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— Mais, c’est fantastique ! Vous rendez-vous compte ? Ce manuscrit a disparu avec le professeur Siza. Or, si ce document a été retrouvé à Téhéran, il est possible que le professeur Siza y soit également…

— Laissez-moi terminer, s’il vous plaît, demanda Tomás, d’une voix patiente.

— Excusez-moi.

Tomás remit de l’ordre dans ses pensées.

— Toute cette enquête a fini par me conduire au Tibet, où j’ai rencontré Tenzing Thubten, un moine que vous connaissez bien d’après ce que vous venez de me dire.

— Seulement de réputation, précisa le physicien. Seulement de réputation. Le professeur Siza parlait beaucoup de lui. Il l’appelait le « Petit Bouddha ».

Tomás sourit légèrement.

— Le Petit Bouddha ? C’est bien vu, oui. Son sourire s’effaça et il reprit son récit. Donc, Tenzing m’a raconté une histoire très intéressante, ayant eu lieu en 1951, à Princeton, concernant Einstein, le professeur Siza et lui-même. Le Petit Bouddha, comme vous l’appelez, m’a révélé le contenu secret de La Formule de Dieu, mais pas la formule elle-même, qui est codée. Ensuite, il m’a dit que le professeur Siza l’avait contacté en début d’année pour l’informer qu’il avait découvert une seconde voie pour démontrer l’existence de Dieu. Il paraît que c’était là une condition imposée par Einstein pour pouvoir divulguer son manuscrit. Et il semble que le professeur Siza projetait de faire une annonce publique, destinée à révéler l’existence de ce manuscrit et à rendre public la seconde voie qu’il venait de découvrir.

Tomás fit une pause et pencha la tête, le regard inquisiteur, ce qui sembla affoler son interlocuteur.

— Hmm, murmura Luís, résolu à ne rien dévoiler.

— Alors ? Cette histoire est-elle vraie ?

— Je ne peux rien vous dire.

— Vous ne pouvez rien me dire ?

— Non, je ne peux pas.

— Mais vous étiez un proche collaborateur du professeur Siza. Vous savez forcément ce qui se passait.

Luís Rocha fit un geste d’agacement.

— Écoutez, les recherches du professeur Siza appartiennent au professeur Siza. Lui seul peut parler de ce qu’il a découvert.

— D’après mes informations, il avait l’intention de le faire, n’est-ce pas ?

— Je ne peux rien vous dire.

— Il avait l’intention de le faire, jusqu’à ce qu’il soit enlevé par des agents du Hezbollah commandités par l’Iran.

Le physicien hésita.

— Des agents du quoi ?

— C’est une histoire très compliquée, professeur Rocha. Il semblerait que votre mentor ait fait des déclarations ambigües et imprudentes lors d’un colloque international, des déclarations qui ont été entendues et mal comprises par des oreilles indiscrètes. Les paroles du professeur Siza ont été interprétées comme une allusion à une formule d’Einstein permettant la production d’une arme nucléaire bon marché et facile à concevoir ; et c’est ce malentendu qui a conduit à son enlèvement.

Luís Rocha le regarda d’un air dubitatif.

— Mais comment savez-vous tout ça ?

— Disons… qu’il m’a fallu participer aux efforts pour localiser le professeur Siza. Je vous en avais déjà parlé lors de notre première rencontre, vous vous rappelez ?

— En effet, mais j’ignorais qu’on avait découvert tant de choses concernant la disparition du professeur. Il a été enlevé et emmené en Iran à cause du manuscrit d’Einstein, dites-vous ?

— Oui.

— Vous en êtes sûr ?

— Absolument.

— Mais c’est complètement… délirant ! Il secoua la tête, comme s’il cherchait à se réveiller. Jamais je n’aurais imaginé une chose pareille !

— Peut-être, mais c’est bien ce qui est arrivé.

— C’est incroyable !

Tomás se pencha en avant, brûlant d’obtenir l’information dont il avait désespérément besoin.

— Dites-moi, professeur. Quelle était la seconde voie découverte par le professeur Siza ?

Le physicien digérait encore la révélation que venait de lui faire l’historien et le regarda d’un air embarrassé.

— Excusez-moi, mais il faudra attendre que… le professeur Siza soit libéré pour pouvoir en parler. Comme vous pouvez le comprendre, il s’agit d’une recherche conduite par lui et je… ne peux rien divulguer. J’ai un devoir de loyauté et de confidentialité. Quoi qu’il en soit, il me paraît important…

— Professeur Rocha.

— … d’entrer en contact avec les ravisseurs du professeur Siza pour…

— Professeur Rocha.

— … dissiper ce stupide malentendu.

Tomás fixa du regard son intarissable interlocuteur.

— Professeur Rocha, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer.

— Oui ?

— Le professeur Siza est mort.

Il y eut un bref silence d’ahurissement.

— Comment ?

— Le professeur Siza est décédé dans sa geôle. Les Iraniens étaient en train de l’interroger lorsqu’il est mort. Il baissa la tête, navré d’être le porteur de la nouvelle. Je suis désolé.

Luís Rocha entrouvrit les lèvres, consterné. Il mit sa main devant la bouche et, les yeux grands ouverts, il considéra les conséquences de la révélation que l’historien venait de lui faire.

— Quelle… atroce nouvelle, balbutia-t-il. Comment cela s’est-il passé ?

— Il est mort pendant l’interrogatoire.

— Quelle horreur ! Et… quand annoncera-t-on cette nouvelle ?

— Il n’y aura aucune annonce, dit Tomás. Cette information, bien que vraie, n’est pas officielle. Les Iraniens ne reconnaîtront jamais qu’ils ont enlevé le professeur Siza et encore moins qu’il soit mort entre leurs mains. Ils ne diront rien. Le professeur Siza ne réapparaîtra jamais plus, c’est tout. Vous comprenez ?

Le physicien hocha la tête, cherchant encore à intégrer l’information.

— Mais dans quel monde vivons-nous !

Tomás le laissa digérer encore une minute la nouvelle de la mort de son maître.

— Écoutez, professeur, reprit-il. La vie d’une deuxième personne est en danger en ce moment à cause du même manuscrit et du même malentendu. Pour la sauver, j’ai besoin d’une information cruciale. Vous seul pouvez m’aider.

Luís Rocha, un peu moins ébranlé à présent, répondit.

— Je vous écoute.

— J’ai besoin de savoir quelle est la seconde voie découverte par le professeur Siza. Vous la connaissez ?

— Bien sûr que je la connais, répliqua aussitôt le physicien. Le professeur Siza et moi n’avons rien fait d’autre ces dernières années que travailler dessus.

— Alors, pourriez-vous me l’expliquer ?

— C’est que… il s’agit d’une recherche menée par le professeur Siza et…

— Le professeur Siza est mort, vous entendez ? coupa Tomás, avec impatience. Et il me faut connaître cette seconde voie pour empêcher qu’une autre personne meure pour les mêmes raisons.

Luís Rocha hésita à nouveau.

— Mais ne pensez-vous pas qu’il serait indécent que je divulgue maintenant ses recherches ?

— Écoutez, Siza est mort, insista Tomás, en faisant preuve de toute la patience dont il était encore capable. Plus rien de tout ça ne compte à présent. Rien ne vous empêche de publier un article dans une revue scientifique ou même un livre donnant tous les détails de la découverte de la seconde voie, ainsi que toutes les précisions concernant le manuscrit d’Einstein. Le professeur Siza n’est plus là pour faire cette annonce publique, annonce que lui-même, si j’ai bonne mémoire, projetait de publier.