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Nous sommes dans l’atmosphère. Les rétrofusées entrent en action. Nova me regarde en souriant. Elle a appris à sourire et aussi à pleurer. Mon fils tend les bras et ouvre des yeux émerveillés. Au-dessous de nous, c’est Paris. La tour Eiffel est toujours là.

J’ai pris les commandes et me dirige d’une manière très précise. Miracle de la technique ! Après sept cents ans d’absence, je parviens à me poser à Orly, qui n’a pas beaucoup changé, au bout du terrain, assez loin des bâtiments. On a dû m’apercevoir ; je n’ai qu’à attendre. Il ne semble pas y avoir de trafic aérien ; l’aéroport serait-il désaffecté ? Non, voici un appareil. Il ressemble en tout point aux avions de mon époque !

Un véhicule se détache des bâtiments, roulant dans notre direction. J’arrête mes fusées, en proie à une agitation de plus en plus fébrile. Quel récit je vais pouvoir faire à mes frères humains ! Peut-être ne me croiront-ils pas tout d’abord, mais j’ai des preuves. J’ai Nova, j’ai mon fils.

Le véhicule grandit. C’est une camionnette d’un modèle assez ancien : quatre roues et un moteur à explosion. J’enregistre machinalement tous ces détails. J’aurais pensé que ces voitures étaient reléguées dans les musées.

J’aurais imaginé volontiers aussi une réception un peu plus solennelle. Ils sont peu nombreux pour m’accueillir. Deux hommes seulement, je crois. Je suis stupide ; ils ne peuvent pas savoir. Quand ils sauront !…

Ils sont deux. Je les distingue assez mal, à cause du soleil déclinant qui joue sur les vitres ; des vitres sales. Le chauffeur et un passager. Celui-ci porte un uniforme. C’est un officier ; j’ai vu le reflet de ses galons. Le commandant de l’aéroport, sans doute. Les autres suivront.

La camionnette s’est arrêtée à cinquante mètres de nous. Je prends mon fils dans mes bras et sors de la chaloupe. Nova nous suit avec quelque hésitation. Elle a l’air craintive. Cela lui passera vite.

Le chauffeur est descendu. Il me tourne le dos. Il m’est à moitié caché par de hautes herbes qui me séparent de la voiture. Il tire la portière pour faire descendre le passager. Je ne m’étais pas trompé, c’est un officier ; au moins un commandant ; je vois briller de nombreux galons. Il a sauté à terre. Il fait quelques pas vers nous, sort des herbes et m’apparaît enfin en pleine lumière. Nova pousse un hurlement, m’arrache son fils et court se réfugier avec lui dans la chaloupe, tandis que je reste cloué sur place, incapable de faire un geste ni de proférer une parole.

C’est un gorille.

XII

Phyllis et Jinn relevèrent ensemble leur tête penchée sur le manuscrit et se regardèrent un long moment sans prononcer une parole.

« Une belle mystification », dit enfin Jinn, en se forçant un peu pour rire.

Phyllis restait rêveuse. Certains passages de l’histoire l’avaient émue et elle leur trouvait l’accent de la vérité. Elle en fit la remarque à son ami.

« Cela prouve qu’il y a des poètes partout, dans tous les coins du cosmos ; et aussi des farceurs. »

Elle réfléchit encore. Cela lui coûtait de se laisser convaincre. Elle s’y résigna cependant avec un soupir.

« Tu as raison, Jinn. Je suis de ton avis… Des hommes raisonnables ? Des hommes détenteurs de la sagesse ? Des hommes inspirés par l’esprit ?… Non, ce n’est pas possible ; là, le conteur a passé la mesure. Mais c’est dommage !

— Tout à fait d’accord, dit Jinn. Maintenant, il est temps de rentrer. »

Il largua toute la voile, l’offrant tout entière aux rayonnements conjugués des trois soleils. Puis il commença de manœuvrer des leviers de commande, utilisant ses quatre mains agiles, tandis que Phyllis, ayant chassé un dernier doute en secouant énergiquement ses oreilles velues, sortait son poudrier et, au vue du retour au port, avivait d’un léger nuage rose son adorable mufle de chimpanzé femelle.

FIN