Выбрать главу

Les Iraniens venaient d’entrer dans le bâtiment et commençaient la fouille. Les deux hommes comprirent tout de suite que le chemin du rez-de-chaussée était coupé.

Coupé.

Il n’y avait plus d’échappatoire. Leur terreur était indescriptible. Le cercle s’était refermé plus vite qu’ils l’espéraient, les Iraniens se rapprochaient rapidement.

Toutes les lumières du bâtiment s’allumèrent à cet instant et leur terreur se transforma en panique absolue. Toujours figés sur le palier, ils regardèrent fébrilement autour d’eux, cherchant une autre sortie, une porte, un trou, quelque chose. Ils écoutèrent les bruits et les voix qui venaient du rez-de-chaussée, les Iraniens resserraient le cercle et commençaient à monter les marches quatre à quatre.

Déterminé, Bagheri attrapa Tomás par le bras et ils remontèrent jusqu’au deuxième étage, à présent parfaitement éclairé. Ils s’engagèrent dans un couloir, tentant désespérément de trouver l’escalier de service, leur ultime recours.

— Ist !

Le cri qui les sommait de s’arrêter retentit derrière eux, quelque part au fond du couloir, c’était une voix rauque, gutturale, mais suffisamment claire pour qu’ils comprennent, à cet instant précis, que l’inévitable venait de se produire.

On les avait localisés.

— Ist !

Ils coururent jusqu’au bout du couloir et ouvrirent une porte coupe-feu. Il s’agissait bien de l’escalier de secours, une structure métallique en colimaçon. Bagheri attrapa la rampe et dévala les premières marches, suivi de Tomás dont les jambes flageolaient, mais ils s’arrêtèrent net, tétanisés par de nouveaux bruits. Des soldats montaient précipitamment l’escalier.

Cette issue était également coupée.

Ils firent demi-tour et remontèrent jusqu’au deuxième étage, mais sans reprendre le couloir où ils avaient été repérés. Ils choisirent de remonter jusqu’au troisième étage et de suivre le couloir qui menait à la pièce du coffre-fort. Des gardes en surgirent aussi.

— Ist ! hurlèrent les hommes armés, les sommant une nouvelle fois de s’arrêter.

Bagheri atteignit la porte de la salle de réunion et s’y engouffra, suivi par Tomás. L’historien, brisé par l’effort, jeta la boîte contenant le manuscrit sur la longue table et se laissa tomber sur une chaise, abattu par la fatigue et le désespoir.

— C’est fichu ! s’exclama-t-il entre deux bouffées d’air.

— C’est ce que nous allons voir, répondit Bagheri.

L’énorme Iranien ouvrit précipitamment sa sacoche et en sortit un revolver.

— Vous êtes fou ?

Bagheri épia l’entrée, avança le bras hors de la porte, pointa le bout du couloir, à droite, et tira.

Deux coups de feu retentirent.

— Un de moins, commenta l’Iranien avec un sourire de mépris.

Tomás n’en croyait pas ses yeux.

— Mossa ! cria-t-il. Vous êtes devenu fou !

Bagheri perçut un mouvement à gauche et pivota aussitôt, en visant l’autre bout du couloir, vers l’escalier de secours.

Il tira à nouveau.

— Encore deux, grogna Bagheri.

— Mossa, écoutez, implora Tomás. Maintenant ils vont aussi nous accuser d’homicide. Vous aggravez notre cas !

Bagheri le regarda.

— Vous ne connaissez pas ce pays, répliqua-t-il sèchement. Rien n’est plus grave que le vol que nous avons commis. Tuer quelques hommes n’est rien à côté.

— Peu importe, riposta l’historien. Tuer quelques hommes n’arrangera pas nos affaires.

L’Iranien épia à nouveau le couloir et, voyant que les poursuivants avaient reculé, il reprit sa sacoche. De la main droite, il tenait son revolver, tandis que de la main gauche il fouillait dans son sac.

— Ils ne nous auront pas, insista-t-il, en grinçant des dents.

Sa main s’immobilisa dans le sac. Après une courte pause, sa grande main réapparut avec deux objets blancs. Tomás se pencha.

Des seringues.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il, l’œil méfiant.

— Potassium de chlorite.

— Pour quoi faire ?

— Pour que vous vous l’injectiez.

Tomás prit un air étonné et porta sa main à la poitrine.

— Pour que je me l’injecte ? Mais pourquoi ?

— Pour ne pas être pris vivant.

— Vous êtes fou.

— Ce qui serait fou, c’est qu’on nous attrape vivants.

— Vous êtes vraiment fou.

— Ils vont nous torturer à mort, expliqua Bagheri. Ils vont nous torturer jusqu’à ce qu’on leur avoue tout et ensuite ils nous tueront quand même. Mieux vaut prendre les devants.

— Peut-être qu’ils ne nous tueront pas.

— Je n’ai aucun doute qu’ils nous tuent, mais peu importe, rétorqua l’Iranien. Il brandit les seringues. Ce sont les ordres de Langley.

— Comment ça ?

— Langley m’a donné des instructions pour ne pas nous laisser prendre vivants si nous étions détectés. Les conséquences sur la sécurité seraient incalculables.

— Je m’en fous.

— Que vous vous en foutiez ou non, ça ne m’intéresse pas. Un bon agent doit accepter, parfois, de se sacrifier pour le bien commun.

— Je ne suis l’agent de personne. Je suis…

— Vous êtes, en ce moment, un agent de la CIA, coupa Bagheri, s’efforçant de ne pas élever la voix. Que vous le vouliez ou non, vous êtes impliqué dans une mission très importante et vous détenez des informations qui, si elles tombaient aux mains des Iraniens, causeraient un grave préjudice aux États-Unis et augmenterait l’insécurité internationale. Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise. Il fit un geste vers le couloir. Ils ne doivent pas nous attraper vivants.

L’historien fixa des yeux les seringues et secoua la tête.

— Je ne m’injecterai pas ça.

Bagheri tourna son revolver et, tendant toujours son autre main avec les seringues, s’avança vers Tomás.

— Si, vous allez le faire. Et tout de suite.

— Non. Je n’en suis pas capable.

L’Iranien pointa son arme vers la tête de Tomás.

— Écoutez-moi bien, dit-il. Nous avons deux options. Il brandit une nouvelle fois les seringues. La première est que vous vous injectiez ce produit. Je vous promets une mort indolore. Le potassium de chlorite, en circulant dans les veines, provoque aussitôt un arrêt du muscle cardiaque. C’est la solution utilisée par les médecins pour mettre fin à la vie des malades en phase terminale et à laquelle recourent certains États américains pour exécuter les condamnés à morts. Comme vous le voyez, vous ne souffrirez pas. Il brandit à présent le revolver. La seconde option est de recevoir deux balles dans la tête. Vous ne souffrirez guère plus, mais c’est une méthode plus brutale. Du reste, je préférerais garder ces deux balles pour liquider un autre des salopards qui nous cernent. Il fit une pause. Vous avez compris ?

Le regard de Tomás hésita entre les deux options. La seringue ou le revolver. La seringue ou le revolver. La seringue ou le revolver.

— Je… laissez-moi réfléchir…

Il chercha à gagner du temps, aucune des solutions ne lui convenait. D’ailleurs, il ne les considérait pas comme des solutions. Il n’était qu’un professeur d’histoire, pas un agent de la CIA ; il conservait l’espoir, presque la certitude, que les Iraniens, en leur expliquant bien, comprendraient cette évidence.

— Alors ?

— Je… je ne sais pas…