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« Quatrièmement, à l’issue de mon allocution, je convoquerai le Sénat et l’Assemblée de la Pangermie en session plénière. J’annoncerai alors que l’état de guerre existe entre l’Hégémonie et les nations extros. Gabriel, Dorothy, Tom, Eiko, vous tous, vous allez être très occupés dans les heures qui viennent. Préparez-vous à annoncer la nouvelle à vos mondes respectifs, mais faites-moi passer ce vote. Je veux le soutien unanime du Sénat. Speaker Gibbons, je ne puis vous demander rien d’autre que votre collaboration éclairée lors du débat de la Pangermie. Il est indispensable qu’il y ait un vote de l’Assemblée aujourd’hui avant midi. Nous ne voulons pas de surprises.

« Cinquièmement, nous procéderons, d’une manière ou d’une autre, à l’évacuation des citoyens menacés par la première vague. (Elle leva la main pour couper court aux protestations et aux explications des experts.) Nous évacuerons toutes les personnes que nous pourrons, dans le temps dont nous disposons. Messieurs les ministres Persov, Imoto, Dan-Gyddis et Crunnens créeront un comité interministériel de coordination chargé d’organiser cette évacuation. Ils devront me remettre un rapport détaillé, accompagné d’un calendrier précis, au plus tard aujourd’hui à 13 heures. La Force et le Bureau de la Sécurité du Retz superviseront les déplacements des populations et l’accès aux moyens distrans, afin d’assurer leur protection.

« Enfin, je voudrais voir chez moi le conseiller Albedo, le sénateur Kolchev et le speaker Gibbons dans trois minutes exactement. Quelqu’un a-t-il d’autres questions à poser ?

Des visages ébahis lui rendirent son regard. Elle se leva sans plus attendre.

— Bonne chance à tous, dit-elle. Travaillez vite. Ne faites rien qui soit de nature à répandre inutilement la panique. Et que Dieu protège l’Hégémonie.

Tournant les talons, elle quitta rapidement la salle.

Gladstone était à son bureau. Kolchev, Gibbons et Albedo étaient assis en face d’elle. L’atmosphère de crise, ressentie dans les activités à demi perçues derrière les portes, était accentuée par le long silence observé par Gladstone avant de prendre la parole. Sans quitter le conseiller Albedo des yeux, elle articula enfin :

— Vous nous avez trahis.

Le demi-sourire poli de la projection ne vacilla pas un seul instant.

— Pas du tout, H. Présidente.

— Dans ce cas, je vous donne une minute pour nous expliquer pourquoi le TechnoCentre et, en particulier, l’Assemblée consultative des IA ne nous ont jamais prédit cette invasion.

— Un mot suffira pour vous répondre, H. Présidente. Hypérion.

— Hypérion de merde ! s’écria Gladstone en abattant la main à plat sur l’antique bureau en une explosion de colère qui ne lui ressemblait guère. J’en ai marre, Albedo, d’entendre parler de variables impossibles à prendre en compte et du trou noir prédictif d’Hypérion. Ou bien le Centre est capable de nous aider à démêler les probabilités, ou bien il nous ment depuis cinq siècles. Lequel des deux ?

— L’Assemblée a prédit la guerre, H. Présidente, fit l’image aux cheveux gris. Nos conseillers ont expliqué en cercle restreint à votre groupe d’experts et à vous-même l’incertitude dans laquelle nous nous trouvions dès qu’Hypérion était impliquée.

— Foutaises, coupa Kolchev. Vos prédictions sont censées être infaillibles en ce qui concerne les tendances générales. Cette offensive a dû être préparée depuis des dizaines, peut-être des centaines d’années.

Albedo haussa les épaules.

— C’est bien possible, sénateur, mais il est également possible que la décision de votre gouvernement de déclencher la guerre dans le système d’Hypérion ait incité les Extros à précipiter l’application de leur plan. Nous vous avions mis en garde contre toute action concernant Hypérion.

