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— Bienvenue à bord du vaisseau Hébrides, messieurs. L’amiral Nashita vous fait ses compliments et vous prie de le rejoindre dans la salle de commandement des opérations. Si vous voulez bien me suivre, c’est par ici.

Faisant volte-face, le jeune enseigne saisit un barreau et s’éleva dans un puits étroit. Nous le suivîmes tant bien que mal. Hunt luttait pour ne pas laisser tomber sa mallette, et moi pour ne pas me faire écraser les doigts par ses talons. Ce n’est qu’après avoir parcouru quelques mètres que je me rendis compte que la gravité était largement inférieure à 1 g standard. Ce n’était pas, en fait, de la gravité, mais plutôt la sensation d’être poussé vers le « bas » par une multitude de petites mains tenaces. Je savais que les vaisseaux spatiaux utilisaient des champs de confinement de première catégorie pour simuler la pesanteur à bord, mais c’était la première fois que j’en faisais directement l’expérience. Ce n’était pas une sensation particulièrement agréable. La poussée continuelle évoquait un vent violent contre lequel il fallait rentrer les épaules. Cela s’ajoutait à l’impression de confinement produite par l’étroitesse des corridors et des portes ovales ainsi que par les parois et les plafonds encombrés de câbles et de canalisations.

Le vaisseau Hébrides appartenait à la catégorie C3, celle des vaisseaux de Communication, de Contrôle et de Commandement. La salle de commandement des opérations était son cœur et son cerveau, mais ce n’étaient pas un cœur et un cerveau bien impressionnants. Le jeune enseigne nous fit franchir trois portes étanches puis passer, dans un nouveau corridor, entre des marines en faction. Il nous laissa dans une salle qui devait faire vingt mètres carrés au plus, mais qui était tellement bruyante et tellement pleine de monde et de matériel que l’instinct commandait la fuite afin de respirer un peu d’air.

Pas d’écrans géants dans cette salle, mais des douzaines de jeunes officiers de la Force penchés sur des diagrammes incompréhensibles, assis bardés de connexions stimsims ou bien debout devant des panneaux pulsants qui semblaient sortir des six faces de la salle. Tous, hommes et femmes, étaient sanglés dans leurs fauteuils et dans leurs berceaux sensoriels, à l’exception de quelques officiers qui ressemblaient plus à des bureaucrates accablés qu’à des guerriers burinés et qui se déplaçaient sans arrêt, donnant des tapes dans le dos de leurs subordonnés, aboyant des demandes d’informations, connectant leurs implants aux différents pupitres. L’un d’eux se dirigea vers nous en nous apercevant, nous dévisagea l’un après l’autre et me salua finalement en disant :

— H. Hunt ?

Je fis un signe de tête en direction de mon compagnon.

— H. Hunt, fit le jeune commandant bedonnant, l’amiral Nashita va vous recevoir immédiatement.

Le commandant en chef des forces de l’Hégémonie dans le système d’Hypérion était un petit homme aux cheveux blancs coupés court, à la peau beaucoup moins ridée que n’aurait pu le faire supposer son âge et à l’expression sévère qui semblait gravée une fois pour toutes sur son visage. Il portait un uniforme noir à col haut sans aucun signe de grade à l’exception d’une naine rouge sur le côté du col. Ses mains étaient courtes et d’aspect puissant, mais les ongles étaient soigneusement manucurés. Il trônait sur une petite estrade pleine de matériel et de panneaux d’affichage au repos. Une activité efficace et frénétique semblait jaillir de cet homme comme un torrent de chaque côté d’un roc inébranlable.

— Vous êtes l’envoyé de Gladstone, dit-il à Hunt. Qui est cette personne ?

— Mon collaborateur, déclara Leigh Hunt.

Je résistai à l’impulsion de hausser un sourcil.

— Que voulez-vous ? demanda Nashita. Comme vous le voyez, nous sommes très occupés.

Leigh Hunt hocha la tête et jeta un regard autour de lui.

— Je vous apporte quelques documents, amiral. Y a-t-il un endroit où nous pourrions avoir un entretien privé ?

L’amiral émit un grognement et passa la main sur un rhéosenseur. L’atmosphère autour de moi devint plus dense, formant une brume semi-solide tandis que le champ de confinement se matérialisait. Les bruits du centre de commandement disparurent. Nous nous retrouvâmes tous les trois dans un igloo de silence.

— Faites vite, demanda l’amiral Nashita.

Hunt ouvrit la mallette et en sortit une petite enveloppe portant au dos le sceau de la Maison du Gouvernement.

— Message personnel de la Présidente, déclara Hunt. Vous en prendrez connaissance quand vous voudrez, amiral.

Nashita mit l’enveloppe de côté avec un grognement. Hunt posa une deuxième enveloppe, plus grosse, sur le bureau.

— Voici un exemplaire de la motion votée par le Sénat concernant la poursuite de ces… euh… ces opérations militaires. Comme vous le savez, la volonté du Sénat est que vous procédiez à une rapide démonstration de force pour atteindre un objectif limité, avec aussi peu de pertes que possible en vies humaines, suivie de l’offre habituelle d’assistance et de protection à notre nouvelle… acquisition coloniale.

L’expression bourrue de Nashita fut troublée par un tressaillement rapide. Il ne fit aucun geste pour prendre ou lire le document exprimant la volonté du Sénat.

— C’est tout ? demanda-t-il.

Hunt prit son temps pour répondre.

— C’est tout, à moins que vous ne souhaitiez me faire transmettre un message personnel de votre part à la Présidente, amiral.

Le regard de Nashita était perdu dans le vague. Il n’y avait aucune hostilité active dans ses petits yeux noirs à part une impatience qui ne s’éteindrait, supposais-je, que le jour où la mort les éteindrait.

— J’ai déjà un accès privé à la Maison du Gouvernement par mégatrans, merci, fit l’amiral. Il n’y a pas de réponse pour le moment. Si vous voulez bien regagner le noyau distrans du vaisseau, je vais poursuivre les opérations militaires.

Le champ de confinement qui nous entourait s’affaissa, et le bruit revint comme l’eau par-dessus un barrage de glace en train de fondre.

— Autre chose, fit Hunt, dont la voix tranquille était presque noyée par le technobabillage du centre de commandement.

L’amiral Nashita fit pivoter son fauteuil et attendit.

— Nous voudrions descendre sur la planète. À la surface d’Hypérion.

L’expression de Nashita se renfrogna de plus belle.

— Personne à la Maison du Gouvernement ne nous a demandé de préparer un vaisseau de descente.

— Le gouverneur général Lane a été prévenu de notre éventuelle visite, répliqua Hunt sans sourciller.

Nashita jeta un coup d’œil à ses écrans, fit claquer ses doigts et aboya un ordre à l’intention d’un marine qui accourut.

— Il faudra vous dépêcher, dit-il à Hunt. Nous avons un courrier sur le départ à la porte 20. Le major Inverness va vous montrer le chemin. Votre retour se fera à bord du portier principal. Notre vaisseau quitte ce secteur dans vingt-trois minutes.

Hunt acquiesça et suivit le major. Je leur emboîtai le pas. La voix de l’amiral nous arrêta.

— H. Hunt, vous voudrez bien dire de ma part à la Présidente que le vaisseau amiral sera désormais trop occupé pour recevoir à son bord des visites de politiciens.

L’amiral se tourna de nouveau vers ses écrans et vers une file de subordonnés qui attendaient. Je suivis Hunt et le major dans le dédale des corridors.

— Il devrait y avoir des hublots.