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On veut juste t’emmener au cœur de la mêlée !

La Troisième Guerre mondiale ? Elle fait pas que commencer !

T’es d’dans, t’y participes, pas un jour sans gagner !

Alors v’nez tous, tous debout pour crier :

Garantie Mutuelle de Stupidité-euh-eeeeeeee !

42

Lors de son voyage suivant à Washington, Dennis McPherson se fait emmener par Louis Goldman dans un restaurant de la « vieille » ville d’Alexandria, Virginie. Là, la brique prérévolutionnaire est étayée par de l’acier invisible, et les vieux entrepôts des docks sont emplis de boutiques, de stands de souvenirs et de restaurants. Les affaires vont bien. Les fruits de mer du restaurant que Goldman a choisi sont excellents, et ils mangent des coquilles Saint-Jacques et du homard et dégustent deux bouteilles de Gewürztraminer avant d’en venir au fait.

Une fois les assiettes enlevées, les verres remplis, Goldman se carre dans son siège et ferme un instant les yeux. McPherson, qui commence à connaître le bonhomme, prend une profonde inspiration et se prépare.

— Nous avons découvert certaines choses sur le processus de prise de décision dans votre affaire, dit lentement Goldman. C’est une histoire d’attribution classique, au Pentagone, en ceci qu’elle possède tous les signes extérieurs d’un processus rationnel et objectif, mais qu’en même temps elle reste facile à manipuler en fonction du but recherché, quel qu’il soit. Dans votre cas, il s’avère que le Comité d’évaluation et de Sélection des Sources a rendu son habituel rapport détaillé sur les offres, et ce rapport a été dépeint comme consciencieux et pertinent par notre source d’information. Et il était en faveur de la L.S.R.

— Il était en notre faveur ?

— C’est ce que notre source nous a affirmé. Il était en faveur de la L.S.R., et ce rapport a été transmis à l’Autorité de Sélection des Sources sans le moindre délai. Jusque-là, rien d’anormal. Mais l’A.S.S. s’est saisie du rapport et en a fait un résumé destiné à justifier sa décision aux yeux de ses supérieurs. Et c’est là que ça devient intéressant. L’A.S.S. était un général à quatre étoiles, le général Jack James, du commandement des systèmes de l’Air Force, à Andrews. Vous le connaissez ?

— Non. Enfin, je l’ai rencontré, mais je ne le connais pas.

— Eh bien, c’est votre homme. Quand il a établi son résumé du rapport du C.E.S.S., il a tellement trafiqué les résultats qu’ils ont fini par favoriser la Parnel là où le C.E.S.S. vous avait favorisés. C’est lui qui a introduit le problème de la descente en aveugle qui ne figure pas dans l’A.O., et c’est lui qui a supervisé les estimations de coûts les plus probables, au point d’en établir lui-même quelques-unes. Et c’est également lui qui a pris la décision.

Remarquable, cette faculté qu’a Goldman de gâcher un bon dîner.

— Pouvons-nous le prouver ? demande McPherson.

— Oh non. Tout cela nous a été transmis par quelqu’un de l’intérieur qui n’admettrait en aucun cas avoir discuté avec nous. Nous cherchons juste à comprendre ce qui s’est passé, à trouver un point de départ, vous voyez. Et certaines de ces informations, transmises à titre privé aux enquêteurs de l’O.G.C., pourraient les aider à cibler leurs recherches. Aussi leur avons-nous dit ce que nous savions. C’est comme ça que se passent les batailles juridiques avec le Pentagone. Elles sont en bonne partie constituées d’escarmouches souterraines dont on ne parle jamais ou dont on nie l’existence. Vous pouvez parier que les avocats de l’Air Force font le même genre de boulot.

Ces informations provoquent un petit frisson chez McPherson.

— Donc, fait-il, nous avons là un certain général James qui ne voulait pas que nous obtenions le contrat. Pourquoi ?

— Je ne sais pas. J’espérais que vous pourriez me le dire. Nous essayons de le savoir, mais je doute que nous y arrivions sous peu. Certainement pas avant que l’O.G.C. publie son rapport. Ça ne devrait pas tarder, et à ce que je sais il nous sera très favorable.

— C’est vrai ?

