Выбрать главу

— Qu’est-ce que vous voulez ?

On les oriente vers une rue latérale près des avenues Brookhurst et Garden Grove, à Garden Grove.

— Comment peut-on acquérir une vitesse suffisante dans ce coin-là pour avoir autre chose qu’un petit accrochage ? s’étonne Xavier.

— L’appel n’était pas trop cohérent, à ce qu’on m’a dit, fait la voix du dispatcher. Aucune idée du code ou quoi. Il pourrait même y avoir une adresse utile – le 1246, sur Emerson.

— Sûr que ça concerne pas la police, ce coup-ci ?

— M’ont dit les urgences.

Xavier éteint dans un cliquetis.

— Nous tue pas pour y arriver. Ça doit être une connerie quelconque.

Et Abe conduit jusque Brookhurst et Garden Grove, et ils ne découvrent aucune trace d’accident. Tout ce qu’ils voient, c’est :

Une boutique de vêtements soldés Jeans Down.

Un magasin audi Seedy, un vidéo-club See-All.

La salle vidéo gays/lesbiennes pour adultes, Colonel Honoraire de Première Classe.

Ton minable complexe d’appartements. Tu habites là.

Un entrepôt-vente de meubles au détail.

Une boutique de réparation robotique et photo.

Deux parkings pour voitures usagées. Une Pizza Hut.

Oui, malgré la théorie, les monades existent toujours.

C’est là que tu es, non ?

Un magasin de pièces et de cartes. Un dancing.

Le parking devant tous ces établissements. Les voitures.

Des panneaux d’affichage, des feux de signalisation, des lampadaires, des panneaux de circulation,

Des câbles téléphoniques rayant le ciel couleur lait rance,

et ainsi de suite, jusqu’à l’endroit où la parallaxe fait se rejoindre les rails et les deux côtés du long boulevard rectiligne. Bref, la rue commerciale typique du C. d’O., telle qu’on peut la voir reproduite cent fois partout dans le comté. Mais pas trace d’accident.

— Alors ? fait Abe.

— Essayons l’adresse qu’ils nous ont donnée.

— Mais… (ils font demi-tour vers Emerson Street, derrière Garden Grove Avenue)… c’est juste le parking arrière du magasin de meubles, non ?

— Ouais, mais regarde, il y a peut-être des apparts tout en haut. Convient de jeter un coup d’œil.

Abe secoue la tête.

— Moi, j’trouve que ça ressemble de façon suspecte à du boulot de flics.

Ils descendent du fourgon et escaladent l’extérieur du bâtiment grâce à des degrés de béton qui s’élèvent au-dessus d’une allée entre les immeubles. L’allée est encombrée de bennes à ordures en métal gris et de cartons aplatis de dimensions énormes. En haut de l’escalier, il y a une porte en bois qui a souvent été ouverte d’un coup de pied, et autrefois peinte d’un orange qui a viré au jaune crasseux. Xavier lève le poing pour frapper et un glapissement retentit soudain, comme si un chien avait mal. Ils se regardent. Xavier frappe.

— N’entrez pas ! Ah, bon Dieu – foutez le camp d’ici !

C’est une voix de femme, rauque et effarouchée.

— Hmm, fait Xavier. (Puis il crie :) Brigade des urgences, m’dame !

— Oh ! Oh, c’est vous ! Au secours ! Au secours !

Xavier hausse les épaules, essaie d’ouvrir la porte.

Elle est fermée à clé.

— C’est fermé à clé !

— N’enfoncez pas ! Il va me chasser – ahh ! Ahh ! Au secours !

— Eh bien, venez ouvrir, alors !

— Peux pas !

— Bon.

Xavier examine la porte, secoue légèrement la clenche. Rien à faire.

— Au secours, bon Dieu !

— On fait c’qu’on peut, m’dame. Ça serait plus facile si vous aviez pas fermé votre porte à clé ! (X examine les alentours.) Là, Abe, la fenêtre de la cuisine est juste au-dessus de la rampe, et elle est ouverte. On dirait qu’elle a été taillée sur mesure pour toi.

