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Mais il n'était plus dans le train pour savoir quoi que ce soit de Camille à présent. Il voulait marcher, chercher un hôtel devant la gare. Il reverrait la petite chérie. Une heure. Disons au moins une heure avant de crever.

L'hôtelier lui proposa une chambre avec vue sur les rails. Il dit qu'il s'en foutait, qu'il voulait téléphoner.

— Danglard ? C'est Adamsberg. Vous avez toujours Le Nermord sous la main ? Il ne dort pas ? Très bien. Dites-lui que je n'ai pas l'intention de crever maintenant. Non. Ce n'est pas pour ça que je vous appelle. C'est pour la revue de mode. Lisez la revue de mode, les articles de Delphine Vitruel. Relisez ensuite les bouquins du grand byzantiniste. Vous comprendrez que c'était elle qui écrivait ses bouquins. Elle seule. Lui ne faisait que rassembler la documentation. Grâce à son amant herbivore, Delphine allait sortir tôt ou tard de l'esclavage, Le Nermord le savait bien. Elle allait finir par oser parler. Alors tout le monde allait savoir que le grand byzantiniste n'avait jamais existé, et que celle qui pensait et écrivait à sa place, c'était sa femme. Tout le monde allait savoir qu'il n'était rien, qu'un tyran piteux, qu'un rat. C'était ça, Danglard, son mobile, et pas autre chose. Dites-lui que ça n'a servi à rien qu'il tue Delphie. Et qu'il en crève.

— Pourquoi tant de haine ? demanda Danglard. Où êtes-vous ?

— Je suis à Lille. Et je ne suis pas gai. Pas gai du tout, mon vieux. Mais ça va passer. Ça va passer, j'en suis certain. Vous verrez. À demain, Danglard.

Camille fumait dans le couloir, les mains empêtrées dans les manches de la veste de Jean-Baptiste. Elle ne voulait pas voir le paysage. Dans quelque temps, elle sortirait de France. Elle essaierait d'être calme. Après la frontière.

Allongé sur le lit de la chambre d'hôtel dans le noir, Adamsberg attendait de s'endormir, les mains sous la nuque. Il ralluma la lampe, sortit son calepin de sa poche arrière. Ce calepin, il n'avait pas l'impression que ça l'avançait à grand-chose. Mais enfin.

Avec un crayon, il écrivit : « Je suis couché à Lille. J'ai perdu ma veste. »

Il s'arrêta, réfléchit. C'est vrai qu'il était couché à Lille. Puis il ajouta :

« Je ne dors pas.

« Alors, longtemps dans le lit, je pense à ma vie. »

FIN

27/02/2003