Après tout ce qu’il a entendu jusqu’ici, McPherson est surpris. Mais Goldman confirme de la tête.

D’un seul coup, la possibilité de coincer ces types – James, Feldkirk, l’Air Force tout entière, la Parnel –, la possibilité de s’emparer de leur décision corrompue, frauduleuse, fourbe et de la leur fourrer dans la gorge jusqu’à ce qu’ils en étouffent, la possibilité de les forcer à reconnaître qu’ils ont des comptes à rendre à la loi… Oh, ça monte en McPherson comme une grosse bouffée d’air frais ; il rit presque tout haut.

— Et s’il nous est favorable ?

— Eh bien, si leur rapport est formulé en termes suffisamment forts, le juge Tobiason ne pourra pas l’ignorer, quels que soient ses préjugés personnels. Il sera contraint de déclarer le contrat abusivement octroyé, et d’appeler à une nouvelle procédure conforme aux lois de 2019 sur les contrats-défense. Ils devront réitérer le processus de mise en concurrence, en respectant cette fois de très près le texte de l’A.O., parce que les tribunaux superviseront.

— Waow. (McPherson boit une petite gorgée.) Ça peut vraiment arriver ?

Goldman sourit devant son scepticisme.

— Oui.

Il lève son verre, et ils trinquent à cette idée.

Aussi McPherson retourne-t-il en Californie plus optimiste à propos de toute l’affaire qu’il ne l’a été depuis que l’offre est passée de super-noire à blanche.

Une fois revenu dans son bureau, toutefois, il lui faut se tourner immédiatement vers le problème Foudre en Boule. Les choses vont aussi mal que d’habitude de ce côté-là. Le rôle de McPherson a délibérément été laissé vague par Lemon, ça fait partie de la punition ; il doit « assister » Dan Houston, quoi que le mot puisse vouloir dire. Dan Houston, qui a passé moins de temps dans l’entreprise, et qui n’est de toute évidence pas compétent pour ce boulot. Humiliant. Exactement ce que Lemon avait en tête.

Mais pires encore sont les problèmes avec le programme lui-même. Les nouvelles contre-mesures des Soviétiques vis-à-vis de leurs boosters à combustion lente, qui introduisent de modestes fluctuations dans leur propulsion – baptisée « Esquive » –, ont rendu dépassé le software d’analyse de trajectoires de la L.S.R., et ont fait de leurs cibles les plus faciles des cibles difficiles. Vraiment, les contre-mesures offensives visant la phase défensive d’utilisation des boosters sont si simples et si bon marché que McPherson n’est pas loin d’être convaincu que leur système de laser à électrons libres est plus ou moins inutile. Ils auraient plus de chances s’ils lançaient des pierres. (En fait, il existe un bon programme rival chez T.R.W., qui est basé sur une variante de cette idée même.) Mais il est peu probable que l’Air Force soit enchantée de découvrir ça, avec quelque chose comme trente milliards de dollars dans le projet, et les comptes rendus d’essais dans leurs archives qui indiquent que la chose est faisable. Des résultats de type « poulet en laisse ». Dan Houston, écrasé par toutes ces dures réalités, a déjà baissé les bras. Il continue de venir au bureau, mais il ne réfléchit plus vraiment. Il ne sert à rien. Un jour, McPherson parvient à peine à s’empêcher de lui crier après.

Cet après-midi-là, après que Dan est rentré chez lui de bonne heure, son assistant, Art Wong, parle de lui à McPherson.

— Vous savez, dit Art, qui hésite sous le regard perçant de McPherson, Dan a des problèmes personnels.

— De quoi s’agit-il ?

— Eh bien, il a fait quelques mauvais investissements dans l’immobilier, et il est salement endetté. Je crois qu’il risque de perdre sa coprop. Et puis… Eh bien… Sa compagne est partie. Elle a emmené les enfants et déménagé à LA. Je crois qu’elle a dit qu’il buvait trop. Ce qui est sans doute vrai. Et qu’il consacrait trop de temps à son travail – vous savez qu’il ne rentrait jamais chez lui le soir quand il s’est attaqué à ce programme. Il a vraiment mis le paquet pour essayer que ça marche, après qu’on a eu décroché le contrat.