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La scène centrale n'est occupée que par une régente, la reine Marie de Médicis, entourée de ce couple que l'on présente comme des aigrefins, des pilleurs de trésors : Concino Concini et sa « sorcière » de compagne, Leonora Galigaï.

Les libelles contre eux se multiplient. Les grands s'impatientent, rejoints par la noblesse de robe, parlementaires, officiers propriétaires de leurs charges qu'ils peuvent désormais léguer.

Marie de Médicis, croyant renforcer son pouvoir, s'est présentée devant le parlement de Paris pour se faire confirmer par l'assemblée qu'elle était bien la régente « des affaires du royaume pendant le bas âge dudit seigneur son fils ».

Elle semble ainsi avouer sa faiblesse, ce besoin de reconnaissance, alors que Henri IV avait veillé à ce qu'elle fût sacrée régente.

Or, quand en France la clé de voûte du pouvoir s'affaiblit, ne peut tenir toute sa place, c'est l'édifice entier qui se fissure.

Les factions animées par les grands se reconstituent. Les protestants, autour du duc de Rohan, créent des assemblées permanentes afin d'être prêts à réagir à toute remise en cause de l'édit de Nantes. Ils renforcent leur organisation militaire et politique. Ils craignent qu'un changement d'orientation du pouvoir ne s'opère à leur détriment.

C'est que les signes ne manquent pas, montrant une nouvelle fois qu'en France la politique intérieure et les choix de politique étrangère sont toujours intimement liés.

Par sa situation géopolitique, la France est l'épicentre de l'Europe, et s'il se met à trembler – si le roi ou l'État sont contestés –, c'est tout le système des relations internationales européennes qui se recompose.

Henri IV avait déclaré la guerre à l'Espagne en s'appuyant sur les puissances protestantes, contestant ainsi la suprématie des Habsbourg d'Allemagne et d'Espagne.

Le nouveau pouvoir signe la paix avec l'Espagne, à la grande satisfaction du « parti dévot », mais en suscitant l'inquiétude des « politiques », de ces « bons Français » qui placent les considérations religieuses au second plan, cherchant d'abord à conforter la puissance du royaume face aux Habsbourg.

Dès 1612, Marie de Médicis, dévote, prépare des « mariages espagnols » : Louis XIII épousera l'infante Anne d'Autriche, et Élisabeth, sœur de Louis XIII, se mariera avec le futur Philippe IV d'Espagne.

C'est bien une réorientation majeure de la politique étrangère du royaume qui se précise. Elle place la France dans une situation de dépendance à l'égard de l'Espagne ou des Habsbourg d'Allemagne au moment même où commence le grand affrontement de la guerre de Trente Ans (1618-1648), dans laquelle la France laisse les Impériaux envahir le Palatinat ou briser la révolte tchèque, ou encore Philippe IV d'Espagne faire la guerre aux Provinces-Unies.

La politique du parti dévot l'emporte. Elle est aux antipodes des choix d'un François Ier s'alliant avec Soliman le Magnifique pour s'opposer à Charles Quint, ou encore de ceux de Henri IV s'appuyant sur les princes luthériens et les Provinces-Unies.

Ce choix d'un traité d'alliance avec l'Espagne (1612), qui conduit à la conclusion des « mariages espagnols », ne s'explique pas seulement par des raisons religieuses.

Les décrets du concile de Trente sont désormais appliqués en France. Un renouveau religieux se manifeste avec la création d'ordres mendiants, de collèges jésuites, et l'émergence de fortes personnalités comme saint François de Sales, saint Vincent de Paul, Bérulle.

En fait, le royaume est trop divisé, trop déchiré en factions rivales pour appliquer un projet de politique extérieure qui consisterait – comme l'avait esquissé Henri IV – à faire de la France l'arbitre de l'Europe en assurant ainsi la prépondérance française et en supplantant par là les Habsbourg, qu'ils soient d'Allemagne ou d'Espagne.