Le speaker Gibbons se pencha en avant.

— C’est vous qui nous avez fourni les noms des individus qui devaient faire partie de ce prétendu pèlerinage gritchtèque.

Albedo ne haussa pas les épaules une nouvelle fois, mais sa projection continuait d’afficher une sérénité confiante.

— Vous nous aviez demandé de désigner les citoyens du Retz dont les requêtes au gritche seraient le plus susceptibles de changer l’issue de la guerre que nous avions prédite, répliqua-t-il.

Gladstone joignit le bout de ses doigts et se tapota le menton.

— Avez-vous pu déterminer, depuis, de quelle manière ces requêtes pourraient changer l’issue de la guerre… qui est en cours ?

— Non, répondit la projection.

— Conseiller Albedo, déclara d’une voix ferme la Présidente Meina Gladstone, je vous fais savoir dès à présent que nous envisageons, en tant que gouvernement de l’Hégémonie humaine, et en fonction des évènements qui pourront se produire ces prochains jours, de déclarer qu’un état de guerre existe entre l’entité connue sous le nom de TechnoCentre et nous. Vous êtes habilité, comme ambassadeur de facto de ladite entité, à rapporter ce fait aux autorités concernées.

Albedo eut un sourire. Il écarta les bras.

— H. Présidente, c’est sans doute une mauvaise plaisanterie due au choc de cette terrible nouvelle. Déclarer la guerre au TechnoCentre équivaudrait, pour un poisson, à déclarer la guerre à l’océan, ou bien, pour un conducteur de VEM, à s’en prendre à son véhicule parce qu’il vient d’apprendre qu’il y a eu un accident quelque part.

Gladstone ne sourit pas.

— J’avais autrefois un grand-père sur Patawpha, dit-elle lentement, avec un accent soudain plus épais. Un matin, il a logé six balles de pulsant dans le VEM familial, uniquement parce qu’il n’avait pas voulu démarrer. Vous pouvez vous retirer, Albedo.

L’image du conseiller vacilla une fraction de seconde et disparut. Ce départ abrupt pouvait être considéré soit comme une atteinte au protocole – la projection quittait habituellement la salle ou attendait que les autres la quittent avant de se désagréger –, soit comme un signe de désarroi de la part des intelligences du Centre qui contrôlaient l’image.

Gladstone se tourna vers Kolchev et Gibbons.

— Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, messieurs, leur dit-elle. Mais j’insiste sur le fait que je compte sur votre soutien total lorsque la déclaration de guerre sera discutée, dans cinq heures.

— Vous l’aurez, déclara Gibbons.

Les deux hommes prirent congé. Les collaborateurs directs de la Présidente arrivèrent aussitôt par plusieurs portes et panneaux secrets, en la bombardant de questions ou en programmant leurs instructions sur leurs persocs. Gladstone leva la main pour leur imposer le silence.

— Où est Severn ? demanda-t-elle.

Comme personne ne semblait savoir de qui elle parlait, elle ajouta :

— Le poète… Le peintre, plutôt. Celui qui est en train de faire mon portrait.

Plusieurs collaborateurs s’entre-regardèrent, comme si leur Présidente avait soudain perdu les pédales.

— Il dort encore, répondit Leigh Hunt. Il a pris des somnifères, et personne n’a songé à le réveiller pour cette réunion.

— Je veux le voir ici dans vingt minutes au plus tard. Vous le mettrez au courant de tout ce qui s’est passé. Où est le commandant Lee ?

Niki Cardon, la jeune femme chargée des liaisons militaires, s’avança.

— Lee a été affecté, depuis hier soir, par Morpurgo et le chef du secteur naval de la Force, aux opérations de patrouille de la périphérie. Il passera une vingtaine d’années de notre temps à sauter d’un monde océanique à l’autre. En ce moment même, il se trouve au Centre de Communications Navales de la Force, sur Bressia, en attente d’un transport stellaire.