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Louis Pauwels et Jacques Bergier

L'HOMME ÉTERNEL

Embellissement de la vie – 1

Éditions Gallimard, 1 970

Il y a dix ans paraissait Le Matin des magiciens, Introduction au réalisme fantastique, premier ouvrage dû à la collaboration de Louis Pauwels et de Jacques Bergier. Devant le retentissement considérable de cet ouvrage, ses auteurs décidèrent de publier de nouvelles recherches sur l'homme, son passé, son espace intérieur.

Ainsi naquit L'Homme éternel, premier volume d'une série qui constituera, dit Louis Pauwels, un « Manuel d'embellissement de la vie ».

« Les esprits sont comme les parachutes : ils ne fonctionnent que lorsqu'ils sont ouverts », dit encore Pauwels. En prenant soin de nous rappeler que leur patrie est la poésie, les auteurs nous proposent une méthode d'ouverture : celle du réalisme fantastique. Ils ne prétendent pas qu'elle est la seule valable. Ils pensent seulement qu'elle est très utile pour nous rendre le sens du merveilleux et nous inviter à aborder avec du rêve, de l'optimisme et du défi le vaste domaine des sciences humaines.

Ce premier tome, L'Homme éternel, est un « voyage d'agrément » dans le lointain passé. La remise en cause de l'évolution ; les cataclysmes ; la dérive des continents ; une étude de Paul-Émile Victor sur l'énigme des cartes de Pirî Reis ; le langage et l'écriture de la préhistoire et des primitifs : l'unique hypothèse sur une visite d'extra-terrestres ; l'art métaphysique des cavernes ; les mystères de l'Australie et de la Nouvelle-Guinée ; les énigmes d'Amérique du Sud ; la technique et la science des Anciens ; les ingénieurs de l'Antiquité ; le Celtisme ; les fouilles en Turquie, etc., tels sont quelques-uns des sujets traités dans ce volume d'une encyclopédie d'un nouveau style, accompagnée d'une bibliographie qui « donne des biscuits pour continuer la chevauchée sauvage ».

Jacques Bergier, né en 1912, ingénieur chimiste, licencié ès sciences, a fait des études de physique nucléaire qui lui ont permis de jouer un rôle d'une particulière importance dans la Résistance. Il fut arrêté et déporté à Mautthausen.

Louis Pauwels, né en 1920, a été, au lendemain de la guerre, animateur d'un organisme de culture populaire, Travail et Culture.

Il fut ensuite journaliste : rédacteur en chef de Combat, de Arts, éditorialiste de Paris-Presse. En 1961, il fonda la revue Planète dont le succès fut immédiat. Il a accompli en même temps son œuvre d'écrivain : Saint Quelqu'un, Le Château du dessous, Monsieur Gurdjieff, L'Amour monstre, La Confession impardonnable, Lettre ouverte aux gens heureux, etc.

À l'âme immortelle

de Victor Hugo

PREMIÈRE PARTIE

Un voyage d'agrément

dans l'éternité

PRÉFACE

Notre civilisation, comme toute civilisation, est une conjuration. Quantité de minuscules divinités, dont le pouvoir ne vient que de notre consentement à ne pas les contester, détournent nos regards de la face fantastique de la réalité. La conjuration s'emploie à nous faire méconnaître qu'il y a un autre monde dans celui que nous habitons, un autre homme dans celui que nous sommes. Il faudrait briser le pacte, se faire barbare. Et d'abord être réaliste. C'est-à-dire partir du principe que la réalité est inconnue. En usant librement des connaissances à notre disposition ; en établissant entre celles-ci des rapports inattendus ; en accueillant les faits sans préjugés anciens ni modernes ; en nous conduisant, somme toute, parmi les produits du savoir, comme un esprit étranger, ignorant les usages établis, et qui cherche à comprendre, nous verrions à chaque instant surgir le fantastique en même temps que la réalité.