Il faudrait, pour y parvenir, rassembler le royaume. Or les grands conduisent des guerres civiles contre la régente et le roi mineur (1614-1616 ; 1616-1617). Les protestants du Béarn prennent à leur tour les armes.

Les états généraux réunis à Paris en octobre 1614 montrent l'impossibilité de formuler des propositions – fiscales, par exemple – rassemblant les trois ordres (clergé, noblesse, tiers état).

On voit la vieille noblesse s'opposer à la nouvelle, définie par ses fonctions.

Incapable de rassembler, le pouvoir est cependant servi par ces divisions qui réduisent les états généraux à une impuissance comparable à la sienne.

Les « officiers » proclament orgueilleusement qu'ils sont, de par leurs fonctions, liés au monarque : « Nous représentons Votre Majesté en nos charges, dit le prévôt des marchands de Paris, Miron. Qui nous outrage, viole Votre autorité, voire commet en certains cas le crime de lèse-majesté. »

En France, la carence ou le trouble au sommet de l'État provoquent inéluctablement l'éclatement de la nation en groupes rivaux.

Dans ces conditions, le pouvoir n'échappe pas à la critique. Chaque clan formule ses « remontrances ».

Le parlement de Paris présente les siennes en mai 1615, et élabore un véritable programme, demandant le retour à la politique extérieure de Henri IV, critiquant les conseillers de la reine, ces « étrangers » prévaricateurs.

Quelques semaines plus tard, Condé publie un manifeste exigeant que la Cour suive les cahiers des états généraux. C'est dire que le « soupçon » à l'égard de la monarchie est devenu acte d'accusation.

Les mesures prises par Concini pour tenter de faire face à ces oppositions – il fait entrer au Conseil Armand Jean Du Plessis, futur cardinal de Richelieu, chargé des Affaires étrangères –, l'emprisonnement de Condé à la Bastille, puis l'envoi de troupes en Champagne et dans le Nivernais pour réduire une rébellion du duc de Nevers, si elles recréent un semblant d'ordre, ne peuvent rétablir l'unité et l'autorité du pouvoir.

Car dans la monarchie française, qui est déjà absolutiste, c'est le roi qui les incarne. Il est le cœur du royaume et de la construction politique. S'il est absent ou empêché, le royaume entre en crise.

L'âme de la France ne peut vivre sans un « centre », une clé de voûte.

Ainsi le coup d'État organisé par Charles d'Albert de Luynes avec l'assentiment du roi est-il un premier pas nécessaire vers le retour à l'ordre.

Le 24 avril 1617, Concini est assassiné. Son corps, déterré par la foule, est dépecé, brûlé, ses cendres répandues, et Leonora Galigaï exécutée à son tour comme sorcière. Marie de Médicis chassée, Louis XIII, âgé de seize ans, confie le pouvoir réel à Luynes.

Mais le roi doit s'imposer par les armes : contre Marie de Médicis – la guerre de la mère et du fils –, contre les grands en Guyenne et en Normandie, contre les protestants en Béarn.

Luynes tout comme le dévot Louis XIII continuent la « politique » qui privilégie les mobiles religieux et ne se dresse donc pas contre le Habsbourg.

Les Espagnols prennent pied dans la Valteline, et la France se retrouve ainsi menacée d'encerclement, les armées espagnoles étant désormais toutes proches de celles de l'empereur de Vienne.

La mort de Luynes, en 1621, permet le raccommodement du roi et de sa mère.

Or celle-ci a eu pour conseiller le cardinal de Richelieu, longtemps partisan de l'alliance avec l'Espagne, mais qui, devant les initiatives de Madrid et de Vienne, a pris conscience de l'effacement et de la subordination qu'elles impliquent pour la France.

Avec son entrée au Conseil, le 29 avril 1624, les conditions d'un changement de politique, si le roi l'entérine, sont réunies.