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— Parents, qui nous avez quitté il y a vingt siècles, l’heure est venue de nous rencontrer à nouveau.

Les Tormansiens répondirent par une rumeur incompréhensible et se regardèrent d’un air d’extrême étonnement. Les dignitaires, décorés de l’emblème du serpent, s’approchèrent à la hâte et invitèrent leurs hôtes à monter dans la grande voiture. Le fonctionnaire le plus âgé tira d’un sac fixé sur sa poitrine une feuille de papier jaune couverte des beaux signes de Ian-Iah. Baissant la tête, il se mit à crier si fort que même les gens qui étaient dans le vaisseau spatial et les Tormansiens qui se tenaient un peu plus loin, derrière les buissons, entendirent ses paroles. Aux premiers mots du dignitaire, les Tormansiens se mirent respectueusement au garde-à-vous et baissèrent tous la tête.

— C’est le Grand et Sage Tchoïo Tchagass qui parle. Voici ce qu’il dit aux arrivants : « Vous êtes arrivés ici sur la planète du Bonheur, de la vie facile et de la mort légère. Dans sa grande bonté, le peuple de Ian-Iah ne vous refuse pas l’hospitalité. Vivez parmi nous, instruisez-vous et parlez de notre sagesse, de notre bonheur, de la juste organisation de notre vie, dans ces abîmes inconnus du ciel, d’où vous êtes venus de façon si inattendue ! »

L’orateur se tut. Les Terriens attendaient la suite du discours, mais le haut fonctionnaire cacha sa feuille de papier, se redressa et fit un geste de la main. Les Tormansiens répondirent par un hurlement retentissant.

Faï Rodis regarda ses compagnons et Tchedi aurait pu jurer que, dans le visage impassible du chef de l’expédition, les yeux verts riaient comme ceux d’un écolier espiègle.

La portière du véhicule s’ouvrit et Rodis s’avança vers la marche qui s’abaissait. Le robot à neuf pattes, autrement dit le fidèle SVP s’empressa de la suivre. L’aîné des dignitaires fit un geste de protestation. Aussitôt, un homme robuste, vêtu de violet, portant un insigne en forme d’œil sur le côté gauche de sa poitrine, surgit derrière lui. Faï Rodis était déjà montée dans la voiture, mais le SVP se cramponnait au bord du marche-pied à l’aide de ses pattes antérieures, lorsque l’homme en violet donna un coup de pied énergique juste sur le revêtement de métal oxydé du robot. Le cri d’avertissement de Rodis qui s’était retournée trop tard mourut sur ses lèvres. Le Tormansien vola dans les airs, et, après avoir décrit un arc, retomba dans le fourré de buissons calcinés. La fureur déforma les visages des gardes. Ils étaient prêts à se jeter sur le SVP et à diriger sur lui les orifices des appareils qu’ils portaient sur la poitrine. Faï Rodis posa la main au-dessus de son robot, abaissa l’écran qui lui protégeait le visage et, pour la première fois, la voix forte de la femme de la Terre retentit sur la planète Ian-Iah sans l’intermédiaire de l’appareil à traduire :

— Attention ! Ce n’est qu’une machine qui sert de soute à bagages, de porteur, de secrétaire et de garde. La machine est tout à fait inoffensive, mais elle est construite de telle sorte qu’une balle tirée sur le robot revient à son point de départ avec la même force, et que ce coup peut provoquer le champ de repoussement, comme cela vient juste de se produire. Aidez votre serviteur à sortir des fourrés, et laissez nos valets mécaniques tranquilles !

Le Tormansien projeté dans les ronces s’y débattait et hurlait rageusement. Les gardes et les deux dignitaires se reculèrent et les sept SVP montèrent dans le véhicule.

Une dernière fois, les Terriens enveloppèrent du regard « La Flamme sombre ». Cette parcelle confortable et sûre de la planète natale, se dressait, solitaire, au milieu de la clairière poussiéreuse, dans une plaine qu’éclairait fortement un astre étranger. Les gens de la Terre savaient que les six qui étaient restés à bord les observaient tout en travaillant, mais l’obscurité régnant dans la trappe et la galerie semblait impénétrable.

