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Alors seulement, Juve, Fandor et les inspecteurs de la police se retirèrent.

À six heures du soir, Juve et Fandor quittaient le Palais de Justice. Les deux amis étaient rompus de fatigue, brisés d’émotion. L’arrestation imprévue de Fantômas, les scènes qui l’avaient marquée, la perpétuelle tension d’esprit où ils étaient demeurés l’un et l’autre, cependant qu’on conduisait le bandit au Dépôt, les avaient accablés.

Fantômas mis en cellule, d’ailleurs, ils n’avaient pas encore pu prendre immédiatement un repos dont ils avaient cependant un impérieux besoin.

Aidé de Fandor, Juve avait dû effectuer une infinité de démarches. M. Havard avait voulu un récit complet et détaillé des derniers événements. Puis le chef de la Sûreté avait vivement prié Juve de l’accompagner au cabinet du procureur général.

Le haut magistrat avait alors longuement entretenu les deux amis.

Après avoir vivement félicité le détective et son inséparable compagnon, Jérôme Fandor, il avait enfin procédé à la désignation d’un juge d’instruction, lequel n’était autre que Germain Fuselier, ce qui avait comblé d’aise le journaliste aussi bien que le policier.

Sortis du cabinet du procureur général, Juve et Fandor s’étaient naturellement rendus au cabinet de M. Fuselier pour lui apprendre les extraordinaires événements qui venaient de se dérouler, pour lui annoncer aussi qu’il allait avoir à conduire, tâche honorifique mais terriblement lourde et périlleuse, la formidable instruction des affaires de Fantômas.

Cette visite, naturellement, avait obligé Juve et Fandor à faire une fois encore le récit des derniers drames survenus.

— Ah mon vieil ami, mon vieil ami, murmurait le journaliste en sortant du Palais de Justice avec Juve.

— Quoi ? Qu’est-ce qui te prend, Fandor ?

— Rien, mais je suis heureux ! Tenez, j’imagine qu’aujourd’hui est la plus belle journée de ma vie. Parbleu, Fantômas est pris, il me semble que tout l’affreux cauchemar qu’était notre vie depuis dix ans va brusquement prendre fin et que rien ne s’opposera plus désormais à ce que je puisse aimer Hélène, et…

— Tais-toi, Fandor.

Le front de Juve s’était brusquement rembruni.

— Nous ne sommes pas au bout de nos peines, déclara-t-il, et j’ai bien peur, Fandor, que tu t’illusionnes en escomptant un bonheur trop prochain. Oui, sans doute, Fantômas est pris, mais Fantômas est pris parce qu’il l’a voulu et il m’a dit : « Souvenez-vous ». Or, je me souviens. Fandor. Il y a un mystère que nous ne soupçonnons pas. Fandor, l’assassinat de lady Beltham, cet assassinat incompréhensible, cache quelque chose d’horriblement inquiétant. Tu me l’as dit toi-même, d’ailleurs. Tu l’as deviné en réfléchissant aux extraordinaires aventures de ces temps derniers, il y a peut-être deux Fantômas, or, nous n’en avons qu’un sous les verrous. Où est Hélène, d’ailleurs ? Que faisait-elle à Enghien ? Quel est le motif de son attitude bizarre ? Fandor, Fandor, il y a encore bien des mystères à deviner, des mystères qui me font peur.

— Juve, je ne vous crois pas, je ne veux pas vous croire, protesta le jeune journaliste et d’abord, Juve, vous l’avez dit ce matin, il y a une lettre d’Hélène qui vous est arrivée. Nous ne l’avons pas ouverte, préoccupés que nous étions tous les deux d’arrêter Fantômas, mais maintenant que le monstre est sous les verrous ; nous allons pouvoir la lire en paix, savoir ce qu’elle nous dit, deviner ce qu’elle nous cache encore, peut-être.

Les deux amis montèrent rapidement à l’appartement de Juve. Fandor, en effet, avait une hâte fébrile de connaître la lettre écrite à Juve par Hélène et dont il n’avait point encore pris connaissance, ayant fait taire ses égoïstes préoccupations pour prêter main forte à Juve, alors que celui-ci arrêtait le terrible Fantômas.

Hélas, une surprise cruelle attendait Fandor.

Quand, en compagnie du policier, en effet, le journaliste, rentré rue Tardieu, chercha dans le cabinet de travail de Juve la lettre d’Hélène, cette lettre qu’il y avait vue deux heures plus tôt, il lui fut impossible de la retrouver.