Cette attitude, au fond, est celle de la science, laquelle n'est pas uniquement ce que la tradition universitaire du XIXe siècle a fini par imposer, sous couvert de rationalisme, mais bien tout ce que notre esprit peut prospecter, aussi bien à l'extérieur qu'en nous-mêmes, sans dédaigner l'inhabituel, sans exclure ce qui paraît échapper aux normes. Il nous est impossible de prévoir exactement ce que sera la connaissance plus tard et si elle ne fera pas appel à des concepts que nous négligeons et dont nos descendants auront découvert l'importance et le rôle caché en nos personnes comme dans l'univers que nous interrogerons alors.

Les esprits sont comme les parachutes : ils ne fonctionnent que lorsqu'ils sont ouverts. Tout notre dessein est de provoquer une ouverture maxima, notamment pour aborder les domaines des sciences humaines, où la conjuration est le plus resserré. On se trouve alors déposé dans un monde tout aussi merveilleux, souple et vaste, que celui du physicien, de l'astronome ou du mathématicien. Il y a continuité. C'est un bonheur. L'homme, son passé, son avenir, tout cela aussi cache de l'invisible complexe, parle d'infini, chante la musique des sphères. Ceux qui étouffent, s'ennuient, se désespèrent, au sein de tant d'étrangetés sublimes et d'énigmes rayonnantes, que leur cœur est ignorant, que leur intelligence manque d'amour ! Ah ! le monde est si beau, dit un héros de Claudel, qu'il faudrait poster ici quelqu'un qui soit capable de ne pas dormir !

Naturellement, notre façon de faire ne va pas sans périls et inconvénients que nos insuffisances aggravent sans doute. On soulève quantité d'hypothèses hasardeuses, on brasse une poussière de faits maudits, on fouille dans un fatras d'erreurs et de songes. Cependant, il arrive que des directions insoupçonnées jusqu'alors, et d'une réelle utilité, s'établissent à partir de repères douteux. Et, quoique nous ayons travaillé avec tout le soin et le sérieux dont nous étions capables, l'essentiel, à nos yeux, est de témoigner de cette attitude d'ouverture. L'essentiel est dans le désir d'une vision élargie, dans l'amour pour les réalités fantastiques qui montrent l'entêtement de l'homme et du monde à être avec plénitude. Paraphrasant le baron de Gleichen, nous pouvons dire : le penchant pour le merveilleux, inné à tous les hommes, notre goût particulier pour les impossibilités, notre mépris pour ce que l'on sait, notre respect pour ce que l'on ignore, voilà nos mobiles.

Nous sommes des gens modestes. Cependant, il nous paraît légitime de présenter cette œuvre mal léchée comme un Manuel d'Embellissement de la Vie. Le bon lecteur, découvrant l'usage de ce Manuel, découvrira du même coup, même s'il manquait avant d'allégresse naturelle, qu'il est important d'exister. Que c'est exaltant aussi, dès lors qu'on a la curiosité éveillée. Et que l'exercice de la curiosité change la vie en aventure poétique.

Un de mes amis, qui est fabricant d'absolu, exerce sa profession dans une grande propriété du midi de la France. L'absolu est l'essence extrêmement concentrée d'une fleur, qui entre dans la composition de divers parfums. Mon ami distille de l'absolu de jasmin. De nature bienveillante et artiste, il a dessiné pour ses visiteurs un parc dont les allées sont des tapis de plantes qu'on écrase à mesure de la promenade, soulevant ainsi des vagues d'odeurs hiérarchisées. Des parterres de fleurs épousent l'ombre des arbres. Aux haltes sont déposés des seaux à champagne dont la glace est renouvelée par les jardiniers. Nous voudrions que ce Manuel fasse de votre vie d'esprit un voyage à travers les temps humains, passés et à venir, qui parfois ressemble à une marche dans ce parc et évoque la présence d'un hôte fabricant d'absolu et d'enchantements.