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Il se pencha en avant, en me regardant d’un air suppliant.

— Je ne sais pas, dis-je. Je voudrais aider les Weintraub. Je pense que vous pourriez faire quelque chose si vous vous rendiez sur les lieux avec votre équipe. Savez-vous à quel moment les tombeaux vont s’ouvrir ?

Le physicien spécialiste du temps fit un geste de frustration.

— Si seulement nous avions des informations récentes ! Soupira-t-il. Non, je ne peux pas vous répondre. Ils sont peut-être déjà ouverts, ou bien ils s’ouvriront dans six mois.

— Quand vous dites « ouverts », vous ne voulez pas dire physiquement ?

— Bien sûr que non. Les Tombeaux du Temps sont physiquement accessibles depuis quatre siècles, et ils ont été inspectés de fond en comble. Quand ils s’ouvriront, ce sera comme si on écartait une tenture temporelle qui en dissimule certains aspects. Le complexe tout entier entrera en phase avec le flot du temps local.

— Et par « local », vous entendez… ?

— Je veux parler de l’univers où nous sommes, naturellement.

— Vous êtes certain que les Tombeaux du Temps se déplacent à reculons dans le temps, et qu’ils viennent de notre propre avenir ?

— Qu’ils se déplacent à reculons dans le temps, oui. Qu’ils viennent de notre avenir, nous n’en sommes pas certains. Nous ne savons même pas ce que signifie « avenir » en termes physico-temporels. Ce pourrait être une série de probabilités en ondes sinusoïdales, ou une branche de décision mégaverse, ou encore…

— De toute manière, les Tombeaux du Temps et le gritche en viennent ?

— Les Tombeaux du Temps, j’en suis sûr. Mais je ne suis absolument pas compétent pour vous parler du gritche. Si vous voulez mon opinion, il s’agit d’un mythe nourri des mêmes superstitions que les vérités absolues formant la base des religions habituelles.

— Même après ce qui est arrivé à Rachel, vous ne croyez pas au gritche ?

Il me jeta un regard noir.

— Rachel a attrapé la maladie de Merlin. Il s’agit d’un trouble anentropique du vieillissement, et non de la morsure d’un monstre mythique.

— La morsure du temps n’a rien de mythique, répliquai-je, moi-même surpris de lui sortir cette vérité philosophique à bon marché. La question est de savoir si le gritche ou je ne sais quelle autre puissance habitant les Tombeaux du Temps acceptera de réintégrer Rachel dans le flot « local » du temps.

Arundez hocha la tête et se tourna de nouveau vers les toits. Le soleil était maintenant caché par les nuages, et la matinée était grise. Les tuiles rouges avaient moins d’éclat. La pluie se mit à tomber.

— Le problème est aussi de savoir, repris-je en me surprenant une seconde fois, si vous êtes toujours amoureux d’elle.

Il tourna lentement la tête pour me fixer d’un regard furieux. Je sentis la réplique – peut-être physique – monter en lui, atteindre un sommet, puis redescendre. Il plongea la main dans une poche de sa veste et la ressortit avec un holo d’une femme souriante, aux cheveux grisonnants, et de deux enfants d’un peu moins de vingt ans.

— Ma famille, me dit-il. Ils m’attendent sur le vecteur Renaissance. Si Rachel devait… devait guérir aujourd’hui, ajouta-t-il en pointant un doigt épais sur moi, j’aurais quatre-vingt-deux ans standard avant qu’elle n’atteigne l’âge auquel je l’ai rencontrée pour la première fois. Mais vous avez raison, ajouta-t-il en abaissant son doigt pour remettre l’instantané holo dans sa poche. Je suis toujours amoureux d’elle.

— Vous êtes prêt ? demanda quelques instants plus tard la voix de Hunt, sur le seuil, rompant le silence qui s’était établi durant quelques instants. Notre vaisseau repart dans dix minutes.

Je me levai et serrai la main d’Arundez.

— Je ferai mon possible, murmurai-je.

Le gouverneur général nous fit raccompagner au port spatial par l’un des deux glisseurs de son escorte tandis qu’il regagnait son consulat. L’engin militaire n’était pas plus confortable que le sien, mais il était plus rapide. Une fois notre harnais en place, Hunt me demanda :

— Qu’est-ce que vous êtes allé faire avec ce physicien ?

— C’est juste un vieil ami que je n’avais pas revu depuis longtemps, lui dis-je.

Il fronça les sourcils.

— A quel propos lui avez-vous promis de faire votre possible ?

Je sentis le vaisseau frémir, trépider puis bondir tandis que la catapulte nous projetait vers le ciel.

— Je lui ai promis d’essayer d’intervenir pour qu’il puisse rendre visite à un ami malade.

Hunt gardait les sourcils froncés, mais je tirai de ma poche un carnet d’esquisses et dessinai des scènes de Chez Cicéron jusqu’à ce que nous accostions le vaisseau portier quinze minutes plus tard.

Ce fut un choc que de nous retrouver, après avoir passé la porte distrans, dans la Maison du Gouvernement. Quelques pas nous conduisirent dans la galerie du Sénat, où Meina Gladstone était encore en train de parler devant une chambre pleine à craquer. Des imageurs et des microphones diffusaient ses paroles dans toute la Pangermie à cent milliards de citoyens attentifs.

Je consultai mon chrono. Il était 10 h#nbsp#38. Nous n’étions restés absents que quatre-vingt-dix minutes.

12.

Le bâtiment du Sénat de l’Hégémonie Humaine s’inspirait plus, dans son architecture, du Sénat des États-Unis, tel qu’il existait huit siècles plus tôt, que des structures plus impériales de la République d’Amérique du Nord ou du premier Conseil Mondial. La salle de réunion principale était vaste, bordée de galeries, et accueillait aisément plus de trois cents représentants des mondes du Retz et environ soixante-dix membres non votants venus des colonies du Protectorat. Des tapis bordeaux rayonnaient à partir de l’estrade centrale où le président pro tempore, le speaker de l’Assemblée et, aujourd’hui, la Présidente de l’Hégémonie siégeaient. Les pupitres des sénateurs étaient faits de bois de muir offert par les Templiers du Bosquet de Dieu, qui tenaient cette essence pour sacrée. L’odeur des boiseries polies remplissait la salle malgré la foule qui l’occupait.

Nous entrâmes, Leigh Hunt et moi, à l’instant où Gladstone achevait son discours. Je demandai à mon persoc une mise au courant rapide. Comme la plupart des interventions de Gladstone, celle-ci avait été courte, relativement simple, sans condescendance ou effets de style inutiles, mais faite sur un ton et avec un phrasé imagé chargés d’une très grande force. Elle avait d’abord passé en revue les incidents et les conflits qui avaient conduit à l’état de belligérance actuel avec les Extros. Elle avait proclamé le désir de paix qui animait toute la politique passée et présente de l’Hégémonie, et lancé un appel à l’union au sein du Retz et du Protectorat jusqu’à la fin de la crise. Elle en était maintenant à la conclusion, que j’écoutai en direct.