Выбрать главу

— Vous avez raison, Tor. C’est pourquoi, il ne faut même pas envoyer de discoïde. C’est aux Tormansiens à s’en occuper eux-mêmes. Leurs avions aussi peuvent atteindre Kin-Nan-Té, en moins de cinq ou six heures. Je me mets immédiatement en liaison avec Rodis. Je branche le TVP et la machine à mémoire. Utilisez le vidéocanal pour les clichés. Et tenez bon !

Tor Lik transmit aussitôt un panorama circulaire, puis coupa le contact. Il était temps ! Ghen Atal donnait le signal du danger et le troisième SVP barra à nouveau le portail.

Le temps s’écoula, mais la foule avec le même entêtement et la même stupidité se démenait près des frontières délimitées par les colonnes bleues. Ghen Atal regretta de n’avoir pas emporté les batteries d’action psychologique prévues en cas d’attaques d’animaux ; ces batteries auraient calmé les Tormansiens déchaînés, en provoquant chez eux un sentiment de terreur animale. Il aurait fallu installer ici une protection beaucoup plus convenable, mais maintenant, il ne restait plus qu’à attendre. Ils auraient pu anéantir cette foule sauvage, mais une telle pensée ne pouvait même pas venir à l’esprit des Terriens.

Pendant ce temps, dans les Jardins de Tsoam, Faï Rodis expliquait à l’ingénieur Tael ce qui se passait et lui demandait d’envoyer sans tarder un avion à la rescousse des Terriens.

— Seul le Conseil des Quatre peut donner l’ordre de vol, car on manque de combustible.

— Alors, informez immédiatement le Conseil, et mieux encore, le souverain lui-même.

Tael resta indécis.

— Vous comprenez que nous n’avons que très peu de temps ! s’écria Rodis étonnée, alors pourquoi tardez-vous ?

— Il m’est très difficile d’informer le souverain, dit Tael d’une voix rauque, cela irait plus vite si vous-même…

— Que ne l’avez-vous dit plus tôt ! et Faï Rodis se hâta vers les appartements du Président du Conseil des Quatre.

Par bonheur, Tchoïo Tchagass n’était pas sorti ce jour-là. Une demi-heure plus tard, Rodis était conduite dans la salle verte, devenue le lieu de ses rencontres avec le souverain de Tormans.

— J’avais prévu une telle éventualité, dit Tchoïo Tchagass, regardant le cliché pris par l’astronef. C’est pour cela que les autorités locales avaient averti vos explorateurs du risque.

— Mais on ne leur avait pas expliqué à quel point c’était dangereux !

— Les chefs de ces régions ont honte ou, plus exactement, ont peur de parler de ces non-humains. On les appelle « les offenseurs de deux bienfaits ».

— Des deux bienfaits ?

— Oui, bien sûr, celui de la vie longue et celui de la mort douce. Ils ont refusé l’un et l’autre et, pour cette raison, ils devaient être exterminés. Le gouvernement ne peut tolérer qu’on en fasse à sa guise. Mais ils se sont sauvés dans les villes abandonnées et, comme il est difficile de lutter contre eux à cause de l’insuffisance de nos moyens de transport, ils représentent le déshonneur de tous les chefs de régions.

— Nous perdons du temps de façon inadmissible, dit Rodis, les minutes perdues peuvent entraîner la mort de nos camarades. Ils ont beau se défendre avec vigueur, la capacité de leurs batteries est limitée.

Les yeux étroits et impénétrables de Tchoïo Tchagass observèrent attentivement Rodis.

— Vos Neuf pattes possèdent une force meurtrière. Je me souviens de la manière dont ils ont fracassé la porte de ce palais, dit le souverain avec un sourire sarcastique.

— Certainement, chaque SVP possède un rayon tranchant, un infrason destiné à supprimer les obstacles et une décharge à focalisation… Mais, je ne vous comprends pas !

— Une femme aussi fine qui ne peut comprendre qu’au lieu de dépenser de l’énergie pour le champ de protection, il faut supprimer ces misérables !

