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— Opérations, dites-vous ? Un peu comme… James Bond ?

Snyder et Sullivan se mirent à rire.

— Oui, c’est à la Directorate of Operations que travaillent les 007 américains, confirma Don. Bien que je ne sois pas, à proprement parler, l’un d’eux. Mon travail, je le crains, n’est pas aussi palpitant que les aventures de mon collègue fictif du MI6. J’ai rarement de belles filles autour de moi et, la plupart du temps, mes missions se bornent à des enquêtes de routine, nullement passionnantes. La direction des opérations a pour principal objectif de collecter des informations secrètes, en recourant le plus souvent à l’HUMINT, autrement dit, human intelligence, sources humaines utilisant des techniques cryptées.

— Espions, vous voulez dire.

— Ce terme fait un peu… comment dirais-je ?… un peu amateur. Nous préférons les appeler human intelligence, ou sources humaines collectant des informations secrètes. Il porta sa main à la poitrine. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas l’une de ces sources. Ma tâche se réduit à l’analyse d’informations sur des activités terroristes. Il arqua un sourcil. Et c’est ce qui m’amène à Lisbonne.

Tomás sourit.

— Du terrorisme ? À Lisbonne ? Voilà deux mots qui ne vont pas ensemble. Il n’y a pas de terrorisme à Lisbonne.

Sullivan intervint.

— Ce n’est pas tout à fait exact, Tomás, dit-il en riant. Vous avez déjà conduit dans les rues de cette ville ?

— Ah, bien sûr, approuva le Portugais. Il y a chez nous des gens qui, au volant, sont plus dangereux que Ben Laden, c’est indéniable.

Déconcerté par leurs plaisanteries, Don Snyder esquissa un sourire poli.

— Laissez-moi juste terminer ma présentation, demanda-t-il.

— Excusez-nous, rétorqua Tomás. Je vous en prie.

L’Américain effleura les touches de son clavier.

— J’ai été appelé la semaine dernière à Lisbonne à cause d’un événement apparemment anodin. Il tourna vers Tomás l’écran de son ordinateur, où s’affichait le visage souriant d’un septuagénaire à la moustache et à la barbiche grises, avec des lunettes aux verres épais et des yeux noirs. Connaissez-vous cet homme ?

Tomás examina le visage et secoua la tête.

— Non.

— Il s’appelle Augusto Siza et c’est un célèbre professeur portugais titulaire de chaire, le plus grand physicien du pays.

Tomás ouvrit la bouche en reconnaissant le nom.

— Ah, s’exclama-t-il. C’est le collègue de mon père.

— Le collègue de votre père ? s’étonna Don.

— Oui. N’est-ce pas celui qui a disparu ?

— Effectivement. Il y a trois semaines.

— Eh bien, mon père m’en a parlé aujourd’hui même.

— Votre père le connaît ?

— Oui, ils sont collègues à l’université de Coimbra. Mon père enseigne les mathématiques et le professeur Siza est titulaire de la chaire de physique dans la même faculté.

— Je vois.

— Mais que lui est-il arrivé ?

— Le professeur Siza a disparu sans laisser de traces. Un jour, alors que ses étudiants l’attendaient pour un cours à la faculté, il ne s’est pas présenté. Le lendemain, il était attendu à une réunion de la Commission scientifique où il ne s’est pas non plus présenté. On l’a appelé plusieurs fois sur son portable mais personne n’a jamais répondu. Bien que d’un âge avancé, Siza est considéré comme un homme énergique et très lucide, ce qui lui a permis d’enseigner au-delà de l’âge limite. Comme il est veuf et qu’il vit seul, sa fille étant mariée, ses collègues ont pensé qu’il s’était absenté pour une quelconque raison. Finalement, un collaborateur du professeur s’est rendu chez lui à cause d’une réunion sans cesse différée, il est entré dans l’appartement et a constaté qu’il n’y avait personne. Mais il a découvert le bureau très en désordre, avec des papiers et des dossiers ouverts éparpillés sur le sol, si bien qu’il a appelé la police. C’est votre police d’investigation qui s’est rendue sur place, la… Ju… Jucidaria, et…

— Judiciária.

— C’est ça, s’exclama Don, reconnaissant le nom. Cette police a relevé quelques échantillons, y compris des cheveux, et les a envoyés au laboratoire d’analyses. Quand les résultats sont arrivés, les inspecteurs de police ont rentré les données dans l’ordinateur de recherche, qui est connecté à Interpol.

Il effleura encore quelques touches sur son clavier.

— Le résultat s’avéra surprenant.

Une nouvelle tête apparut sur l’écran, celle d’un homme basané, au visage rond et à la barbe noire.

— Reconnaissez-vous cet individu ?

Tomás scruta les traits de l’homme.

— Non.

— Il s’appelle Aziz al-Mutaqi et il travaille pour une unité nommée Al-Muqawama al-Islamiyya. En avez-vous déjà entendu parler ?

— Heu… non.

— C’est la section militaire du parti de Dieu. Connaissez-vous le parti de Dieu ?

— Non plus, confessa Tomás, se sentant totalement ignorant.

— En arabe, parti de Dieu se dit Hibz Allah. Ça vous dit quelque chose ?

Le Portugais s’affaissa sur sa chaise et secoua la tête une fois de plus, consterné de ne rien savoir.

— Non.

— Hibz Allah. Évidemment, les Libanais ont un accent très particulier. Au lieu de dire Hibz Allah, ils disent Hezb’llah. La CNN dit Hezbollah.

— Ah ! Hezbollah ! s’exclama Tomás, soulagé. J’en ai entendu parler, bien sûr !

— Aux informations, je suppose.

— Oui, aux informations.

— Et savez-vous ce qu’est le Hezbollah ?

— Un groupe de personnes au Liban qui a été en guerre contre Israël ?

Don Snyder sourit.

— En résumant beaucoup, c’est ça, oui, acquiesça-t-il. Le Hezbollah est une organisation islamique chiite qui est née au Liban en 1982, rassemblant divers groupes formés pour résister à l’occupation israélienne au sud du pays. Elle a des liens avec le Hamas et le Jihad islamique, on soupçonne même une liaison avec al-Qaïda. Il secoua la tête et baissa le ton, comme en aparté. J’avoue que je n’y crois pas. Al-Qaïda est une organisation sunnite dont l’idéologie wahabite exclut ouvertement les Chiites. Les partisans de Ben Laden ne sont pas loin de considérer les Chiites comme des infidèles. Or ceci infirme l’hypothèse d’une quelconque alliance entre les deux, ne croyez-vous pas ? À nouveau, il frôla du doigt quelques touches sur le clavier de son portable, faisant apparaître des images de destructions sur l’écran. Quoi qu’il en soit, le Hezbollah se trouve impliqué dans plusieurs prises d’otages d’Occidentaux et des attentats en Occident, des actes plus que suffisants pour inciter les États-Unis et l’Union européenne à le déclarer organisation terroriste. Le propre Conseil de Sécurité des Nations unies a émis une résolution, la résolution 1559, exigeant la dissolution de la branche armée du Hezbollah.

Tomás se caressa le menton.

— Mais qu’est-ce que le Hezbollah a à voir avec le professeur Siza ?

L’Américain fit un signe de tête affirmatif.

— C’est précisément la question que les inspecteurs de la Ju… heu… de votre police se sont posée, dit Don. Que faisaient les cheveux d’un homme recherché par Interpol pour son lien avec le Hezbollah dans le bureau du professeur Siza, à Coimbra ?

La question resta en suspens dans la pièce.

— Quelle est la réponse ?

L’Américain haussa les épaules.