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Le vaisseau discoïde géant est certainement un hôte de planètes très lointaines, peut-être même de mondes situés en dehors des galaxies. Il a pu vagabonder des millions d’années avant d’atterrir sur cette planète de l’étoile de fer, à la périphérie déserte de notre Voie lactée.

Inutile d’insister sur l’importance de son étude par une expédition spéciale envoyée vers l’étoile T.

Grom Orm brancha l’écran hémisphérique, et la salle disparut. Les enregistrements des machines mnémotechniques défilaient lentement sous les yeux des spectateurs.

— Voici un message récent de la planète ZR 519 ; je vous fais grâce des coordonnées complètes. C’est le compte rendu de leur expédition dans le système de l’étoile Achernard.

La disposition des étoiles semblait bizarre, et l’œil le plus exercé n’aurait pu y reconnaître des astres familiers. C’étaient des étendues de gaz phosphorescents, des nuages opaques, de grandes planètes refroidies qui renvoyaient la clarté d’un astre excessivement brillant.

D’un diamètre à peine trois fois et demi plus grand que le Soleil, Achernard, étoile bleue de classe spectrale B5, était deux cent quatre-vingts fois plus lumineux. Le vaisseau cosmique s’était éloigné après avoir pris le cliché. Des dizaines d’années de voyage avaient sans doute passé … Un autre astre, étoile verte de classe S, apparut sur l’écran. Elle grandissait, et sa lumière s’intensifiait à mesure que l’astronef étranger s’en approchait. La surface d’une nouvelle planète surgit. Les spectateurs virent un paysage de hautes montagnes où se jouaient toutes les nuances imaginables de clarté verte. Ombres vert foncé des gorges profondes et des escarpements, vert bleu et vert mauve des roches et des vallées éclairées, neiges glauques des cimes et des plateaux, vert jaune des terrains brûlés par l’astre ardent. Des torrents de malachite coulaient vers des lacs et des mers dissimulés derrière les crêtes …

Plus loin, une plaine mamelonnée s’étendait jusqu’au bord de la mer qui semblait de loin une tôle verte. Les arbres bleus, au feuillage touffu, poussaient autour de clairières où des herbes et des buissons étranges marquaient des taches et des bandes pourpres. Et un flot puissant de rayons d’or vert se déversait du ciel d’améthyste. Les hommes de la Terre étaient saisis d’admiration devant cette planète splendide. Mven Mas fouillait dans sa puissante mémoire pour situer exactement l’astre vert. Des pensées rapides traversaient son cerveau :

— Achernard, l’étoile Alfa d’Éridan, est au zénith du ciel austral, près du Toucan … Vingt et un parsecs de distance … L’astronef ne peut revenir du vivant de l’équipage …

L’écran s’éteignit, et la vue de la salle close, adaptée aux conseils des Terriens, parut bien singulière aux spectateurs.

— Cette étoile verte, reprit le président, dont les raies spectrales témoignent d’une forte proportion de zirconium, est un peu plus grande que notre Soleil.

Grom Orm cita rapidement les coordonnées de l’astre.

— Son système, continua-t-il, comprend deux planètes jumelles qui tournent l’une en face de l’autre à une distance de l’étoile correspondant à l’énergie reçue du Soleil par la Terre.

La densité, la composition de l’atmosphère et la quantité d’eau sont analogues aux conditions terrestres. Telles sont les données préliminaires de l’expédition de la planète ZR 519. Elles attestent aussi l’absence de vie supérieure sur les planètes jumelles. La vie supérieure, pensante, transforme la nature au point qu’on la remarque même au passage, du bord d’un astronef volant très haut. Cette vie ne peut sans doute pas se développer, ou son temps n’est pas encore venu. C’est une chance rare, car l’existence d’une vie supérieure nous aurait interdit l’accès du monde de l’étoile verte. Il y a plus de trois siècles, en l’an soixante-douze de l’Ère de l’Anneau, nos ancêtres ont envisagé la possibilité de peupler les planètes où s’est déjà créée une vie pensante, en admettant même qu’elle n’ait pas atteint le niveau de notre civilisation. Mais on a conclu dès lors que toute intrusion de ce genre entraînerait inévitablement des actes de violence dus à l’incompréhension.

