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Jim rougit.

— Euh, tu sais, je suis pas vraiment sûr…

Ainsi, Arthur est dans le coup. Et Jim le sait. Ce qui veut dire que Jim est peut-être impliqué, lui aussi. Possible. Probable. Il est difficile pour Sandy d’imaginer Jim prenant part à des actes de sabotage contre des installations industrielles régionales, mais qui sait ? Il est du genre à suivre une idée.

Et c’est maintenant au tour de Sandy de réfléchir à l’étendue de ce qu’il peut dire. Jim est un de ses meilleurs amis, sans aucun doute, mais Bob Tompkins est une relation d’affaires de premier plan et, par extension, il doit veiller aussi aux intérêts de Raymond. C’est une question délicate, et il est las. Il ne semble pas vraiment y avoir de grosse urgence en la matière ; et il vaudrait mieux, à vrai dire, qu’il ait plus de substance pour parler à Jim, s’il se décide à le faire. Il a désormais la certitude qu’Arthur Bastanchury travaille pour Raymond, et la quasi-certitude que Jim travaille avec Arthur. La question est : Est-ce que Raymond travaille pour quelqu’un ? C’est le point important, et jusqu’à ce qu’il en sache plus long à ce sujet, il ne sert à rien d’inquiéter Jim, estime-t-il. À vrai dire, il est trop crevé pour y réfléchir beaucoup tout de suite.

Il tapote le bras de Jim.

— Arthur devrait être prudent, dit-il d’une voix lasse, et il se détourne en direction de l’ascenseur. Et toi aussi, lance-t-il par-dessus son épaule, surprenant une expression d’étonnement sur le visage de Jim.

Il entre dans l’ascenseur. 3 heures du mat. S’il se lève à 7 heures, il pourra joindre son père à Miami avant le déjeuner.

54

Jim décroche plusieurs jours de travail d’affilée au bureau de la First American Title Insurance and Real Estate Company, ce qui arrange son compte en banque, sinon son caractère. Au cours d’une de ces journées, Humphrey entre en arborant un sourire triomphant.

— On va le faire, Jimmy. On va construire la tour Pourva. L’Ambank a donné son accord sur le contrat de crédit, et on a signé les derniers papiers aujourd’hui. Tout ce qui nous reste à faire, c’est redonner confirmation aux autres financiers dans les quelques jours qui viennent, alors c’est juste une histoire de rapidité du boulot sur les ordinateurs, avant que quelqu’un ait le temps de se calmer.

— Humphrey, tu n’as toujours personne pour occuper l’immeuble ?

— Bon, nous avons encore toutes ces parties intéressées. D’ailleurs, ça n’a pas d’importance ! Nous les trouverons quand l’immeuble sera là !

— Humphrey ! Quel est le taux d’occupation d’un immeuble de bureaux neufs dans le C. d’O. ? Vingt pour cent ?

— Je ne sais pas, quelque chose comme ça. Mais ça va changer, c’est obligé, vu le volume d’affaires qui sont transférées ici.

— Je ne vois pas pourquoi tu dis ça. Cet endroit est saturé.

— Impossible, Jim. Ça n’existe pas.

— Arrggh… (Rien à répondre à ça.) Je persiste à trouver ça stupide.

— Écoute, Jim, la règle, c’est que quand on a l’argent et qu’on a le terrain, on construit ! Il n’est pas facile d’avoir les deux en même temps. Comme tu as pu le constater dans cette affaire. Mais nous avons réussi ! En plus, ça va bien se passer, cette fois – on va même pouvoir annoncer dans les pubs qu’il y a une vue partielle sur l’océan.

— Filtrée par toute la masse des Santa Ana Mountains, hein, Hump ?

— Non ! On voit le Robinson Rancho, enfin en partie. du moins.

— Ouais, c’est ça. Construis une autre tour vide.

— T’inquiète pas pour ça, Jim. Notre seul problème, c’est d’être sûrs que tout ira aussi vite que possible.

Jim rentre du bureau, de méchante humeur. Le téléphone sonne et il décroche d’un geste brusque.

— Quoi !

