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Ils suivirent un sentier difficilement praticable sur environ quatre cents mètres. Lisbeth trébucha deux fois, et chaque fois elle fut remise sur pied.

— Tourne à droite ici, dit Niedermann.

Au bout d'une dizaine de mètres, ils arrivèrent dans une clairière. Lisbeth vit le trou dans le sol. A la lueur de la lampe de Niedermann, elle vit une pelle plantée dans un tas de terre. Soudain elle comprit ce que Niedermann était allé faire. Il la poussa vers le trou et elle trébucha et tomba à quatre pattes. Ses mains s'enfoncèrent profondément dans le sable. Elle leva la tête et le regarda sans la moindre expression. Zalachenko prenait son temps et Niedermann l'attendait calmement. A aucun moment le canon de son pistolet ne cessait d'être braqué sur Lisbeth.

ZALACHENKO ÉTAIT ESSOUFFLÉ. Il lui fallut plus d'une minute avant de pouvoir parler.

— Je devrais dire quelque chose, mais je ne crois pas que j'aie quoi que ce soit à te raconter, dit-il.

— Ça me va, dit Lisbeth. Je n'ai pas grand-chose à te dire non plus.

Elle lui adressa un sourire en coin.

— Qu'on en finisse, dit Zalachenko.

— Je me réjouis de savoir que la dernière chose que j'ai faite aura été de te coincer, dit Lisbeth. La police va débarquer chez toi dès cette nuit.

— Tu parles. Je m'attendais à ce que tu tentes un truc comme ça. Tu es venue ici pour me tuer et rien d'autre. Tu n'as parlé à personne.

Le sourire de Lisbeth Salander s'élargit. Elle eut soudain l'air mauvaise.

— Laisse-moi te montrer quelque chose, papa.

Elle plongea lentement la main dans la poche de la jambe gauche et en tira un objet carré. Ronald Niedermann surveillait le moindre de ses mouvements.

— Chaque mot que tu as prononcé cette dernière heure a été diffusé sur Internet.

Elle brandit son PDA Palm Tungsten T3. Le front de Zalachenko se creusa d'une ride à l'endroit où les sourcils auraient dû se trouver.

— Montre-moi ça, dit-il, et il tendit sa main intacte.

Lisbeth lui lança le PDA. Il l'attrapa au vol.

— Tu parles, dit Zalachenko. Ce n'est qu'un Palm ordinaire.

LORSQUE RONALD NIEDERMANN se pencha en avant pour regarder le PDA, Lisbeth Salander balança une poignée de sable droit dans ses yeux. Il fut immédiatement aveuglé mais tira machinalement un coup de feu avec le pistolet muni de son silencieux. Lisbeth avait déjà fait deux pas de côté et la balle ne déchira que l'air où elle s'était tenue. Elle saisit la pelle et en abattit le tranchant sur la main qui tenait le pistolet. Elle l'atteignit de toutes ses forces sur les jointures des doigts et aperçut son Sig Sauer faire une large courbe dans l'air pour aller atterrir parmi quelques buissons. Elle vit du sang jaillir d'une plaie profonde à la phalange de l'index.

Il devrait hurler de douleur.

Niedermann tâtonna dans l'air avec sa main blessée tandis qu'il se frottait désespérément les yeux avec l'autre. La seule possibilité pour Lisbeth de gagner le combat était de causer immédiatement des dégâts massifs ; s'il y avait corps à corps, elle serait irrémédiablement perdue. Elle avait besoin d'un répit de cinq secondes pour disparaître dans la forêt. Elle rabattit la pelle derrière elle et la rebalança en avant de toutes ses forces. Elle essaya de tourner le manche pour l'atteindre avec le tranchant, mais elle était mal positionnée. Ce fut le plat de la pelle qui frappa le visage de Niedermann.

