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— C’est tout ce que je peux faire, com’ii. C’est un mauvais endroit.

— Seigneur Damon, vous avez été formé à la tour. J’ai vu la leronis guérir de pires blessures avec sa pierre précieuse. Ne pouvez-vous essayer ?

— Oh ! Dieux, murmura Damon. Je n’ai ni l’habileté ni la force… c’est un travail délicat. J’arrêterais peut-être son cœur, je pourrais le tuer.

— Essayez quand même, supplia Eduin. Il mourra de toute façon, dans quelques minutes, si vous n’arrivez pas à arrêter le sang.

Damon avait envie de tempêter. Non, bon sang, laissez-moi tranquille, j’ai fait ce que j’ai pu !…

Oui, mais Caradoc ne s’est pas enfui devant les hommes-chats. Il a probablement sauvé la vie d’Esteban. Grâce à lui, Ellemir n’est pas encore orpheline. Est-il encore en vie ? Je n’ai même pas eu une seconde pour voir !

— Je vais essayer, dit-il à contrecœur. Mais n’espérez pas trop. Il y a peu de chance.

D’une main tremblante, il sortit la pierre-étoile. Voilà qu’il me faut faire le travail d’une sorcière, pensa-t-il avec amertume. Leonie l’a dit, si j’avais été une femme, je serais devenu gardienne…

Il fixa la pierre bleue et parvint avec effort à contrôler les champs magnétiques. Lentement, lentement, il dirigea ses pensées vers le niveau moléculaire, puis plus bas, prudemment, encore plus bas, discernant les globules qui palpitaient, le cœur affolé… attention, attention… Momentanément, son esprit se fondit avec celui de l’homme inconscient… un léger remous de peur, de douleur, une faiblesse grandissant avec l’épanchement du liquide précieux… plus bas, encore plus bas, dans les cellules, dans les molécules… l’artère ouverte, affaiblie, le flot de sang, la pression…

De la pression, maintenant, directement sur la veine rompue… de la force télékinésique pour tenir le tout ensemble, ensemble… tisser les cellules, attention, ne pas arrêter le cœur, doucement… Il savait qu’il n’avait pas bougé un muscle, mais il avait l’impression que ses mains étaient dans le corps de l’homme et étreignaient l’artère. Il savait que c’était de l’énergie pure qu’il maintenait contre le flot de sang…

Enfin, avec un long soupir, il rompit le contact.

— Je crois que le sang s’est arrêté, chuchota Eduin. Damon acquiesça.

— Ne le déplacez pas avant une ou deux heures, dit-il d’une voix rauque. Pas avant que la suture ne soit assez solide pour tenir toute seule. Et mettez des sacs de sable autour de lui pour l’empêcher de bouger accidentellement.

Une fois que l’écoulement de sang avait cessé, la blessure était peu de chose.

— Mauvais endroit, mais cela aurait pu être pire. Un pouce de plus de ce côté et il aurait fallu le castrer. Empêchez-le de bouger, à présent, et tout ira bien. Mais enfin, mon vieux, relevez-vous ! Qu’est-ce que vous…

Eduin était tombé à genoux. Il prononça la phrase rituelle.

— Je vous dois une vie, vai dom

— Il se peut que tôt ou tard, nous ayons besoin de braves hommes comme vous deux, dit Damon avec brusquerie. Gardez votre vie pour ça ! Et maintenant, bon Dieu, si vous n’allez pas immédiatement vous chercher de la nourriture et vous reposer, je vais vous assommer et m’asseoir sur vous. Allez, teniente – c’est un ordre !

— Dom Istvan…, murmura Eduin d’une voix vacillante.

— Je vais m’en occuper. Allez faire soigner votre blessure, ordonna Damon.

Il regarda autour de lui. Ellemir supervisait toujours l’installation des lits et des couvertures pour les blessés, et l’apport de nourriture pour les moins malades. La guérisseuse était encore assise au côté de Dom Esteban. Damon se dirigea lentement vers elle et remarqua, comme si son corps appartenait à quelqu’un d’autre, qu’il titubait en marchant. Je n’ai plus l’habitude de ce genre de travail, bon sang.

La guérisseuse entendit la question de Damon et leva la tête.

— Il dort. Il ne répondra à aucune question aujourd’hui. Le coup a manqué les reins d’un cheveu. Mais je pense que les nerfs de la colonne vertébrale sont touchés. Il n’arrive pas à bouger les jambes, pas même un orteil. Cela pourrait être le choc, mais j’ai peur que ce ne soit plus sérieux. Quand il se réveillera… ma foi, il sera en parfait état, ou alors il sera mort de la ceinture aux pieds pour le restant de ses jours. Les blessures de la colonne vertébrale ne guérissent pas.

Damon s’éloigna de la guérisseuse dans le plus profond étourdissement et secoua lentement la tête. Pas mort, non. Mais s’il était, en effet, paralysé de la taille aux pieds, autant valait être mort. Dom Esteban aurait probablement préféré l’être. Damon n’enviait pas la personne qui serait chargée d’annoncer au formidable vieillard que le sauvetage de sa fille devrait reposer entre d’autres mains.

Quelles mains ? Les miennes ? Damon réalisa avec stupeur que depuis qu’il savait que Dom Esteban était en vie, il avait espéré que son oncle – qui, après tout, était le père de Callista, son parent le plus proche, donc tenu par l’honneur de venger tout mal ou déshonneur survenu à sa fille – serait capable de prendre la relève pour mener à bien cette mission effrayante. Ce n’était malheureusement pas le cas.

Cela dépendait encore de lui… et du Terrien, Andrew Carr.

Il fit demi-tour résolument et quitta la grande salle pour partir à la recherche d’Andrew.

7

Qu’est-ce que c’est que ce monde ! Des épées, des couteaux, des bandits, des batailles, des enlèvements ! Andrew avait vu les soldats blessés et s’était vite rendu compte qu’il était de trop et que ses hôtes n’avaient pas le temps de s’occuper de lui. Il était retourné à sa chambre. Il se sentait gêné de n’avoir pas offert ses services, mais il y avait tellement de gens qui semblaient savoir quoi faire, qu’il avait décidé qu’il se rendrait plus utile en se tenant à l’écart.

Qu’allait-il se passer, à présent ? D’après les propos des domestiques – la plus grande partie en un dialecte qu’il n’avait suivi qu’avec peine – il avait compris qu’il s’agissait du seigneur de ces terres : le père d’Ellemir. Maintenant que le chef de famille était de retour, est-ce que Damon aurait toujours la charge du sauvetage de Callista ?

Sa pensée le ramenait toujours à Callista. À ce moment précis, il la vit debout devant son lit, comme si ses pensées l’avaient attirée – c’était peut-être le cas : elle semblait croire qu’il y avait entre eux un lien de cette espèce.

— Vous voilà donc sauf, Andrew, sain et sauf. Est-ce que mes parents ont été aimables avec vous ?

— Ils ont été on ne peut plus hospitaliers. Mais si vous pouvez venir dans la maison, pourquoi ne peuvent-ils pas vous voir ?

— J’aimerais tellement le savoir ! Je ne les vois pas, je ne perçois pas leurs pensées. C’est comme si la maison était vide, sans une âme… comme si j’étais un fantôme hantant ma propre maison !

Elle se mit à sangloter.