Sur un signe d’un dignitaire – « Le porte-serpent », comme l’appela Evisa – les astronavigants s’assirent sur les sièges profonds et moelleux, et la voiture, avec des balancements et des tressautements, s’élança sur la route inégale. Quelque part sous le plancher, les moteurs vrombissaient. Une fine poussière brunâtre se mit à voler et recouvrit la coupole de « La Flamme sombre ». Les tuyères d’un compresseur puissant chassaient la poussière à l’arrière. Les Terriens regardèrent autour d’eux. Les membres de leur escorte, les deux « porte-serpent » en tête, s’étaient installés un peu à l’écart. Ils n’exprimaient ni amitié ni hostilité, pas même une simple curiosité. Toutefois, Rodis surprit une curiosité avide et craintive dans les regards qu’ils leur lançaient à la dérobée. Ainsi, dans un lointain passé, auraient pu se comporter les enfants de la Terre, à qui on ordonnait de ne pas lier connaissance avec des étrangers et de les éviter sous peine de châtiment. L’atterrissage des Terriens avait été tenu secret. La voiture, roulant à un train d’enfer, n’attira pas tout de suite l’attention des piétons de plus en plus nombreux, ni celle des gens qui se trouvaient à l’intérieur de hauts véhicules qui avançaient avec des balancements inquiétants. Mais le bruit de l’arrivée de visiteurs venus de la Terre se répandit, on ne sait comment, dans la ville du Centre de la Sagesse. Au bout de quatre heures terrestres, lorsque les voitures approchèrent de la capitale de la planète, les gens s’étaient déjà massés, nombreux, au bord de la large route. Ils étaient tous jeunes, sans exception, et portaient des tenues de travail de coupe identique, mais de toutes les couleurs possibles. Les plaines sèches et brunes disparurent. La verdure très sombre et très dense des bosquets alternait avec la géométrie rigoureuse des champs cultivés ; de même, les longues rangées de maisons basses alternaient avec les cubes massifs de bâtiments qui étaient manifestement des usines.

Enfin, sous les roues de la voiture se mit à briller, de façon insupportable, le revêtement de glace miroitante de la rue, le même que celui que les astronavigants avaient vu au cours d’émissions de télévision. Au lieu de pénétrer dans la ville, les voitures tournèrent sur une route bordée d’arbres de haute taille aux troncs élancés recouverts d’une écorce olive sombre. De longues branches, faisant penser à un éventail, étaient tournées vers la route et cachaient les arbres voisins, comme le feraient des coulisses. La route s’avançait dans l’ombre, comme dans la profondeur d’une scène, à travers les rangées infinies de décors. Soudain, les arbres-coulisses laissèrent la place à une triple rangée d’arbres de petite taille, semblables à des cônes jaunes dont la base serait renversée vers le haut. Entre ces rangées, à travers les éclaircies triangulaires, sur un fond de ciel mauve sombre apparut le sommet d’une colline parsemée de fleurs bigarrées. Elle dominait la ville. Un rempart bleu de quatre mètres de haut délimitait une surface ovale, à l’intérieur de laquelle s’élevait, dans une sorte d’entrelacs tournés vers le haut, un bosquet épais d’arbres d’un vert argenté, pareils à des sapins. Ce jardin ou ce parc, derrière le parterre bigarré de la clairière, semblait merveilleux après les steppes tourmentées aux couleurs brunes et marron foncé qui s’étendaient sous le ciel d’un mauve profond sur les trois cents kilomètres de distance séparant le vaisseau spatial de la capitale.

Faï Rodis rompit la première le silence et se tournant vers le « porte-serpent » le plus âgé demanda :

— Qu’y a-t-il derrière le bosquet ?

— Les jardins de Tsoam, lui répondit-il en s’inclinant légèrement. C’est là que vivent le Grand Tchoïo Tchagass et ses hauts conseillers, les membres du Conseil des Quatre.

— Ainsi, nous n’allons pas en ville ?