C’est en vain que Fandor et Juve fouillèrent tout l’appartement, en vain qu’ils bouleversèrent les meubles, qu’ils secouèrent la corbeille à papier. La lettre avait disparu. La lettre avait été volée, la lettre d’Hélène n’était plus chez Juve.

Alors, le malheureux journaliste convaincu de l’inutilité de ses recherches, tomba anéanti sur une chaise, sanglotant presque, et, tandis qu’il demeurait ainsi sans mouvements, à demi évanoui, Juve, tout bas, répétait :

— Fantômas, Fantômas. Est-ce donc Fantômas qui aurait volé cette lettre sans que je m’en sois aperçu ? Et quel était son but ? Que pouvait donc écrire Hélène ?

3 – À LA RECHERCHE D’HÉLÈNE

Désespéré par la perte de cette lettre, perte qui lui semblait inexplicable, car il était absolument certain de l’avoir tenue entre ses mains, de l’avoir posée sur son bureau, sous un presse-papier, Juve s’obstinait. Peine perdue.

Juve, alors, jeta un regard de compassion au malheureux Fandor, qui, lui, demeurait assis dans un grand fauteuil, la tête appuyée sur ses mains, réfléchissant.

— Voyons, petit, commençait Juve, il ne faut pas te mettre martel en tête, rien n’est irréparable.

Fandor haussa les épaules, accablé.

— Parbleu, rien n’est irréparable évidemment, mais il n’empêche qu’encore une fois, je ne sais pas où est Hélène, encore une fois, je puis tout craindre pour elle. D’ailleurs, Juve, que devons-nous imaginer ? Pourquoi nous écrivait-elle ? Qu’y a-t-il dans cette lettre ? Elle appelait peut-être au secours, peut-être nous demandait-elle aide ou protection. Que faire maintenant ? Comment savoir ? Que va-t-elle penser ?

Et malgré eux, Juve et Fandor se demandaient encore :

— Hélène sait-elle, à l’heure actuelle, que Fantômas est prisonnier, qu’il se trouve sous les verrous ?

Juve s’était assis derrière son bureau et dessinait machinalement, devant lui, sur son buvard.

Soudain, il se redressa, le front barré d’un pli, les yeux jetant des éclairs, prenant cet air volontaire qui lui était particulier, et qui annonçait toujours qu’il était prêt à la lutte, prêt à agir et à agir rapidement.

— Fandor, commença Juve, tu n’as pas le droit de te désespérer, mon petit ! Les regrets et les plaintes n’ont jamais mené personne à rien. Secoue-toi, remue-toi. Va-t’en aux renseignements.

— Je ne demande pas mieux que d’aller aux renseignements, mais qu’entendez-vous par là ? Où ?

— À Enghien.

— Vous m’expédiez à Enghien, Juve ? Pourquoi, mon Dieu, que voulez-vous que j’y fasse ? Hélène a fui en pleine nuit, nul certainement n’a remarqué sa voiture et, par conséquent, je ne vois pas comment je pourrai la suivre à la piste.

— Je ne t’envoie pas courir après l’automobile prise par Hélène. Il est bien évident que cela ne t’avancerait à rien. Mais tu as de la besogne plus utile à faire à Enghien. Va-t’en trouver Sarah Gordon [2]. Interroge-la. Cuisine-la, sapristi ! Il faudra bien que cette femme te dise ce qu’Hélène était venue faire auprès d’elle.

— Vous m’envoyez voir Sarah, à Enghien, Juve ? Mais c’est un enfantillage ! Sarah Gordon n’est certainement pas restée là-bas, après les aventures qui ont marqué son séjour.

— Tu te trompes, Fandor.

— Pourquoi donc, Juve ?

— Parce que je lui ai ordonné, moi, de rester à l’hôtel. Mon petit Fandor, il y a quelque chose de sûr, c’est que Sarah Gordon se débat au milieu d’aventures parfaitement incompréhensibles. Il y a quelque chose de vraisemblable aussi, c’est que cette même Sarah Gordon ne comprend rien, ou à peu près rien, à tout ce qui arrive. En d’autres termes, cette jeune femme m’a plus l’air d’une victime que d’une complice. Tu m’entends, Fandor ?

— Oui, mais je ne vous comprends pas.