Nous connaissons aujourd’hui la diversité des mondes de notre Galaxie : étoiles bleues, vertes, jaunes, blanches, rouges, orangées, comprenant toutes de l’hydrogène et de l’hélium, mais se distinguant par la nature de leurs noyaux et de leurs enveloppes, carbone, cyanure, titane, zirconium, par le caractère des radiations et la température. Planètes qui diffèrent tant par leur volume et leur densité que par la composition et l’épaisseur de l’atmosphère, la distance au soleil, les conditions de rotation … Mais nous savons autre chose : notre Terre dont l’eau recouvre 70 % de surface et qui se trouve assez près du Soleil pour en recevoir une puissante réserve d’énergie est la base d’une vie intense, telle qu’on en rencontre rarement dans le Cosmos, d’une vie riche en masse biologique et sujette à des transformations continuelles.

C’est pourquoi la vie s’est développée chez nous plus rapidement que là où elle souffrait du manque d’eau, d’énergie solaire ou de terre ferme, et que sur les mondes trop humides. Les transmissions de l’Anneau nous ont montré l’évolution de la vie sur les planètes inondées, où les êtres s’agrippent désespérément aux végétaux émergeant du marais éternel.

Sur notre Terre, riche en eau, la superficie des continents est aussi relativement petite pour le collectage d’énergie solaire par les plantes alimentaires, par le bois ou simplement par les installations thermoélectriques.

Aux périodes très anciennes de l’histoire de la Terre, la vie se développait plus lentement sur les terrains marécageux paléozoïques que sur les hauteurs néozoïques où on se disputait l’eau autant que la nourriture.

Nous savons que pour une vie forte et abondante il faut un rapport déterminé entre les eaux et les terres, et que notre planète se rapproche de ce coefficient favorable. Des planètes pareilles sont assez rares dans le Cosmos, et chacune présente à notre humanité un trésor, un nouvel habitat et un tremplin de civilisation.

L’humanité ne craint plus la surpopulation qui effrayait nos aïeux, mais nous élargissons sans cesse notre habitat dans le Cosmos, car c’est là une manifestation du progrès, une loi inéluctable du développement. La difficulté d’assimiler les planètes qui diffèrent trop de la nôtre par les conditions physiques a fait naître l’idée d’établir les hommes dans le Cosmos sur de vastes ouvrages semblables à de satellites artificiels très agrandis. Une de ces fies a été construite à la veille de l’époque de l’Anneau : c’est le Nadir situé à 18 millions de kilomètres de la Terre. Une petite colonie y vit toujours, paraît-il … mais l’imperfection de ces gîtes, trop étroits pour la vie humaine audacieuse et portée vers les grands espaces, était si évidente qu’on ne peut que s’étonner de l’aveuglement de nos ancêtres, si hardi qu’ait été leur projet du point de vue technique.

Les planètes jumelles de l’étoile verte ressemblent beaucoup à la nôtre. Elles ne conviennent pas aux frêles habitants de la planète ZR 519, qui se sont empressés de nous communiquer leur découverte, de même que nous les renseignerons sur ce qui les intéresse.

L’étoile verte est séparée de nous par une distance que n’a franchie aucun astronef terrestre. En atteignant ses planètes, nous nous engagerons loin dans le Cosmos, non pas sur le monde réduit d’un engin artificiel, mais sur la base solide de grandes planètes où on peut organiser une vie confortable et une puissante industrie.

Si je m’arrête ainsi aux planètes de l’étoile verte, c’est qu’elles me paraissent dignes d’une étude approfondie. Soixante-dix années-lumière étant franchissables par un astronef du type Cygne, il est peut-être indiqué de diriger la 38e expédition sur Achernard !