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— Voilà qui explique beaucoup de choses, s’exclama Ariana. Mais pourquoi a-t-il fait ça ?

— Parce qu’il voulait que ses découvertes soient confirmées avant d’être divulguées.

— Comment ça ?

— Nous allons y venir, dit Tenzing, en faisant un geste de la main. Mais, d’abord, il conviendrait peut-être de comprendre ce qu’Einstein a finalement découvert.

— Tout à fait.

— En étudiant les Psaumes, un texte hébraïque de plus de trois mille ans, Einstein est tombé sur un verset, dans le psaume 90, qui disait plus ou moins ceci. Tenzing se concentra pour retrouver le texte dans sa mémoire. « Mille ans, à Tes yeux, sont comme un jour qui passe. » Le bouddhiste fixa des yeux les deux visiteurs. Mille ans sont comme un jour qui passe ? Mais que signifie cette observation ? N’est-ce qu’une métaphore ? Einstein a conclu qu’il s’agissait d’une métaphore, mais en fait le psaume 90 renvoya aussitôt Einstein à ses propres théories de la relativité. « Mille ans, à Tes yeux » représente le temps dans une perspective, « un jour qui passe » représente la même période de temps sous une autre perspective.

— Je ne vous suis pas, dit Tomás.

— C’est simple, avança Ariana, les yeux écarquillés par l’excitation de la compréhension. Le temps est relatif.

— Comment ?

— Le temps est relatif, répéta-t-elle.

— La demoiselle est intelligente, dit Tenzing. C’est exactement ce qu’Einstein a pensé en lisant le psaume 90. Le temps est relatif. C’est ce que disent les théories de la relativité.

— Excusez-moi, mais ça me paraît un peu tiré par les cheveux, argumenta Tomás.

Le Bodhisattva respira profondément.

— Que savez-vous sur la conception du temps dans les théories de la relativité ?

— Je sais ce que tout le monde sait, dit Tomás. Je connais le paradoxe des jumeaux, par exemple.

— Pouvez-vous l’énoncer ?

— Eh bien… Autant que je sache, Einstein disait que le temps passait à des vitesses différentes selon la vitesse du mouvement dans l’espace. Pour mieux l’expliquer, il a donné l’exemple de la séparation de deux jumeaux. Le premier s’en va à bord d’une navette spatiale très rapide et l’autre reste sur terre. Celui qui est dans la navette spatiale revient au bout d’un mois sur terre et découvre que son frère est maintenant un vieil homme. Pendant qu’un mois s’écoulait dans la navette spatiale, cinquante ans s’écoulaient sur terre.

— Oui, c’est ça, acquiesça Tenzing. Le temps est lié à l’espace comme le yin est lié au yang. En termes techniques, les deux choses se distinguent si peu l’une de l’autre que l’on a même créé le concept d’espace-temps. Le facteur clé est la vitesse, dont la référence est celle de la lumière, qu’Einstein a établie comme étant constante. Ce que les théories de la relativité nous révèlent, c’est que le temps, à cause de la constante de la vitesse de la lumière, n’est pas universel. On pensait autrefois qu’il y avait un temps unique global, une sorte d’horloge invisible commune à tout l’univers et qui mesurait le temps de la même manière en tous lieux, mais Einstein a prouvé qu’il n’en était pas ainsi. Il n’y a pas un temps unique global. Le cours du temps dépend de la position et de la vitesse de l’observateur. Il plaça ses deux index côte à côte. Supposons que se produisent deux événements, le A et le B. Pour un observateur qui se trouve à équidistance, ces événements ont lieu simultanément, mais un autre observateur qui se trouve plus près de l’événement A va considérer que celui-ci s’est produit avant l’événement B, tandis que celui qui se trouve plus près de B va considérer le contraire. En fait, les trois observateurs ont raison. Mieux, ils ont raison selon leur point de référence, dès lors que le temps est relatif à la position de l’observateur. Il n’y a pas de temps unique. Est-ce clair ?

— Oui.

— Tout cela signifie donc qu’il n’y a pas un présent universel. Ce qui est présent pour un observateur est passé pour un autre et futur pour un troisième. Comprenez-vous ce que cela veut dire ? Une chose n’est pas encore arrivée et elle est déjà arrivée. Yin et yang. Tel événement est inévitable parce qu’il s’est déjà produit à un point et qu’il va se reproduire à un autre, même si on ne le voit pas.

— Voilà qui est étrange, non ?

— Très étrange, concéda le Bodhisattva. Et, pourtant, c’est ce que disent les théories de la relativité. En outre, cela cadre avec l’affirmation de Laplace selon laquelle le futur, tout comme le passé, se trouve déjà déterminé. Il se tourna vers Tomás. Pour en revenir au paradoxe des jumeaux, il est important d’établir que la perception temporelle de l’observateur dépend de la vitesse à laquelle il se déplace. Plus son déplacement se rapproche de la vitesse de la lumière, plus son horloge tourne lentement. Mais pour cet observateur le temps reste normal, une minute continue d’être une minute. Ce n’est que pour celui qui se déplace à une vitesse moindre que l’horloge du premier observateur semble plus lente. De même, l’observateur qui circule à une vitesse proche de celle de la lumière verra la terre tourner autour du soleil à une très grande vitesse. Et il lui semblera que le temps de la terre s’accélère, qu’une année passe en une seconde, mais, sur terre, un an continuera à être un an.

— Mais ça n’est que de la théorie ?

— En fait, cela a déjà été prouvé, répondit Tenzing. En 1972, on a placé une horloge de haute précision à bord d’un jet très rapide, pour ensuite comparer sa mesure du temps avec celle d’une autre horloge de haute précision restée à terre. Quand l’appareil volait vers l’est, l’horloge qui se trouvait à bord a perdu soixante nanosecondes par rapport à celle qui était au sol. Lorsque l’avion s’est dirigé vers l’ouest, l’horloge volante a gagné plus de deux cent soixante-dix nanosecondes. Cette différence procède, évidemment, de l’association de la vitesse du jet avec celle de la rotation de la terre. Quoi qu’il en soit, tout cela a été confirmé par les astronautes du Space Shuttle.

— Hum…

— Bien, venons-en à présent au point crucial, celui de la gravité. Le vieux Tibétain se redressa. L’une des choses qu’Einstein a découvertes est que l’espace-temps était courbe. Quand une chose s’approche d’un objet très grand, comme le soleil, elle est attirée par cette énorme masse, comme si, soudain, elle arrivait au bord d’un gouffre. C’est ce qui explique la gravité. L’espace se courbe et, comme l’espace et le temps sont liés, le temps se courbe également. Ce que la théorie de la relativité générale a révélé, c’est que le passage du temps est plus lent en des lieux de forte gravité et plus rapide en des lieux de faible gravité. Ceci entraîne diverses conséquences, toutes liées entre elles. La première est que chaque objet existant dans le cosmos possède sa propre gravité, résultant de ses caractéristiques, ce qui signifie que le temps passe d’une manière différente en chaque point de l’univers. La deuxième conséquence est que le temps sur la lune est plus rapide que le temps sur la terre et le temps sur terre est plus rapide que le temps sur le soleil. Plus un objet a de masse, plus le temps est lent à sa surface. Les objets connus les plus chargés en gravité sont les trous noirs, ce qui signifie que si une navette s’approchait d’un trou noir, l’équipage verrait défiler sous ses yeux l’histoire de l’univers en accéléré, jusqu’à sa fin.

— C’est extraordinaire, commenta Tomás. Mais quel est le rapport avec notre question ?