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— Je refuse !

— Le Grand Tchoïo Tchagass prévoit tout ! Et maintenant, je m’en vais. Comme il l’a fait jusqu’à présent, l’ingénieur Honteel Tollo Frael restera avec vous pour vous aider.

Le « porte-serpent » fit un vague signe de tête en direction de l’ingénieur et sortit. Le plancher en bois du corridor et de l’escalier grinça sous ses pas lourds. Le silence régna dans le vieux temple.

Après être resté un moment silencieux et absent, Tael se reprit.

Faisant signe à Rodis de se taire, il arracha une petite feuille de papier, la noircit de quelques signes et la tendit à Rodis qui lut : « Le SVP peut-il détecter des appareils électroniques ou des poisons chimiques ? », elle acquiesça de la tête et mit en marche le Neufpattes. Le SVP sortit une petite lampe à lumière verte dont le rayon parcourut la pièce sans changer de couleur. Puis, un petit globe noir muni d’un cadran à calculer dressa ses antennes qui indiquèrent deux endroits dans la première pièce et quatre dans la seconde. D’après ces indications, Tael découvrit dans un meuble, l’armoire et la niche de la fenêtre, six petites boites en bois sombre. Obéissant aux ordres de l’ingénieur, Rodis foudroya chaque boite, d’ultra-sons au pouvoir destructeur. L’opération ne prit que quelques minutes. Tael poussa un soupir de soulagement et demanda à Rodis de brancher le champ de protection.

— Maintenant, dit-il en prenant place sur le divan, on peut parler librement.

— Pourquoi de telles précautions ? dit Rodis en souriant. Ils n’ont qu’à écouter et enregistrer.

— En aucun cas ! s’écria l’ingénieur avec un air de triomphe. Vous allez tout comprendre dans un instant ! Tchagass en choisissant un endroit isolé a commis sa première grande erreur. Il existe dans les très vieux temples des lieux secrets, oubliés depuis longtemps et inconnus des dirigeants, car c’est à nous les « Cvil » que les chercheurs, les historiens et les architectes prévoyants ont réussi à transmettre le secret. Dans deux constructions semblables – La Tour Vitrée dans l’Hémisphère de Queue et la Coupole des Cent Blancs de la capitale, on multiplie maintenant les appareils ADP et IMC… Mais ce n’est que tout récemment que ce Temple du Temps a été découvert. Mon ami, architecte-restaurateur de bâtiments anciens, a retrouvé accidentellement les plans de ce temple. Vous êtes tout à fait libre ici. Vous pouvez quitter les Archives de l’Histoire, ou recevoir qui vous voulez quand bon vous semble, au nez et à la barbe des « violets ».

— Recevoir qui je veux est très important, dit Rodis toute contente, c’est une garantie de sécurité pour ceux qui viendront me voir. Je n’ai pas besoin d’aller en ville pour le moment. Si on me suit, cela pourrait avoir des conséquences désagréables. D’ailleurs, je peux tromper les « violets » quand je le désire.

— Vraiment ? s’écria Tael étonné et admiratif, comment est-ce possible ?

— Vous verrez, le lui promit Rodis, mais comment peut-on consulter ces plans ?

— Je ferai venir l’architecte demain, mais je vais vous montrer tout de suite le chemin souterrain. Il me faut partir pour ne pas éveiller les soupçons en restant trop longtemps avec vous en tête-à-tête… C’est là.

L’ingénieur entra dans la pièce de derrière servant de chambre à coucher, se mit à genoux près d’un mur épais et, prenant la jambe de Rodis, lui fit poser la pointe du pied contre un creux invisible du plancher. D’une pression légère sur le talon, il obligea Rodis à appuyer sur un loquet caché. Les ressorts puissants repoussèrent sur le côté une dalle épaisse et étroite. Une odeur de renfermé provenant du souterrain s’exhala par la fissure verticale. L’ingénieur pénétra dans la nuit noire faisant signe à Rodis de le suivre. Il alluma alors une petite lampe et montra un levier rouillé qui, en pivotant, dissimulait le passage.

— On ne peut l’emprunter que pour l’aller, il faut prendre un autre chemin pour revenir. Rien n’était automatique à cette époque, mais, de toute façon, cela n’aurait pas résisté à l’épreuve du temps.

Ils descendirent un étroit escalier en pierre situé dans l’épaisseur du mur, tournèrent deux fois et commencèrent à monter. Sur la dernière marche du mur, une poignée en forme de faucille dépassait. Rodis la tourna. La lumière lui fit involontairement cligner les yeux. Elle se trouvait dans sa chambre à coucher, mais de l’autre côté.

