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— Pardon ?

— C’est moi qui l’ai postée.

— Que voulez-vous dire ? Que vous avez écrit cette carte postale ?

— Ah non ! Moi je l’ai seulement mise dans la boîte aux lettres !

— Mais qui l’a écrite ?

— C’est Myriam. Peu de temps avant de mourir. Quelques jours peut-être. J’ai dû l’aider un peu, lui tenir la main… elle avait du mal à former les lettres à la fin.

— Vous pouvez m’expliquer exactement ce qui s’est passé ?

— Votre grand-mère avait souvent envie de mettre ses souvenirs par écrit. Mais, avec sa maladie, tout était difficile. Elle écrivait des choses que j’avais du mal à déchiffrer. Il y avait du français, du russe, de l’hébreu. Toutes les langues qu’elle avait apprises dans sa vie, tout était mélangé dans sa tête, vous voyez ? Et puis un jour, elle attrape une carte postale de sa collection – vous savez, sa collection de cartes postales avec des monuments historiques.

— Comme l’oncle Boris…

— Oui, ce nom me dit quelque chose… elle a dû m’en parler. Et donc elle me demande de l’aider à écrire ces quatre prénoms. Elle tenait absolument, je m’en souviens très bien, à utiliser un stylo à bille. Elle avait peur qu’avec l’encre, les mots ne s’effacent. Ensuite elle m’a dit : « Quand j’irai vivre chez ma fille, vous m’enverrez la carte postale. Vous me promettez ? — Promis », je lui réponds. Et je prends la carte postale que je mets chez moi, dans mes papiers personnels.

— Et ensuite ?

— Elle n’est jamais allée vivre chez votre mère comme elle l’espérait. Elle est morte ici à Céreste. Je n’ai plus repensé à la carte, je dois bien avouer. Elle est restée bien rangée chez moi, dans mes papiers. Et puis, quelques années plus tard, je passe les fêtes de Noël à Paris, avec mon mari. C’était l’hiver 2002.

— Oui, janvier 2003.

— Tout à fait. J’avais emporté avec moi la chemise cartonnée dans laquelle j’avais rangé tous mes papiers pour le voyage, les cartes d’identité, les réservations de l’hôtel… Et puis pendant notre séjour à Paris, je retrouve, glissée dans le rabat de la chemise, la carte postale. C’était le dernier jour, juste avant de rentrer à Céreste.

— Un samedi matin.

— Voilà. J’ai dit à mon mari : il faut absolument que j’envoie cette carte, Myriam y tenait, j’avais fait une promesse. Et puis, je ne sais pas, je n’avais pas envie de rentrer à Céreste avec cette carte. À côté de notre hôtel, il y avait une grande poste.

— La poste du Louvre.

— Exactement. C’est là que je l’ai postée.

— Vous vous souvenez que vous avez mis le timbre à l’envers ?

— Pas du tout. Il faisait un froid de canard et mon mari m’attendait dans la voiture, je n’ai pas dû faire attention. Ensuite nous avons filé à l’aéroport où notre avion n’a pas pu décoller.

— Vous auriez pu mettre la carte dans une enveloppe, avec un petit mot, pour nous expliquer ! Cela nous aurait épargné tous ces mystères…

— Je sais bien, mais comme je vous le disais, nous étions en retard, il y avait une tempête de neige, mon mari pestait dans la voiture, je n’avais pas d’enveloppe sous la main…

— Mais pourquoi Myriam voulait-elle s’envoyer cette carte postale à elle-même ?

— Parce que, se sachant condamnée à perdre la mémoire, elle m’avait dit : « Il ne faut pas que je les oublie, sinon il n’y aura plus personne pour se souvenir qu’ils ont existé. »

Ce livre n’aurait pas pu être écrit sans les recherches de ma mère. Ni sans ses propres écrits. Il est donc aussi le sien.

Ce livre est dédié à Grégoire,

et à tous les descendants de la famille Rabinovitch.

Merci à mon éditrice Martine Saada.

Merci à Gérard Rambert, Mireille Sidoine, Karine et Claude Chabaud, Hélène Hautval, Nathalie Zajde et Tobie Nathan, Haïm Korsia, Duluc Détective, Stéphane Simon, Jesus Bartolome, Viviane Bloch, Marc Betton.

Merci à Pierre Bérest et Laurent Joly, pour leurs regards et leurs conseils.

Merci à tous les lecteurs qui ont accompagné ce livre, Agnès, Alexandra, Anny, Armelle, Bénédicte, Cécile, Claire, Gillian-Joy, Grégoire, Julia, Lélia, Marion, Olivier, Priscille, Sophie, Xavier. Merci à Émilie, Isabel, Rebecca, Rhizlaine, Roxana.

Et Julien Boivent.

Collection littéraire dirigée par

MARTINE SAADA

Anne Berest, Les Patriarches

Anne Berest, Recherche femme parfaite

Anne Brochet, La fille et le rouge

Pascal Convert, La Constellation du Lion

Bernard Comment, Neptune Avenue

Delphine Coulin, Les Traces

Delphine Coulin, Une seconde de plus

Delphine Coulin, Voir du pays

Delphine Coulin, Une fille dans la jungle

Delphine Coulin, Loin, à l’ouest

Christophe Duchatelet, Par-dessus ton épaule

Ghislaine Dunant, Un effondrement

Ghislaine Dunant, Charlotte Delbo

Jean-Yves Jouannais, Les Barrages de sable

Jean-Yves Jouannais, La Bibliothèque de Hans Reiter

Jean-Yves Jouannais, MOAB

Hélène Lenoir, Tilleul

Hélène Lenoir, Demi-tour

Pierre Lepape, La Disparition de Sorel

Michel Manière, Une femme distraite

Michel Manière, Une maison dans la nuit

Pascal Quignard, Les Ombres errantes

Pascal Quignard, Sur le jadis

Pascal Quignard, Abîmes

Pascal Quignard, Les Paradisiaques

Pascal Quignard, Sordissimes

Pascal Quignard, Les Désarçonnés

Pascal Quignard, Mourir de penser

Pascal Quignard, Les Larmes

Pascal Quignard, Dans ce jardin qu’on aimait

Pascal Quignard, L’enfant d’Ingolstadt

Pascal Quignard, L’homme aux trois lettres

Michel Schneider, Marilyn dernières séances

Michel Schneider, Morts imaginaires

Thierry Thomas, Hugo Pratt, trait pour trait

Serge Toubiana, Les Fantômes du souvenir

Jacques Tournier, À l’intérieur du chien

Jacques Tournier, Le Marché d’Aligre

Jacques Tournier, Zelda

Alain Veinstein, La Partition

Alain Veinstein, Cent quarante signes

DE LA MÊME AUTEURE

La Fille de son père, Seuil, 2010.

Les Patriarches, Grasset, 2012.

Sagan 1954, Stock, 2014.

Recherche femme parfaite, Grasset, 2016.

Gabriële, coécrit avec Claire Berest, Stock, 2017.

La Visite, Les filles de nos filles, Actes Sud-Papiers, 2020. (Théâtre)