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— Bonjour Tomás, dit une voix familière. Excusez-moi d’interrompre vos retrouvailles.

C’était Greg.

— Bonjour.

— Je suis désolé pour la mort de votre père… Enfin, les circonstances ne sont pas faciles, mais nous avons un travail à terminer.

Tomás s’écarta d’Ariana, mais ne tendit pas la main à l’Américain ; il considérait ne rien lui devoir et rien ne l’obligeait à être poli après tout ce qui s’était passé.

— Oui.

— Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai pris un gros risque en annulant le vol de la CIA vers Islamabad. Quand vous m’avez téléphoné, nous étions déjà en route vers l’aéroport et j’ai eu beaucoup de mal à convaincre Langley que vous aviez vraiment rempli votre part du contrat, et qu’il nous fallait donc remplir la nôtre.

— Qu’attendez-vous Greg ? demande Tomás sur un ton agacé. Que je vous remercie ?

— Non, je n’attends rien de tel, dit Greg, en gardant un ton professionnel. J’attends seulement que vous me montriez le message qu’Einstein a caché dans son manuscrit. Monsieur Bellamy lui-même m’a déjà appelé deux fois pour connaître la réponse.

Les premières gouttes commencèrent à tomber, d’abord timides, puis insistantes. Tomás jeta un regard circulaire, comme s’il cherchait quelque chose. Ils se trouvaient près du portail du cimetière et il restait encore beaucoup de gens venus à l’enterrement, la plupart ouvrant des parapluies noirs et se dispersant à la hâte sur le trottoir.

— Il faudrait aller dans un endroit discret où nous puissions nous asseoir.

L’Américain pointa son doigt vers l’énorme limousine de l’ambassade, garée quelques mètres plus loin.

— Allons là-bas.

La limousine était spacieuse, les banquettes sur toute la largeur de l’habitacle étaient disposées autour d’une petite table. Tomás et Ariana s’assirent côte à côte. Greg s’installa à son tour et referma la portière. Les autres Américains, sans doute des agents de sécurité, restèrent dehors, sous l’averse.

— Whisky ? proposa l’attaché de l’ambassade, en levant une tablette découvrant un minibar.

— Non, merci.

La pluie frappait le toit de la voiture en un crépitement continu.

Greg se servit un whisky on the rocks et se tourna vers l’historien.

— Alors, où est le message ?

Tomás plongea la main dans la poche de sa veste et en sortit la feuille froissée, qu’il montra à l’attaché.

Greg jeta un œil et vit le message.

— Excusez-moi, mais qu’est-ce que c’est ?

— C’est la formule codée.

— J’avais compris. Mais où est le message déchiffré ?

Tomás indiqua la première ligne.

— Vous voyez ce See sign ?

— Oui.

— C’est une anagramme. En changeant l’ordre des lettres, on découvre que See sign se transforme en Genesis. Autrement dit, Einstein a voulu dire : See the sign in Genesis. C’est-à-dire : « Regardez le signe dans la Genèse ».

— Le signe dans la Genèse ? Quel signe ?

Le cryptologue serra les lèvres.

— En effet, c’est le problème. Quel signe ?

Il désigna du doigt le ! ya ovqo de la seconde ligne.

— Cette formule finale devrait répondre à cette question. Il ne s’agit pas d’une anagramme, mais d’un code par substitution, ce qui complique beaucoup les choses car il faut une clé pour le déchiffrer. On m’a dit que la clé était le nom d’Einstein, ce qui supposait un code de type César. Mais toutes mes tentatives avec le code de César et le nom d’Einstein se sont révélées infructueuses.

— Et quelle est la tentative qui a réussi ?

Tomás prit un air embrassé.

— Eh bien… aucune n’a réussi.

— Pardon ?

— Aucune n’a réussi.

Greg afficha une mine perplexe.

— Excusez-moi, mais vous vous moquez de moi ? Vous n’avez toujours pas décodé le message ?

— Non.

Une rougeur d’irritation monta au visage de l’Américain.

— Bon Dieu Tomás ! Que m’avez-vous raconté au téléphone ? Ne m’avez-vous pas dit que vous aviez réussi ? Hein ? Que vous aviez trouvé la clé ?

— En effet.

— Et alors ? Qu’est-ce que je fais ici ?

Tomás sourit pour la première fois ce jour-là, particulièrement satisfait d’avoir irrité son interlocuteur.

— Vous êtes ici pour assister au déchiffrage du code.

Greg cligna des yeux, interloqué.

— Excusez-moi, je ne comprends pas.

— Écoutez, j’ai trouvé la clé, soyez tranquille. Le problème, c’est qu’avec la mort de mon père, je n’ai pas encore eu le temps, ni l’humeur pour déchiffrer le code, vous comprenez ?

— Ah… OK.

— Nous allons le déchiffrer maintenant, d’accord ?

— Très bien.

Tomás tira une enveloppe de sa poche, son papier était jauni par le temps, et son cachet déchiré. Il glissa ses doigts à l’intérieur et en sortit une petite feuille également jaunie. Au recto de la feuille figurait la référence Die Gottesformel avec la signature d’Einstein dessous, et au verso apparaissait une suite de lettres griffonnées à l’encre.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Greg avec une grimace.

— C’est la clé.

— La clé du code ?

— Oui. Il se redressa. Il semblerait qu’Einstein ait remis au professeur Siza le manuscrit intitulé Die Gottesformel, à la condition que son disciple ne le rende public que s’il parvenait à découvrir une seconde voix scientifique pour prouver l’existence de Dieu. Il va de soi que l’auteur des théories de la relativité ne voulait pas se couvrir de ridicule. Il lui fallait une preuve qui confirme ce qu’il avait découvert par son analyse relativiste des six jours de la Création ; il désigna le feuille froissée avec les deux lignes codées. Il prit la précaution supplémentaire de coder la formule de Dieu. Le problème, c’est que le code était complexe et qu’il craignait qu’on ne puisse le déchiffrer. Il glissa alors la clé dans une enveloppe et la cacheta, avant de la remettre au professeur Siza à la condition qu’il ne l’ouvre qu’après avoir découvert la seconde voie. Il agita la note qu’il avait sortie de l’enveloppe cachetée. Or, les hommes du Hezbollah qui ont enlevé le professeur et emporté le manuscrit à Téhéran ne connaissaient pas l’existence de cette enveloppe. Le collaborateur du professeur Siza, le professeur Luís Rocha, ne connaissait pas non plus l’histoire de cette enveloppe, mais il savait que son tuteur lui attachait beaucoup d’importance, aussi, craignant que les voleurs reviennent pour la chercher, il l’a remise à mon père.

— C’est votre père qui l’avait ?

— Oui, je ne l’ai appris qu’au cours de notre dernière conversation ; mon père était très ami avec le professeur Siza, dont il était le collègue à l’université de Coimbra, c’est pourquoi le professeur Luís Rocha avait pensé que l’enveloppe serait en sécurité entre les mains de mon père.

— Et votre père savait de quoi il s’agissait ?

— Non, il n’en avait pas la moindre idée. Comme c’était un homme très curieux, il avait décacheté l’enveloppe et regardé à l’intérieur. Il montra le côté de la feuille où se trouvait la signature d’Einstein. Il avait compris qu’il s’agissait d’une note écrite de la main d’Einstein, ainsi que le prouve cette signature, mais il avait pensé qu’il ne s’agissait que d’une simple relique, rien d’important.