Niedermann grogna quand son nez se brisa pour la deuxième fois en quelques jours. Il était toujours aveuglé par le sable, mais fit un grand mouvement avec le bras droit et réussit à repousser Salander. Elle partit en arrière et posa le pied sur une racine. Pendant une seconde elle fut par terre, mais d'une poussée elle se releva immédiatement. Niedermann était hors jeu pour l'instant.

Je vais y arriver.

Elle fit deux pas vers les broussailles quand elle vit du coin de l'œil — clic — Alexander Zalachenko lever le bras. Le vieux con aussi a un pistolet.

La découverte fusa comme un coup de fouet à travers sa tête.

Elle changea de direction au moment même où il tirait. La balle la toucha à la hanche, la fit pivoter et perdre l'équilibre.

Elle ne ressentit pas de douleur.

La deuxième balle la toucha dans le dos et s'arrêta contre son omoplate gauche. Une douleur aiguë et paralysante traversa son corps.

Elle tomba à genoux. Pendant quelques secondes, elle fut incapable de bouger. Elle était consciente que Zalachenko se trouvait derrière elle, à cinq-six mètres. Avec un dernier effort, elle se remit obstinément sur pied et fit un pas vacillant vers le rideau protecteur des buissons.

Zalachenko eut tout son temps pour viser.

La troisième balle l'atteignit à environ deux centimètres au-dessus de l'oreille gauche. La balle perça l'os de la tête et causa un réseau de fissures irradiantes dans le crâne. La balle de plomb pénétra dans sa tête où elle se figea dans la matière grise à quatre centimètres sous l'écorce cérébrale.

Pour Lisbeth Salander, la description médicale de la situation n'était que des termes scientifiques. En termes pratiques, la balle signifia un traumatisme massif et immédiat. Sa dernière perception fut un choc rouge qui se transforma en lumière blanche.

Ensuite, l'obscurité.

Clic.

Zalachenko essaya de presser une nouvelle fois sur la détente, mais ses mains tremblaient tellement qu'il ne pouvait pas viser. Elle a failli s'en tirer. Finalement, il comprit qu'elle était déjà morte et baissa son arme, tremblant, pendant que l'adrénaline affluait dans tout son corps. Il regarda son arme. Il avait pensé laisser le pistolet à la maison, mais était allé le chercher et l'avait glissé dans sa poche, comme s'il avait besoin d'une mascotte. Cette fille était monstrueuse. Ils étaient deux hommes adultes et l'un d'eux était Ronald Niedermann qui de plus était armé de son Sig Sauer. Et cette sale pute avait presque failli s'en tirer.

Il jeta un regard sur le corps de sa fille. A la lumière de la torche, elle ressemblait à une poupée de chiffon ensanglantée. Il mit le cran de sûreté et glissa le pistolet dans sa poche, puis il s'approcha de Ronald Niedermann. Celui-ci était complètement désemparé, des larmes plein les yeux et du sang qui coulait de sa main et du nez. Son nez n'avait pas guéri depuis le match pour le titre contre Paolo Roberto et le plat de la pelle avait causé de nouveaux dégâts importants.

— Je crois que j'ai encore le nez cassé, dit-il.

— Imbécile, dit Zalachenko. Elle a failli s'en tirer encore une fois.

Niedermann continua à se frotter les yeux. Il n'avait pas mal, mais les larmes coulaient et il était presque totalement aveuglé.

— Tiens-toi droit, merde ! Zalachenko secoua la tête avec mépris. Putain, qu'est-ce que tu ferais sans moi !

Niedermann cilla désespérément. Zalachenko boitilla jusqu'au corps de sa fille et saisit sa veste en haut du dos.

Il souleva et la tira vers la tombe qui n'était qu'un trou dans la terre, trop petit pour qu'elle puisse reposer de tout son long. Il souleva le corps de sorte que ses pieds se retrouvent au-dessus du trou, puis il la laissa tomber comme un sac de patates. Elle atterrit en position fœtale, en avant avec les jambes repliées sous elle.