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Maintenant, Muses divines, ouvrez-moi l’Hélicon, inspirez mes chants, dites quels rois se levèrent pour cette guerre et quelles armées à leur suite se déployèrent dans la plaine, et quels étaient alors les hommes dont se fleurissait la féconde Italie, et sous quelles armes elle fut en feu. Vous vous en souvenez, ô divines, et vous pouvez le raconter; mais nous, à peine un faible bruit nous en est-il parvenu.

Le premier qui marche aux combats, terrible, issu des rivages tyrrhéniens, est le contempteur des dieux Mézence; le premier il arme ses troupes, il a près de lui son fils Lausus, le plus beau des Ausoniens après le Laurente Turnus; Lausus, dompteur de chevaux, chasseur de bêtes sauvages, conduit, mais en vain, mille guerriers qui l’ont suivi de la ville Agylline: il était digne d’être plus heureux sous les ordres paternels et d’avoir un autre père que Mézence.

Derrière eux, dans un char orné d’une palme, traîné sur l’herbe par des chevaux victorieux, s’avance le fils du bel Hercule, le bel Aventinus: il porte sur son bouclier les armes de son Père, les cent reptiles dont l’hydre est ceinte. Ce fut dans la forêt de la colline Aventine que la prêtresse Rhéa le mit clandestinement au jour, femme unie à un dieu, quand le Tirynthien, vainqueur et meurtrier de Géryon, atteignit les champs laurentins et baigna les vaches ibériennes dans les eaux du Tibre. Ses hommes sont armés de javelots qu’ils tiennent à la main et de cruels épieux; ils combattent avec une courte épée et la lance sabellienne. Leur chef lui-même, à pied, roule autour de son corps la peau monstrueuse, au poil sauvage et terrible, d’un lion dont le mufle et les dents blanches lui servent de coiffure. Il entrait ainsi au palais du roi, tout hérissé, les épaules recouvertes de ce vêtement herculéen.

Puis voici les jumeaux qui ont quitté les remparts de Tibur, de ce Tibur qui a pris le nom de leur frère Tiburtus, Catillus et l’ardent Coras, d’origine argienne: ils se portent au premier rang de leur troupe, à travers les lances pressées. Ainsi deux Centaures, fils des Nues, lorsqu’ils descendent en courant du sommet d’un mont et quittent les neiges de l’Homole ou de l’Othrys: l’immense forêt s’ouvre devant eux et sur leur passage s’élève un fracas de branches brisées.

Le fondateur de la ville de Préneste n’a pas manqué d’accourir, ce roi que tous les âges ont cru fils de Vulcain, né parmi les champs et les troupeaux et trouvé sur un foyer, Céculus. Une légion rustique s’élargit autour de lui: les hommes viennent, les uns des hauteurs de Préneste, les autres des champs de la Junon Gabienne, des bords du frais Anio, des roches berniques que des ruisseaux arrosent; et d’autres des riches pâturages d’Anagnia et d’autres que tu envoies, vénérable fleuve Amasène. Ces hommes n’ont pas tous des armes; ils ne font sonner ni boucliers ni chars. Ceux-ci, les plus nombreux, lancent des balles de plomb livide; ceux-là tiennent à la main deux javelots; ils se couvrent la tête de bonnets fauves en peau de loup. Ils vont le pied gauche nu, le pied droit chaussé de cuir brut.

Mais Messape, le dompteur de chevaux, le fils de Neptune, divinement invulnérable au fer et au feu, a tout à coup appelé aux armes ses peuples depuis longtemps endormis, ses troupes déshabituées de la guerre, et de nouveau il a tiré l’épée. Voici l’armée de Fescennium, les Èques de Faléries, et ceux qui tiennent les cimes du Soracte, les champs Flavinians, le lac et le mont Ciminius, les bois sacrés de Capène. Ils allaient en rangs égaux et chantaient leur roi: ainsi, quelquefois, par un temps clair, les cygnes couleur de neige, qui reviennent de la pâture, poussent de leurs longs cous des chants mélodieux; le fleuve en résonne et le marais asien en est au loin frappé. À voir cette multitude en marche, personne ne la prendrait pour des bataillons d’airain: on croirait plutôt à une nuée, dans l’air, d’oiseaux à la voix rauque qui de la haute mer se pressent vers le rivage.

