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Ce fonctionnaire faillit s'évanouir à la vue du notaire que le cocher tirait du fiacre.

— Souper d'affaires! prononça le notaire en essayant de reprendre sa solennité, souper à la chambre des notaires...

Cabassol, Matassin et les deux dames étaient descendues de voiture et pénétraient dans la maison à la suite du notaire. Madame Taparel entendant du bruit dans l'escalier, ouvrit elle-même et poussa une exclamation...

— Affaire Badinard! murmura son mari... affaire Badinard!

Gabassol s'inclina, tant bien que mal, devant l'épouse de M e Taparel, Paul passa le dernier avec Cornélie et Veloutine, un peu surprises à la vue de la respectable notairesse qui était tombée dans un fauteuil et paraissait sur le point de s'évanouir.

— Passons à l'étude, balbutia le notaire, c'est une affaire d'étude...

Et prenant une lampe, il ouvrit la porte de communication avec l'étude. Ses compagnons le suivirent et s'installèrent du mieux qu'ils purent sur les chaises des clercs. Paul Matassin et les deux jeunes dames se trouvaient dans un état d'ahurissement impossible à décrire.

— Elle esl forte celle-là! En voilà un oncle! murmurait Cornélie à l'oreille de Veloutine.

Le notaire était rentré dans ses appartements ; on pouvait l'entendre donner des explications embarrassées sur sa conduite à la pauvre M me Taparel. Enfin il revint en poussant des soupirs de soulagement; sans doute il avait réussi à lui faire comprendre que les affaires sont les affaires.»

M Taparel se mit au bureau du principal clerc et tira un papier de. son portefeuille.

— N° 1, dit-il, M. Matassin... Rayé!

Et comme M. Paul le regardait sans comprendre.

— Souvenez-vous de Badinard ! dit le notaire avec sévérité.

Un assez long silence suivit ces paroles mystérieuses; chacun semblait mal à l'aise, sauf Cabassol qui dormait déjà du sommeil du juste sur un bureau.

— Oh I que j'ai mal à la tête ! exclama >mfinM e Taparel.

— Je voudrais bien du thé! gémit M lle Gornélie.

— Mon enfant, je n'ai rien à vous refuser ; je vais dire à la cuisinière de nous préparer une forte infusion, ça nous fera du bien à tous.

Une bonne tasse de thé bouillant ranima un peu les esprits des victimes de Badinard, le notaire avait toujours mal à la tête, mais il se sentait plus solide,

Le mystère de l'Arc de triomphe.

Paul allait à peu près bien, quant aux deux jeunes dames, les couleurs leur revenaient à vue d'oeil.

Seul Gabassol dormait toujours.

A huit heures, un peu avant l'arrivée des clercs, M 0 Taparcl empila dans

La Cn du souper.

une voiture ceux qu'il appelait ses clients pour détourner les soupçons de son concierge. Gabassol, toujours endormi, fut conduit dans le cabinet du notaire où il put continuer son somme en toute tranquillité.

Qu'étaient devenues cependant les vingt-deux dames invitées à un souper monstre et empilées dans les cinq voilures retenues par M e Taparel? Nous avons dit que, sur les instructions du notaire, les cinq cochers, au lieu de suivre la première voiture, étaient partis en file, dans les petites rues pour gagner les Champs-Elysées. Ces dames ne s'étaient aucunement aperçues de la manœuvre, elles riaient d'avance en pensant au souper de l'oncle de C i-te]naudary. En apercevant les premiers arbres des Champs-Elysées, elles eurent un moment d'étonnement, mais se rappelèrent que l'oncle avait parlé d'une petite promenade pour ouvrir L'appétit.

— Nous allons faire une partie de campagne! se crièrent-elles de voiture à voiture.

Et les rires recommencèrent avec quelques chansons répétées en chœur d'une voix aiguë.

Tout à coup les voitures s'arrêtèrent, les cochers descendirent et ouvrirent les portières.

