inquisition sous le nom de Congrégation de la Suprême Inquisition, qui s'appuie sur la Compagnie de Jésus – l'armée noire du pape – pour diriger les consciences des hommes et des femmes d'influence, et établit les listes des livres « diaboliques » à proscrire.

De ces autres grands, les Bourbon-Condé, qui soutiennent les huguenots.

Des Bourbon-Navarre, eux aussi tentés par la religion prétendument réformée.

Catherine de Médicis s'inquiète de voir ces protestants se doter d'une organisation militaire, exprimant, sous le couvert de la foi nouvelle, les volontés d'autonomie des grands seigneurs et des villes brisées par le pouvoir royal.

Cette situation religieuse, politique, sociale – la disette reparaît, les prix des denrées montent, la misère, qui semblait contenue, se répand à nouveau avec, ici et là, des poussées de peste noire –, est d'autant plus lourde de menaces que chaque camp regarde vers l'étranger.

Les catholiques vers l'Espagne, les huguenots, vers ces « Gueux » des Pays-Bas qui combattent l'Espagnol Philippe II et affirment leur religion et leur désir d'indépendance.

L'Allemagne s'émiette.

La religion du prince est celle de son peuple.

Il en ira ainsi en Angleterre, quand Élisabeth, après le schisme de Henri VIII, choisira en 1563 de créer l'Église anglicane, antipapiste, mais hiérarchisée à l'instar de l'Église catholique.

Dans cette nouvelle configuration des forces en Europe, la France hésite encore.

Étrange moment, révélateur du caractère complexe de l'histoire nationale et de l'âme de la France.

Autour d'elle, les peuples s'alignent. Les uns entrent au temple, les autres, dans l'Église romaine ou dans l'Église anglicane.

Les peuples obéissent à leur souverain : Cujus regio, ejus religio.

Mais la France, fille aînée de l'Église, hésite et débat.

Le patriotisme, le sentiment familial, sont déjà si forts que, durant deux années encore (1560-1562), Catherine de Médicis et ses conseillers tentent d'éviter la guerre civile.

Ronsard, « papiste », s'adresse au souverain :

Sire, ce n'est pas tout que d'être Roi de France

Il faut que la vertu honore votre enfance...

Et dans cette Institution pour l'adolescence du roi Charles IX (1561), il convoque l'histoire devenue référence, légende :

Du temps victorieux vous faisant immortel

Comme Charles le Grand ou bien Charles Martel...

L'invincible, l'indomptable Charles Martel...

La régente organise à Poissy, en septembre 1561, un colloque où des représentants de la religion catholique et de la religion réformée débattent, échangent avec vigueur des arguments en faveur de leur foi.

Dialogue de la dernière chance – mais significatif de la singularité française – où les plus radicaux des intervenants – Théodore de Bèze pour les huguenots, le général des jésuites Lainez – empêchent que la tolérance l'emporte.

Cependant, un édit – de Saint-Germain, le 17 janvier 1562 – reconnaît dans certaines conditions le droit pour les pasteurs de prêcher à l'extérieur des villes, qui leur demeureront closes.

C'est un pas vers l'apaisement, vers la reconnaissance de l'autre.