Maintenant c’est Clausus, du vieux sang des Sabins, qui conduit une armée considérable, et qui en vaut une aussi considérable à lui seul, père de la tribu et de la famille Claudia répandue encore aujourd’hui à travers le Latium, depuis que les Sabins furent admis à faire partie de Rome. Il commande une immense cohorte d’Amiterne, les anciens habitants de Cures, toute la troupe d’Éretum et de Mutusca, féconde en oliviers, et les habitants de la ville de Nomentum, ceux des champs Rosiens du Vélinus, ceux des abrupts rochers du mont Tetricus et du mont Sévère, de Caspéria, de Foruli et du fleuve Himelle; et ceux qui boivent au Tibre et au Fabaris, et ceux qu’a envoyés la froide Nursia, et les contingents d’Horta et le peuple latinien et ceux que sépare dans son cours l’Allia au nom sinistre: ils sont aussi nombreux que les flots roulés par la mer de Libye, quand le sauvage Orion se cache dans les eaux hivernales; aussi pressés que, sous la nouvelle ardeur du soleil qui les mûrit, les épis des plaines de l’Hermus ou des campagnes blondissantes de Lycie. Les boucliers résonnent et la terre frémit d’épouvante sous le piétinement des guerriers.

Puis l’Agamemnonien Halésus, l’ennemi du nom troyen, a attelé son char et, en faveur de Turnus, entraîne mille peuples fiers, ceux dont les boyaux retournent les champs massiques féconds en vins, les Auronces que leurs pères ont envoyés de leurs hautes collines, et leurs voisins qui ont quitté les plaines de Sidicinum et ceux qui viennent de Calès, les riverains des eaux limoneuses du Vulturne, et aussi les hommes rudes de Saticula et la troupe des Osques. Ils portent des massues arrondies, armes de jet; mais ils ont coutume d’y attacher de souples lanières. Un petit bouclier couvre leur bras gauche; et, pour combattre de près, ils se servent du cimeterre.

Et je ne t’oublierai pas dans mes chants, Œbalus, né de Télon et de la nymphe Sébéthis, dit-on, lorsque, déjà d’un certain âge, Télon régnait à Caprée sur les Télébœns. Mais le fils ne s’était pas contenté du territoire paternel et avait réduit à son obéissance le peuple lointain des Sarrastes et les plaines que baigne le Sarnus et les peuples qui occupent Rufres, Batulum, Célemne, et ceux que regardent de haut les remparts d’Abella riche en pommiers. Ils sont accoutumés à lancer la javeline selon la mode teutonique; ils se couvrent la tête d’un casque en liège; leurs rondaches garnies d’airain étincellent et étincelle leur glaive d’airain.

La montagneuse Nersa t’a envoyé, toi aussi, aux combats, Ufens, illustre par ta renommée et par le bonheur de tes armes. Tu conduis surtout les Équicules, nation sauvage, rompue à la chasse dans les bois et au travail d’une terre dure. Ils labourent en armes; leur joie est toujours de faire main basse sur une nouvelle proie et de vivre du vol.

Et voici, venu sur l’ordre du roi Archippe, et le casque couronné d’un épais rameau d’olivier, le prêtre de la nation marruvienne, le très courageux Umbro. Il savait avec ses chants et sous la caresse de sa main endormir les vipères et les hydres à l’haleine empoisonnée; il adoucissait leurs colères et guérissait leurs morsures. Mais il ne fut pas capable de trouver un remède au coup de la lance dardanienne; ni les chants endormeurs ni les herbes cueillies sur les monts des Marses ne purent refermer sa blessure. Umbro, le bois d’Angitia, l’eau cristalline du Fucin, les lacs limpides t’ont pleuré.

Et le fils d’Hippolyte, un très beau guerrier, Virbius, s’avançait. Sa mère Aricie l’avait envoyé dans tout son éclat, élevé sous le bois sacré d’Égérie, près des rives humides où, arrosé du sang des sacrifices, se dresse l’autel secourable de Diane. On raconte en effet qu’Hippolyte, lorsque la perfidie de sa belle-mère l’eut tué et que, mis en pièces par ses chevaux épouvantés, il eut satisfait de son sang à la vengeance paternelle, revint au monde, revit les étoiles et le ciel éthéré, grâce aux herbes de Péon et à l’amour de Diane qui l’avaient rappelé à la vie. Alors le Père tout-puissant, indigné de voir un mortel sortir des ténèbres infernales et renaître à la clarté du jour, plongea lui-même, d’un coup de foudre, dans les eaux stygiennes Esculape, l’inventeur de ce remède, le découvreur de cet art. Mais, de son côté, la bonne Trivia cache Hippolyte dans un refuge secret et le confie aux bois et à la nymphe Égérie: là, seul, il passerait sa vie dans la forêt italienne sans être connu, et son nom serait changé en celui de Virbius. Les chevaux aux pieds de corne ne peuvent approcher du temple de Trivia et de son bois sacré, parce que ce sont des chevaux qui, épouvantés par le monstre marin, ont renversé sur le rivage le jeune homme et son char. Son fils n’en conduisait pas moins un fougueux attelage dans la plaine, et c’était encore dans un char qu’il se ruait aux combats.