D’un bond, Tael atteignit l’extrémité de la corniche surmontant la fenêtre, redescendit en souplesse et referma le mur.

— Même si quelqu’un tourne la poignée par inadvertance, le mur restera fermé. Le Tormansien rayonnait comme un petit garçon qui a découvert un trésor.

— Nous vous attendrons demain derrière le mur à la même heure, dit-il. S’il y a un empêchement, envoyez un signal à infra-son par le SVP. Vous recevrez votre nourriture du palais de Tsoam. Ne mangez rien, nous vous apporterons nous-mêmes des vivres. Connaissant vos goûts simples, je ne doute pas que vous trouverez ce que l’on vous donnera mangeable. Mais, aujourd’hui, vous devrez jeûner.

Faï Rodis se contenta de sourire.

— Je dois vous quitter maintenant, dit Tael en prenant la main de Rodis dans l’intention de la porter à ses lèvres. Après lui avoir fait « cadeau » de la mort, elle permettait cette tendresse à l’ingénieur et l’embrassait elle-même parfois sur le front. Mais ce jour-là elle retira doucement sa main et dit :

— Je viens avec vous.

— Comment ? Pourquoi ? Et les « violets » ?

Elle sourit, se dirigea vers la statue du serpent et sortit dans la galerie découverte sous le ciel nocturne, faiblement étoilé.

Les « violets » qui faisaient les cent pas devant l’entrée du cinquième temple, saluèrent Tael qu’ils connaissaient, avec dédain, et ne remarquèrent pas Rodis. Quelques « violets », étaient rassemblés avec leur commandant devant les portes principales. Le commandant surveilla les formalités et exigea le laissez-passer de Tael, sans s’apercevoir que la femme de la Terre marchait à côté de l’ingénieur.

Rodis et Tael sortirent finalement sur la place du monument du Temps tout-puissant. Rodis l’avait vu très vite en passant en voiture et voulait l’examiner de près. Quatre éclairages lançaient une lumière plombée sur le monument.

— Et comment reviendrez-vous ? s’inquiéta Tael.

— Comme je suis sortie.

— Hypnose collective ! approuva l’ingénieur : on l’utilise chez nous pour les confessions publiques : Les biologistes ont fabriqué un appareil spécial en forme de serpent avec combinaison de musique, de mouvement rythmique et d’hypnose causée par la lumière.

— Beaucoup de gens, chez nous, reçoivent ce don particulier. En le renforçant par un entraînement spécial, ils deviennent des médecins, mais moi, je ne suis pas médecin. Pourtant ce don, inutile pour les historiens, s’avère utile de façon imprévue…

On entendit des pas au loin. L’ingénieur disparut derrière le piédestal, mais Rodis se mit à faire lentement le tour du monument ancien, s’efforçant de comprendre les sentiments du peuple de Ian-Iah qui avait vécu là des millénaires auparavant. Quatre silhouettes masculines fondues ensemble aux dimensions gigantesques. Sur le soubassement circulaire était écrit en lettres énormes et dorées : « Au temps tout-puissant ». Le géant de pierre était debout, les jambes écartées. Son visage impassible et inexpressif regardait l’espace découvert où convergeaient les rues étroites de la ville. Il tenait dans ses deux mains un immense bouclier portant une inscription. Un serpent de l’espèce de Tormans à la tête rétrécie sur les côtés, dépassait du bouclier, ses grandes dents venimeuses apparaissaient dans sa gueule ouverte. « Celui qui a peur de la tombe du Temps sera mangé par le serpent éveillé » lisait-on sur le bouclier. Dans la partie droite, dissimulant sous un sourire le sens sibyllin et malfaisant de l’inscription, le Temps, sous sa seconde apparence, laissait voir, sous la main tendue, des personnages flous sortant du piédestal. Dans l’autre partie, le même géant, la bouche énorme ouverte dans un rictus cruel, les narines gonflées, et le nez camus, faisait tournoyer une épaisse massue plantée de clous. Les gens se tordaient en tous sens pour protéger leurs visages et leurs têtes, tombaient à genoux, se tortillaient, ouvrant leurs bouches noircies en un cri inarticulé de souffrance. Là où la massue ne pouvait déjà plus l’atteindre, un cortège était tombé dans un fossé recouvert d’une grille à peine visible.