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— Et les vôtres ?

— Je ne peux décider toute seule du destin de mes compagnons, même s’ils ont confiance en moi. Voilà pourquoi, je ne suis pas leur souveraine, au sens où vous l’entendez.

— J’en prends acte – dit Tchoïo Tchagass, redevenant aimable et faisant asseoir Rodis à sa place initiale. Quels sont vos plans pour vous familiariser avec notre planète ?

Faï Rodis exposa le plan qui avait été décidé la veille. Tchoïo Tchagass écouta attentivement, et, à l’étonnement de Rodis, ne formula aucune objection. Il se leva, regarda le globe de cristal, comme plongé dans ses réflexions. Rodis se tut. Tchagass, sans quitter le globe des yeux, donna son accord à tous les voyages de ses invités.

— À la seule condition, dit-il en se tournant soudain vers Faï Rodis, que vous restiez pendant tout ce temps dans les Jardins de Tsoam.

— En qualité d’otage ? demanda Rodis mi-sérieuse, mi-amusée.

— Oh ! Non ! Qu’allez-vous chercher ! Je veux seulement être le premier à connaître notre « berceau », répondit-il ironiquement.

— Vous ne savez vraiment rien à ce sujet ?

Tchoïo Tchagass sursauta légèrement et évita les yeux si clairvoyants.

— Non, bien sûr. Nous venons des Étoiles Blanches, comme nos savants l’ont établi. Et vous êtes tout à fait différents. Vous ne vous voyez pas de l’extérieur et vous ne comprenez pas combien vous êtes différents de nous. Il y a en vous, avant tout, une rapidité prodigieuse de mouvement, de pensée, jointe à une assurance et à une tranquillité intérieure évidentes. Tout cela peut rendre les gens enragés.

— C’est mal. Vous révélez une infériorité cachée au fin fond de vous-même qui est source de cruauté. Lorsque les gens parviennent au pouvoir avec un tel complexe, au lieu d’être un exemple de mérite et de réconfort, ils commencent par répandre autour d’eux aigreur et humiliation qui se propagent comme les ronds dans l’eau.

— Sottises ! C’est votre avis à vous qui avez une mentalité différente de la nôtre…

Faï Rodis se leva si vite que Tchoïo Tchagass, surpris, se ramassa sur lui-même comme un félin. Mais elle se contenta d’effleurer le globe de cristal, intéressée par le chatoiement de ses couleurs particulières.

— Seul sur la Terre, le Japon a su, il y a 5 000 ans, fabriquer ces globes magiques auto-hypnotiques. Les anciens maîtres les façonnèrent dans des cristaux de quartz transparents et naturels. L’axe central optique du cristal est orienté selon l’axe du globe. Deux globes sont nécessaires pour prédire l’avenir : l’un à axe vertical, l’autre horizontal comme votre Tor… votre planète. Où se trouve le second globe ?

— Il est resté chez nos ancêtres, sur les Étoiles Blanches.

— C’est possible, dit Rodis avec indifférence, comme si elle avait perdu tout intérêt à la conversation.

Pour la première fois de sa vie, le Président du Conseil des Quatre ressentit une gêne inhabituelle. Il baissa la tête. Le silence dura quelques minutes.

— Je vais vous présenter ma femme, dit soudain Tchoïo Tchagass, et il disparut sans bruit derrière la tenture verte.

Faï Rodis resta debout, sans quitter le globe du regard, souriant mollement à ses pensées. Brusquement, elle porta la main à sa ceinture et tira un minuscule tube de métal qu’elle posa sur le support du globe magique. Une infime poussière de bois noir apparut à sa surface en quantité suffisante pour être analysée.

Faï Rodis ne soupçonnait pas qu’on la jugeait digne d’un honneur incroyable. La vie privée des membres du Conseil des Quatre était toujours tenue secrète. On considérait que ces surhommes ne devaient pas s’abaisser à des actes aussi communs que le mariage, puisqu’ils pouvaient, à tout instant, prendre pour maîtresse n’importe quelle femme de la planète Ian-Iah. En règle générale, les souverains choisissaient leurs femmes et leurs maîtresses dans le cercle étroit de leurs fidèles.