— Allô, Jim ?

— Ah, Hana ! Hé, comment ça va ?

— Quelque chose qui cloche ?

— Non, non, je réponds toujours comme ça au téléphone quand j’ai passé une journée au bureau. Désolé.

Elle rit.

— Tu ferais mieux de venir dîner chez moi, alors.

— Je veux ! Qu’est-ce que je dois amener ?

Et donc, une demi-heure plus tard, il trace au milieu des collines, quitte la Garden Grove Freeway, traverse vers Irvine Park et la Santiago Freeway, puis remonte l’étroit, l’encaissé Modjeska Canyon. Hana habite derrière le Tucker Bird Sanctuary, en haut du canyon secondaire étranglé, un garage reconverti au bout d’une allée de gravillons, au cœur d’une plantation d’eucalyptus. La maison principale est un petit pavillon blanchi à la chaux de style colonial ; sa modestie d’ensemble n’efface pas l’existence de la cour fermée, boisée, le côté sélect de l’endroit. Le proprio de Hana est riche. Et Hana ?

La majeure partie de son garage a été aménagée en atelier de peintre. La pièce principale occupe l’essentiel de l’espace, et elle est encombrée de toiles et de matériel, comme son studio à Trabuco. Cuisine et salle de bains ont été reléguées dans un coin, à part, et une chambre guère plus grande que la salle de bains occupe l’angle opposé.

— J’aime bien, dit Jim. Ça me rappelle chez moi, en mieux. (Hana rit.) Tu n’as accroché aucune de tes toiles ?

— Bon Dieu, non. J’aime bien pouvoir me détendre. Imagine-toi un peu assis à regarder en permanence tes erreurs.

— Hmm. Elles comportent toutes des erreurs ?

— Bien sûr.

Elle regarde fixement un point du sol derrière lui, lançant ses phrases sur le ton de la conversation. Une crise de timidité, on dirait. Jim la suit dans la cuisine, et lui donne un coup de main pour porter les hamburgers jusqu’à un petit barbecue installé sur l’allée de gravier.

Ils font cuire la viande sur les braises et mangent leurs hamburgers dehors, sur l’allée, assis dans des chaises longues de jardin. Ils parlent du semestre à venir et de leurs cours. De la peinture de Hana. Du travail de Jim au bureau. C’est très décontracté, même si les yeux de Hana regardent n’importe quoi sauf Jim.

Après dîner, ils restent assis à contempler le ciel. Il y a même quelques étoiles. Les feuilles des eucalyptus s’entrechoquent comme des jetons en plastique. C’est une soirée chaude. Il y a même un léger souffle de vent de Santa Ana.

Hana suggère une promenade dans le canyon. Ils rentrent les restes du repas, puis remontent la rue étroite et sombre.

— Qu’est-ce que tu sais des Modjeska ? demande Hana en marchant.

— Peu de chose. Helena Modjeska était une actrice polonaise. Son vrai nom était plus long, et très polonais. Elle avait épousé un comte, et leur salon de Varsovie était très en vogue. Les habitués du salon eurent l’idée de démarrer une utopie en Californie du Sud. Ça se passait dans les années 1870. Et ils l’ont fait ! La colonie se trouvait plus bas, du côté d’Anaheim, qui était aussi un projet d’utopie lancé par un groupe d’Allemands. Le truc des Modjeska s’effondra quand tout le monde refusa de travailler la terre, et les Modjeska partirent pour San Francisco, où Helena reprit sa carrière d’actrice. Elle y devint très célèbre, et le comte lui servait de manager, et ils prospérèrent. Puis, à la fin des années 1880, ils revinrent et achetèrent cet endroit. Ils le baptisèrent Arden.

— Comme il vous plaira. Quelle belle idée.

— Oui. Leur vie à cette époque fut consacrée aux loisirs – pas à l’agriculture. Ils possédaient des vignes, des orangeraies et des jardins fleuris, et une grande pelouse ombragée, et, sur le devant, un bassin avec des cygnes. Dans la journée, ils parcouraient leurs terres à cheval, et le soir Helena interprétait certains de ses nombreux rôles.