Abe regarde la fenêtre d’un air dubitatif.

— C’est trop petit. En plus, elle ouvre en plein au-dessus de l’allée !

— Mais non. Essaie, je vais te tenir.

Et Abe se perche sur la chétive rambarde de fer noir, passe la main à l’intérieur et ne trouve rien à quoi se cramponner hormis le robinet de l’evier. La fenêtre est vraiment trop petite. Mais… Il grimpe sur la rampe et se faufile à l’intérieur. Puissante odeur nauséabonde de détritus laissés trop longtemps sous levier. Ses épaules passent d’extrême justesse, ensuite le tout consiste à se tortiller au-dessus de l’evier et à tirer pour faire entrer ses jambes. X lui imprime une ultime poussée qui le catapulte sur un sol de cuisine sale.

— Hé !

— Au secours ! Oh… Oh… Au secours !

Abe se met debout et se rue dans le petit salon/chambre de l’appart. Une femme aux cheveux noirs vêtue d’un long tee-shirt trempé de sueur gît par terre sur le dos. Et à moins qu’elle ne soit d’une obésité passée de mode… nan… une femme enceinte, ça, et entrée en travail. Abe fonce vers la porte.

— Hé ! s’écrie la femme. Par ici !

— Je sais.

Il déverrouille la porte et Xavier se précipite à l’intérieur. La femme se recule d’un bond épouvanté contre un vieux divan de vinyle vert.

— Hé ! Qui êtes-vous ?

— Service des urgences. (Xavier s’agenouille à côté d’elle, lui prend les mains par les poignets et les lui enlève du ventre.) Détendez-vous, madame…

— Détendez-vous ! Vous plaisantez ? Pourquoi avez-vous mis si longtemps ? Ahh ! Ahh ! (Son visage ruisselle de sueur, sa tête roule d’une épaule à l’autre.) Je voulais une ambulance !

— C’est nous l’ambulance, madame. Essayez de vous décontracter ! (Xavier l’examine.) Hé, quand ont commencé les douleurs ?

— Il y a deux heures, à peu près.

— Dites donc, vous allez rudement vite en besogne.

— Vous m’en direz tant ! Mais qui êtes-vous, merde ?

— Service des urgences.

— J’veux pas qu’un nègre vienne s’amuser par ici pendant que j’essaie de… ahh !… d’avoir un bébé !

Xavier la regarde en fronçant les sourcils.

— Je vais essayer de me contenir pour ne pas attenter à votre pudeur avant que vous n’ayez fini, d’accord ? On est un peu trop nombreux ici pour que je vous viole tout de suite.

La femme essaie de lui décocher un faible coup de poing.

— Écartez-vous de moi ! Laissez-moi seule ! Ah, mon Dieu !

— Nous sommes l’équipe des urgences, m’dame, essaie d’expliquer Abe.

— Arrêtez avec vos m’dame, vous voulez ? Tout ce qu’il me faut, c’est une ambulance.

— Nous pouvons faire ça également, dit Xavier. Abe, dépêche-toi de descendre et ramène la civière. Je crois qu’on a le temps de l’emmener à St. Joe.

Abe descend en quatrième vitesse et empoigne la civière roulée, la ramène en haut. Dans l’appart, Xavier et la femme se chamaillent bruyamment.

— Ils ne peuvent pas garder votre gosse en otage, madame. Si vous ne pouvez pas payer, vous ne pouvez pas payer ! Vous allez trop vite, ici, et il y a de fortes chances pour que ça vous déchire un peu. Vous feriez mieux d’aller à l’hôpital !

Une violente contraction empêche la femme de répliquer. Abe voit qu’elle a envie de répondre, elle a les yeux rivés sur Xavier et flamboyants de colère farouche, et elle secoue la tête.

— Veux… pas… y aller !

— C’est vache. Nous ne sommes pas autorisés à vous laisser saigner à mort comme ça, vous voyez.

Abe achève de dérouler et de disposer la civière. Alors qu’ils soulèvent la femme pour l’installer dessus, elle s’arque, sanglotant de douleur.