Tchoïo Tchagass entra silencieusement et soudainement. Telle était apparemment son habitude. Il lança un regard rapide des deux côtés de la pièce, puis regarda son invitée, qui était debout, immobile.

— Ils sont à leur place, dit Rodis doucement, seulement…

— Quoi, seulement ? s’écria Tchoïo Tchagass avec impatience.

Il traversa la salle en deux enjambées et tira un rideau épais qui ne se distinguait en rien de l’étoffe murale. Dans une niche, derrière le rideau, se tenait un homme qui regarda son maître les yeux grands ouverts. Tchoïo Tchagass se mit à crier de colère, mais le garde ne broncha pas.

Tchoïo Tchagass se précipita de l’autre côté. Rodis l’arrêta d’un geste.

— Le second non plus n’a rien remarqué !

— Est-ce une de vos plaisanteries ? demanda le souverain hors de lui.

— Je redoutais de commettre une méprise dans le genre de celle d’hier à propos de la fenêtre, confessa Rodis comme pour s’excuser.

— Et vous pourriez en faire autant avec tout le monde ? Même avec moi ?

— Non. Vous appartenez à cette catégorie – un cinquième en tout – qui résiste à l’hypnose. Il faudrait d’abord briser votre subconscient. D’ailleurs, vous le savez bien… Votre volonté est entraînée et concentrée, votre intelligence est puissante. Vous subjuguez les gens, et pas seulement en utilisant votre renommée, votre influence et l’environnement, bien que vous vous serviez de ces moyens à merveille. Votre salle d’accueil : vous, tout en haut, en pleine lumière et les autres, tous les autres, les serviteurs sans importance, en bas, dans l’obscurité.

— N’est-ce pas bien imaginé ? interrogea Tchoïo Tchagass avec un petit accent de supériorité.

— Ces choses sont connues depuis très longtemps sur la Terre et sont réalisées de façon bien plus grandioses !

— Par exemple ?

— Dans l’ancienne Chine, l’empereur – Le Fils du Ciel – priait chaque année pour la moisson. Il allait du temple à un kiosque particulier en marbre – l’autel – en traversant le parc par une route qu’il était le seul à avoir le droit d’emprunter. La route en montant rejoignait le faîte des arbres du parc. Elle était pavée de dalles de marbres soigneusement posées. L’empereur avançait dans une solitude et dans un silence complets, portant l’offrande dans un vase. Tous ceux qui avaient le malheur de passer en bas, sous les arbres, avaient aussitôt la tête tranchée.

— Hier, j’aurais donc dû vous trancher la tête à tous en signe de grandeur absolue ? Mais, laissons cela. Comment êtes-vous venue à bout de mes gardes ?

— C’est très simple. Ils sont entraînés à agir sans réfléchir et sans se sentir responsables. Aussi, perdent-ils tout esprit d’entreprise, ils s’abêtissent et leur volonté, composant essentiel de stabilité, diminue. Il ne s’agit déjà plus d’individu, mais de bio-machine programmée et il est très facile de changer de programme…

Aussi soudainement que son mari avait coutume de le faire, la femme de Tchoïo Tchagass surgit de derrière le rideau. Elle était d’une beauté inhabituelle pour une Tormansienne. Aussi grande que Faï Rodis, mais plus frêle, elle s’avança avec une souplesse de toute évidence calculée pour faire de l’effet. Ses cheveux aussi noirs que ceux de Rodis, mais mats, étaient coiffés en arrière, dégageant son front haut et lisse, et retombaient sur ses tempes et sa nuque en lourdes ondulations bouclées. Dans l’obscurité, brillaient deux serpents entrecroisés, la gueule ouverte, finement ciselés dans un métal clair aux reflets roses. Un collier du même métal en forme de carrés ouvrés, réunis par des pierres roses à l’éclat du diamant, encerclait son long cou et descendait en quatre pendentifs étincelants, jusque dans le creux de ses seins à peine voilés par les festons de son corsage élastique. Ses épaules étroites et tombantes, ses beaux bras et la majeure partie de son dos étaient nus, ce qui n’était nullement l’usage à Tormans pour les vêtements de tous les jours.