— Ils ne le feront pas !

— Même si vous le leur ordonnez ?

— Je ne peux donner un ordre aussi immoral. Et même si je tentais de le faire, de toute façon, personne ne l’exécuterait. C’est l’un des principes essentiels de notre société.

— C’est inconcevable ! Comment une société peut-elle exister avec des principes aussi mouvants ?

— Je vous l’expliquerai plus tard, mais maintenant, je vous demande de donner cet ordre sans perdre de temps ! Nous pouvons envoyer notre disconef, mais il n’est pas plus rapide que vos avions de combat et, surtout, nous ignorons comment agir selon vos lois avec cette foule sauvage. Qu’employez-vous dans des cas pareils, une musique apaisante ou le GJT – Gaz de Joie Temporaire ?

— Le Gaz de Joie ! dit Tchoïo Tchagass avec une intonation étrange. Soit ! Quelle est la durée des ressources en énergie de vos gens ? Votre tout-puissant astronef ne peut pas leur envoyer une fusée chargée de batteries ?

Rodis regarda à son bracelet l’indication de l’heure de réception du signal de la ville de Kin-Nan-Té.

— Ils ont une réserve d’environ 7 heures. Quant à faire atterrir une fusée avec précision sans stations correctives, c’est impossible. Nous pourrions tuer nos camarades ! La place sur laquelle ils sont rassemblés est trop petite.

Tchoïo Tchagass se leva.

— Je vois que vous vous préoccupez de leur sort. Au fond, vous n’êtes pas aussi impassible que vous voulez nous le montrer, à nous, habitants de Ian-Iah !

Il manœuvra un petit disque sur la table et se dirigea dans la pièce voisine.

— Je reviens dans une minute !

Un « porte-serpent » grand et maigre, aux yeux enfoncés, aux lèvres fines et à la bouche de grenouille, l’attendait.

— Envoyez deux avions du groupe de réserve à Kin-Nan-Té pour aider nos invités de la Terre, commença le souverain en regardant de haut le fonctionnaire courbé en un salut respectueux. Leur système de protection peut durer encore 7 heures, poursuivit Tchoïo Tchagass, donc, dans 7 heures et demie, il sera trop tard. Vous entendez ! Dans 7 heures et demie !

— J’ai compris, Ô grand ! Le fonctionnaire leva sur le souverain un regard dévoué.

Le « porte-serpent » s’inclina encore plus bas et sortit. Tchoïo Tchagass revint dans la salle verte en se disant : « Voyons s’ils sont aussi naïfs que l’affirme cette Circée… On va faire une expérience en quelque sorte ».

— L’ordre a été donné ! Ici, on exécute mes ordres !

Faï Rodis le remercia du regard, puis, soudain, fut sur ses gardes.

— À quelle expérience pensez-vous ?

— J’aurais voulu vous poser quelques questions, se hâta de dire Tchoïo Tchagass. Continuerez-vous, après avoir reçu cette leçon, à vouloir visiter les régions éloignées de la planète ?

— Non. Nous avons organisé cette excursion parce que nos chercheurs avaient très envie de voir la nature primitive de Ian-Iah.

— Eh bien, ils l’ont vue !

— Le danger n’est pas venu de la nature. « Les offenseurs » sont le produit d’une société humaine, basée sur l’oppression et l’absence d’égalité.

— De quelle égalité parlez-vous ?

— De l’unique, de celle des chances identiques pour tous.

— L’égalité est impossible. Les gens sont si différents que les chances ne sont pas égales.

— Dans le cas d’un éventail de personnes, il existe toujours l’égalité de donner et de recevoir.

— Fiction ! Lorsque les ressources limitées de la planète sont complètement épuisées, tout le monde n’est pas digne de vivre, il s’en faut. On a besoin des gens, mais s’ils n’ont pas d’aptitudes, alors, en quoi sont-ils supérieurs aux vers ?

— Vous ne considérez comme dignes de vivre que ceux qui ont des aptitudes. Mais il y a aussi les simples ouvriers, honnêtes, bons et consciencieux !