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— Incroyable.

— Et nous arrivons au sixième jour biblique, qui commença voilà 250 millions d’années. Le Tibétain parcourut du doigt quelques lignes plus bas. Selon la Bible, Dieu dit : « Que la Terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce. » Et, plus loin, Dieu ajoute : « Faisons l’Homme. » Il leva la tête. Intéressant, non ?

— Mais les animaux existent depuis plus de 250 millions d’années, argumenta Ariana.

— Bien sûr qu’ils existent, concéda Tenzing. Mais pas ces animaux.

— Que voulez-vous dire ?

Le Bodhisattva fixa Ariana des yeux.

— Dites-moi, mademoiselle. En terme biologique, savez-vous ce qui s’est produit il y a exactement 250 millions d’années ?

— Eh bien… Il y a eu une grande extinction, c’est ça ?

— Tout à fait. Il y a 250 millions d’années, s’est produit la plus grande extinction d’espèce connue. Pour une raison qui reste indéterminée, mais que certains supposent liée à un impact d’un grand corps céleste dans L’Antarctique, environ quatre-vingt-cinq pour cent des espèces existantes se sont éteintes du jour au lendemain. Même un tiers des insectes a disparu, la seule extinction massive d’insectes connue. Cette extinction a failli éradiquer toute vie sur terre. Ce grand cataclysme s’est produit précisément il y a 250 millions d’années. Curieusement, au moment où commence le sixième jour biblique. Il fit une pause. Après cette monumentale extinction massive, la terre a été repeuplée. Il regarda de nouveau le livre ouvert dans ses mains. Avez-vous déjà remarqué cette référence explicite de la Bible aux reptiles selon leur espèce ?

— Serait-ce les dinosaures ?

— On en a l’impression. Du reste, cela coïncide avec la période. Et, remarquez également que l’homme surgit à la fin. C’est-à-dire à la fin de la chaîne de l’évolution.

— C’est… surprenant, commenta Ariana. Mais pensez-vous que cela signifie qu’il y a eu création et non évolution ?

— Bêtise ! rétorqua Tenzing. Bien sûr qu’il y a eu évolution. Mais ce qui est intéressant dans le travail d’Einstein, c’est que l’histoire biblique de l’univers, quand le temps est mesuré d’après les fréquences de la lumière prévue par la théorie du Big Bang, cadre avec l’histoire scientifique de l’univers.

Tomás s’éclaircit la voix.

— Tel est donc le contenu du manuscrit d’Einstein ?

— Oui.

— Cela signifie alors qu’il estimait que la Bible est vraie…

Le Bodhisattva secoua la tête.

— Pas exactement.

— Non ? C’est-à-dire…

— Einstein ne croyait pas au Dieu de la Bible, il ne croyait pas en un Dieu mesquin, jaloux et vaniteux qui exige adoration et fidélité. Il considérait que le Dieu de la Bible était une construction humaine. Mais, en même temps, il est arrivé à la conclusion que la sagesse antique renfermait des vérités profondes et il se prit à croire que l’Ancien Testament cachait un grand secret.

— Un grand secret ? Quel secret ?

— La preuve de l’existence de Dieu.

— Quel Dieu ? Le Dieu mesquin, jaloux et vaniteux ?

— Non. Le véritable Dieu. La force intelligente qui est derrière tout. Le Brahman, la Darmakâya, le Tao. L’un qui se révèle multiple. Le passé et le futur, l’Alpha et l’Oméga, le yin et le yang. Celui qui se présente sous mille noms qui n’en sont qu’un. Celui qui revêt les habits de Shiva et qui exécute la danse cosmique. Celui qui est immuable et impermanent, grand et petit, éternel et éphémère, la vie et la mort, tout et rien. D’un geste, il balaya tout ce qui les entourait. Dieu.

— Einstein croyait que l’Ancien Testament dissimulait la preuve de Dieu ?

— Non.

Tomás regarda Tenzing, interloqué.

— Excusez-moi, je ne comprends plus. Il me semblait que vous aviez dit qu’Einstein pensait que la Bible cachait ce secret.

— Il a commencé à y croire, oui.

— Et ensuite il a cessé d’y croire ?

— Non.

— Alors ? Je ne comprends pas…

— En fait, le sujet a cessé d’être pour lui matière à créance.

— C’est-à-dire ?

— Einstein a découvert cette preuve.

Il y eut un bref silence, durant lequel Tomás s’efforça de mesurer l’implication de cette révélation.

— Il a découvert la preuve ?

— Oui.

— La preuve de l’existence de Dieu ?

— Oui.

— Vous êtes sûr ?

— Absolument. Il a trouvé la formule sur laquelle tout repose. La formule qui génère l’univers, qui explique l’existence, qui fait de Dieu ce qu’Il est.

Tomás et Ariana se regardèrent. L’Iranienne avait l’air perplexe, mais ne fit aucun commentaire. L’historien fixa de nouveau le vieux Tibétain.

— Et où se trouve cette formule ?

— Dans le manuscrit.

— Dans Die Gottesformel ?

— Oui.

Tomás se tourna encore une fois vers Ariana. La jeune femme haussa les épaules, comme pour indiquer qu’elle n’avait rien remarqué en lisant le document.

— À quel endroit du texte ?

— Elle est cachée.

L’historien se frotta le menton, songeur.

— Mais pour quelle raison Einstein l’a-t-il cachée ? Ne pensez-vous pas que s’il avait vraiment découvert la preuve de l’existence de Dieu, il l’aurait naturellement divulguée au monde entier ? Pour quelle raison aurait-il caché une découverte si… extraordinaire ?

— Parce qu’il lui fallait encore vérifier certaines choses.

— Vérifier quoi ?

Tenzing respira profondément.

— Tout ce travail a été mené entre 1951 et 1955, année de la mort d’Einstein. Le problème, c’est que ces fameuses fréquences de lumière générées par le Big Bang n’étaient à cette époque qu’une simple prévision théorique émise peu de temps auparavant, en 1948. Comment l’auteur des théories de la relativité aurait-il pu affirmer catégoriquement que les six jours de la Création correspondaient aux 15 000 millions d’années de l’existence de l’univers, dès lors que ses calculs se fondaient sur la prévision de certaines fréquences dont l’existence se réduisait à une simple hypothèse académique ? En outre, à cette époque, il n’existait pas encore de calculs sur l’âge de l’univers aussi rigoureux que ceux dont on dispose aujourd’hui. N’oubliez pas, d’autre part, que la communauté scientifique de l’époque plaçait la théorie du Big Bang sur le même pied d’égalité que la théorie de l’univers éternel. Dans ces conditions, comment Einstein aurait-il pu risquer sa réputation ?

Tomás hocha affirmativement la tête.

— Ça se tient…

— Einstein estima qu’il ne pouvait pas s’exposer au ridicule et c’est pourquoi il prit deux précautions. La première fut de laisser toutes ses découvertes consignées dans un manuscrit qu’il intitula Die Gottesformel. Mais, craignant que le document tombe entre de mauvaises mains, il prit soin de crypter subtilement le texte, afin d’empêcher toute personne, excepté Augusto et moi, de comprendre le document. Enfin, par mesure de sécurité, il a codé explicitement la preuve de l’existence de Dieu, en utilisant un système de double chiffrage.