— Nous sommes arrivées?

Surprise de madame Tapa;

— Je ne vois pas de restaurant?

— Allons ! les petites mères, c'est pour vous dégourdir les jambes!

Quand tout le monde fut descendu, les cochers sautèrent vivement sur leurs sièges et repartirent au galop.

— Eh bien, et Gabassol?

— Et l'oncle?

Vingt-deux exclamations retentirent, vingt-deux cris de désespoir.

Le lendemain, les journaux du matin mettaient les populations en rumeur par de sinistres petites notes en tête des faits divers :

LE MYSTÈRE DE L'ARC DE TRIOMPHE.

A la dernière heure, on nous apporte la nouvelle d'une aventure mystérieuse et probablement tragique: Des sergents de ville appelés par des cris lamentables aux environs de l'Arc de triomphe se sont trouvés en présence de vingt-deux jeunes dames en proie à la plus profonde douleur. D'après leurs déclarations, elles avaient été amenées là en voiture par une bande de malfaiteurs, et abandonnées après des scènes de violence épouvantables; tout le quartier, ordinairement tranquille, est en proie à la terreur. A demain des détails plus circonstanciés.

VINGT-DEUX VICTIMES.

Au moment où nous mettons sou? presse, la préfecture de police est en rumeur par suite de la découverte d'un épouvantable crime ou plutôt d'une série de crimes commis dans la-soirée sous les arbres des Cbamps-Élysées. Ces borreurs rappelleraient les agissements de Trop-mann — en plus grand ! — Ce scélérat aurait-il ohé! ohé! i ui qu'a... qui qu'a vu cooo?

lait école? On parle de vingt-deux victimes. Nous lançons nos reporters en campagne. Nous connaissons suffisamment leur flair et leur habileté pour être certain qu'ils seront bientôt sur la pisle des atroces criminels de cette nuit.

UNE TÉNÉBREUSE AFFAIRE.

Une tentative d'enlèvement sans précédent a été déjouée cette nuit par la police. Vingt-deux dames appartenant, dit-on, au meilleur monde, doivent la vie, plus encore, peut-être, à la vigilance des autorités. Enlevées brutalement, jetées dans des fiacres suspects, elles roulaient épouvantées dans la direction du bois de Boulogne. Des passants attardés dans les Champs-Elysées ont entendu leurs cris et donné l'alarme.

Une enquête est ouverte. Nous en dirons' les résultats demain à nos lecteurs.

III

Une soirée à l'ambassade de Zanguebar. — Le Crocodile d'argent. — Négociation d'un emprunt hypothéqué sur trois cents lieues carrées de serpents à sonnettes.

— Monsieur Cabassol! monsieur Cabassoll

— Heinl qu'est-ce que voulez?... Jules!... Cornélie...

Ce n'était ni Jules ni Cornélie, c'était M. Nestor Miradoux qui secouait

L'ambassadrice de Zanguebar.

Cabassol pour le faire sortir d'un sommeil durant depuis plus de six heures. Cabassol se redressa enfin et abandonna le fauteuil de M 0 Taparel. Étonné d'abord, il regarda M. jVÇiradoux sans le reconnaître. Enfin il se rappela tout, l'héritage, le notaire, Bullier, Paul et la première vengeance.

— Je vous demande pardon, dit-il, il me semble que je me suis endormi.

— Oui, un peu, fit le principal clerc, mais vous n'avez pas de temps à perdre, il y a du nouveau !...

— Quoi donc ?

— Pendant que vous vous occupiez de la première affaire, je n'ai pas perdu mon temps, j'ai découvert l'adresse du vicomte de Champbadour. Je rapporte <l«>s indications précieuses sur la vicomtesse de Champbadour : cette dame se promène tous les matins de neuf à dix heures, à cheval, au Bois; c'esl là qu'on peut la rencontrer. Enfin j'ai obtenu pour vous et M e Taparel une invitation pour ce soir à l'ambassade de Zanguebar...