Выбрать главу

Une heure plus tard, plus en colère que jamais, il appelle Arthur :

— Arthur, est-ce que tu as quelque chose en train ?

— Eh bien… Amène-toi, on va en discuter.

Jim trace jusque chez Arthur à Fountain Valley. Arthur a les joues rouges, il est en pleine crise d’excitation, il empoigne Jim au-dessus du coude et fait un grand sourire.

— O.K., Jim, on est partis pour un autre coup, mais cette fois c’est un peu différent. L’objectif est la Laguna Space Research.

Son regard bleu et direct pose la question qui s’impose.

— Et les veilleurs de nuit qu’ils ont annoncés ? demande Jim.

— On leur a fait quitter les bâtiments pour surveiller l’extérieur.

— Pourquoi ?

Jim ne comprend pas.

Arthur hausse les épaules.

— On n’est pas sûrs. Quelqu’un a foutu une bombe au siège d’une compagnie d’informatique à Silicon Valley, et un gardien qui se trouvait à l’intérieur a été tué. Nous n’y sommes pour rien, mais la L.S.R. ne le sait pas. Ils ont donc opté pour une surveillance automatisée et des rondes à l’extérieur. Ça sera un petit peu plus dangereux. On les a tous mis sur les dents. Mais cette fois-ci… Eh bien, j’allais pas t’appeler, parce que c’est la L.S.R.

Jim opine.

— J’apprécie. Mais c’est au système de défense balistique que nous nous attaquons, non ?

— Oui. La L.S.R. a la part du lion dans la défense en post-phase des boosters, Foudre en Boule, comme ils disent. Un coup réussi contre ce truc-là pourrait faire des ravages.

L’exaltation d’Arthur se manifeste sans ambiguïté par la vigueur de celui-ci sur le bras de Jim.

— Je veux le faire, déclare Jim.

C’est la seule possibilité d’action qui lui reste, et il n’arrive pas à supporter de rester sans bouger ; la tension qui l’habite le rendrait dingue.

— Mon père est sur un autre programme, il n’aura rien à voir avec ça. En plus, il faut que ça soit fait. Il faut le faire si on veut que quelque chose change un jour !

Arthur acquiesce de la tête, l’observant toujours attentivement.

— Brave gars. Ça sera plus facile avec ton aide, je dois le reconnaître.

Jim dégage doucement son bras de l’emprise d’Arthur. Arthur considère sa main, surpris.

— Je suis à cran, confesse-t-il. C’est pour demain soir, tu comprends. Demain soir, et je pensais le faire tout seul.

— Procédure habituelle ?

— Ouais, tout va se passer de la même manière. Ça devrait être simple, si on reste planqués à bonne distance, et…

Jim écoute distraitement Arthur, égaré dans sa colère personnelle, dans tout le reste. Il s’était imaginé que le fait de s’impliquer dans une action quelconque le soulagerait un peu de sa tension intérieure ; au contraire, il est plus tendu que jamais, il lui faut presque se plier en deux, obéir à la contraction des muscles de son estomac… La Laguna Space Research… Et alors, vas-y ! Pas une seule de ces compagnies ne doit être épargnée ! Il faut faire quelque chose !

Le moment est venu d’agir, enfin.

69

Sandy entend parler du projet d’attaque de la L.S.R. par Bob Tompkins, qui lui passe un coup de fil cet après-midi-là.

— Bonnes nouvelles, Sandy. Raymond va nous donner un coup de main pour l’histoire du linge sale égaré. Notre ange gardien va connaître quelques problèmes demain soir, vers minuit. Un de ces accidents qui se sont produits ces derniers temps, tu vois ce que je veux dire.

— Une des aventures d’Arthur ? demande Sandy.

Bref silence à l’autre bout de la ligne.

