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Le président déclara la séance levée, mais pria les membres du Conseil de demeurer : il fallait rédiger d’urgence la demande au Conseil d’Économie, et une autre à l’Académie des Prédictions pour connaître les éventualités du long parcours jusqu’à Achernard.

Tchara, très lasse, cheminait derrière Evda Nal, dont les joues pâles gardaient toujours une fraîcheur étonnante. La jeune fille voulait rester seule pour savourer en paix la réhabilitation de Mven Mas. Le beau jour ! On n’avait pourtant pas couronné de lauriers l’Africain, comme elle l’espérait en son for intérieur. Il était écarté du pouvoir pour longtemps, sinon pour toujours … Mais ne l’avait-on pas maintenu dans la société ? Ne devaient-ils pas suivre ensemble le chemin large et difficile de l’amour, des recherches, du travail ?

Evda Nal l’entraîna dans une Maison d’Alimentation. Tchara s’attarda tellement devant le menu que la doctoresse résolut de prendre l’initiative et dit les chiffres des plats et le numéro de la table au porte-voix récepteur de l’automate. À peine se furent-elles assises à une table ovale à deux places, qu’une trappe s’ouvrit en son milieu et la collation parut, enfermée dans un petit container. Evda Nal tendit à sa compagne une coupe de Lio, boisson tonique aux reflets opalins, se contentant elle-même d’un verre d’eau fraîche et d’un gratin de châtaignes, de noix et de bananes à la crème fouettée. Quand Tchara eut mangé un hachis de raptes, oiseaux qui avaient remplacé la volaille et le gibier, elle fut remise en liberté. Evda la regarda descendre, avec une grâce surprenante même pour l’époque de l’Anneau, l’escalier bordé de statues en métal noir et de réverbères aux formes capricieuses.

CHAPITRE XIII

LES ANGES DU CIEL

Erg Noor surveillait en retenant son souffle l’activité diligente des manipulateurs. La profusion d’appareils rappelait le poste de commande d’un astronef ; mais la salle spacieuse, aux larges baies bleuâtres, n’avait rien d’un vaisseau cosmique.

Au centre de la pièce, sur une table en métal, il y avait une chambre en grosses plaques de rutholucite, matière pénétrable tant aux rayons infrarouges qu’à la partie visible du spectre. Un réseau de tubes et de fils enveloppait l’émail brun du réservoir à eau qui contenait les deux méduses noires capturées sur la planète de l’étoile de fer.

Éon Tal, la taille droite, le bras toujours en écharpe, observait de loin la rotation lente du tambour de l’enregistreur. La sueur perlait au-dessus de ses gros sourcils.

Erg Noor passa la langue sur ses lèvres sèches.

— Toujours rien ! Après cinq ans de voyage, il ne reste que de la poussière, proféra l’astronaute d’une voix rauque.

— Ce serait un grand malheur … pour Niza et pour moi, répondit le biologiste. Il faudrait chercher à tâtons, durant des années peut-être, avant de connaître la nature de la lésion.

— Vous estimez que les organes meurtriers des « méduses » et de la « croix » sont les mêmes ?

— Je ne suis pas seul de cet avis : Grim Char et les autres le partagent. Mais au début on émettait les hypothèses les plus surprenantes. J’ai cru un instant que la croix noire n’était pas originaire de la planète.

— C’est ce que je disais, vous vous souvenez ? Cet être me semblait provenir de l’astronef discoïde et monter la garde autour de lui. Mais, à bien réfléchir, pourquoi garder de l’extérieur une forteresse imprenable ? La tentative de percer le disque spiral a prouvé l’absurdité de cette supposition.

— Moi, j’imaginais que la croix était un automate posté en sentinelle auprès de l’astronef …

— C’est cela. Mais j’ai naturellement changé d’avis. La croix noire est un être vivant, engendré par le monde des ténèbres. Ces monstres habitent sans doute la plaine. Notre ennemi est venu du côté de la porte des falaises. Les méduses, plus légères et plus mobiles, peuplent le plateau où nous avons atterri. Le rapport entre la croix et le disque est fortuit : nos dispositifs de défense n’avaient simplement pas atteint ce secteur éloigné de la plaine, qui se trouvait toujours à l’ombre de l’énorme disque.

— Et vous assimilez les organes meurtriers de la croix à ceux des méduses ?

— Oui ! Ces animaux qui vivent dans les mêmes conditions doivent avoir des organes semblables. L’étoile de fer est un astre thermoélectrique. La couche épaisse de son atmosphère est saturée d’électricité. Grim Char estime que ces êtres recueillent l’énergie de l’atmosphère et créent des concentrations pareilles à nos éclairs en boule. Rappelez-vous les étincelles Brunes sur les tentacules des méduses !

— La croix avait des tentacules, mais pas de …

— Personne n’a eu le temps de s’en apercevoir. Mais le caractère du mal, lésion des nerfs principaux avec paralysie du centre correspondant, est le même chez Niza et chez moi, tout le monde est d’accord là-dessus ! C’est la preuve essentielle et l’espoir suprême !

— L’espoir ? répéta Erg Noor, interloqué.

— Mais oui. Tenez, le biologiste montra la ligne droite tracée par l’enregistreur, ces électrodes sensibles, introduites dans le piège à méduses, n’indiquent rien. Or, les monstres sont entrés là avec la charge complète de leur énergie, qui n’a pas pu se perdre après le soudage du réservoir. La défense isolante des récipients alimentaires cosmiques est sans doute impénétrable : ce n’est pas comme nos légers scaphandres biologiques. Souvenez-vous que la croix qui a paralysé Niza ne nous a pas fait de mal. Son ultra-son a traversé le scaphandre de protection supérieure et brisé notre volonté, mais les décharges meurtrières n’ont pas eu d’effet. Elles ont percé le scaphandre de Niza, tout comme les méduses ont percé le mien.

— Ainsi, la charge des éclairs en boule ou quelque chose de ce genre qui est entré dans le réservoir doit y être resté ? Les appareils n’indiquent pourtant rien …

— C’est ce qui me donne de l’espoir. Les méduses ne sont donc pas tombées en poussière. Elles …

— Je comprends. Elles se sont enfermées dans une sorte de cocon !

— Oui. Cette propriété est répandue parmi les organismes vivants contraints à subir périodiquement des phénomènes défavorables à leur existence, tels que les longues nuits glacées de la planète, ses ouragans du « matin » et du « soir ». Mais comme ces périodes alternent assez vite, je suis sûr que les méduses peuvent rapidement se mettre dans cet état et en sortir aussi rapidement. Dans ce cas, nous n’aurons guère de peine à leur rendre leurs facultés meurtrières.

— En reconstituant la température, l’atmosphère, l’éclairage et les autres conditions de la planète noire ?

— Oui. Tout est prévu et préparé. Grim Char va bientôt venir. Nous insufflerons dans le réservoir un mélange de néon, d’oxygène et d’azote sous une pression de trois atmosphères. Mais nous allons d’abord voir ce qu’il en est.

Éon Tal conféra avec ses deux assistants. Un appareil fut rapproché lentement du réservoir brun. La plaque de devant en rutholucite s’écarta, ouvrant l’accès du piège dangereux.

On remplaça les électrodes à l’intérieur du récipient par des micromiroirs à luminaires cylindriques. Un des assistants se posta au pupitre de télécommande. Sur l’écran parut une surface concave, couverte d’un dépôt granuleux, qui reflétait faiblement la lueur des lampes : c’était la paroi du réservoir. Le miroir virait doucement. Éon Tal déclara :