— Oui, mais n’en parlons pas trop en détail maintenant. L’essentiel, c’est que nos anges gardiens auront les mains occupées quand l’accident se produira, et celui-ci aura lieu du côté opposé à celui de notre petit problème maritime, nous pensons par conséquent que la surveillance sera momentanément abandonnée de ce côté. Si on se tient prêts, on pourra récupérer le linge sale qu’on a mis à la consigne.

— Je sais pas, Bob. (Sandy grimace tout seul.) J’aime pas la tournure que ça prend, pour être franc.

— Il nous faut ce linge sale, Sandy. Et comme c’est toi qui l’as mis là, t’auras aucun mal à le retrouver.

— Quand même, j’aime pas ça.

— Allez, Sandy. Nous ne sommes pas responsables de ce bordel. En fait, c’est nous qui te fournissons l’occasion de t’en sortir avec élégance. Et profit. Tout ce que t’as à faire, c’est t’embarquer pour une petite croisière nocturne, aller jusqu’à ta plage, rassembler le linge sale et revenir. Y aura pas de problème demain soir, et tout ira pour le mieux.

Sandy discerne la menace derrière la plaisanterie, et à certains égards ça semble en effet une façon très commode de sortir d’un dilemme épineux, qui jusqu’à présent ne lui a offert le choix qu’entre une grosse dette et la perte définitive de ses clients de Black Cliffs (au mieux). Et ça a l’air de devoir marcher…

— D’accord, fait-il à contrecœur. Je vais le faire. Mais je vais avoir besoin d’aide. Mon assistant de la dernière fois ne sera sans doute pas intéressé.

— Nous enverrons quelqu’un, ainsi que les clés pour un canot automobile basé à Dana Point. En fait, il se peut que je vienne moi-même.

— Ça serait impeccable. A quelle heure ça se passe ?

— Demain, minuit.

— Très bien. Et tu te pointeras quand ?

— Je te passerai un coup de fil demain matin. Moi ou un ami, on te rejoindra à Dana Point dans la soirée.

— Très bien.

— Tubulaire, mec. On se voit là.

Sandy appelle Tash et lui demande un coup de main, mais, comme prévu, celui-ci ne veut rien avoir à faire là-dedans.

— C’est stupide, Sandy. Tu devrais laisser tomber tout le truc.

— Peux pas me le permettre.

Ça laisse Tashi muet quelques instants, mais il finit tout de même par persister dans son refus.

Sandy raccroche, soupire, consulte sa montre. Il est déjà en retard pour une demi-douzaine de rendez-vous, et il a encore vingt coups de fil à passer. En fait, il va devoir jouer à la boule de flipper toute la journée d’un endroit à un autre et demain matin se préparer pour cette opération de sauvetage. Il cille un peu de Bourdon et de Perception des Motifs, commence à composer un numéro.

Pendant que ça sonne, il réfléchit.

Il sait désormais que Jim travaille avec Arthur, et qu’Arthur travaille pour Raymond, et que Raymond poursuit une vengeance privée pour des motifs privés – en faisant peut-être accessoirement des bénéfices, semble-t-il. Dans son esprit, la structure globale de la chose est claire.

Mais maintenant… Maintenant, il se retrouve dans une situation où il ne peut rien faire de ce qu’il sait. Tout son boulot de détective a été accompli dans le but d’apprendre à Jim quelque chose que celui-ci ignorait, de l’aider, de l’avertir peut-être pour lui éviter des ennuis. De lui dire ce qui se passait vraiment, pour qu’il cesse de croire qu’il appartient à une résistance idéaliste à la machine guerrière, ou à quoi que ce soit d’autre qu’il puisse croire… Pour qu’il puisse se tirer de là avant que quelque chose tourne mal.

Maintenant, Sandy n’est plus en mesure de faire quoi que ce soit de ce genre. En fait, il est obligé d’espérer que Jim fait du bon boulot.

— Assure bien, pour moi, Jimmy…

70

Lemon reçoit un coup de fil de Donald Hereford, depuis New York. Il semble que la soirée soit ensoleillée, à Manhattan.