Выбрать главу

Ils irritaient évidemment leurs voisins hussites qui ne prisaient guère tant de radicalisme. Certes, on pouvait simplifier le culte de Dieu, mais pas à ce point. Les seigneurs hussites et leurs armées encerclèrent les Adamites sur leur île et massacrèrent, jusqu'au dernier, ces hippies avant l'heure.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

108. PAR L'EAU ET LE TÉLÉPHONE

Tandis que les CRS étaient occupés à poursuivre Julie et les amazones, les sept autres groupes de manifestants, conduits chacun par un Nain, effectuaient un grand détour par les rues avoisinantes et se regroupaient à l'arrière du lycée, libre de toute présence policière.

Ji-woong sortit tout bonnement la clef que lui avait confiée le proviseur pour faciliter les répétitions, et ouvrit la porte au nouveau blindage anti-incendie. Le plus silencieusement possible, la foule s'engouffra dans le lycée. Quand Maximilien s'avisa du stratagème en voyant apparaître des visages joyeux à la grille sur le devant, il était trop tard.

– Ils passent par l'arrière! cria-t-il dans son porte- voix.

Ses hommes firent volte-face, plantant là Julie et les siennes. Mais plus de sept cents personnes étaient déjà entrées en trombe et Ji-woong s'était empressé de refermer les solides serrures de la porte blindée. Les CRS ne pouvaient rien contre cette épaisse protection.

– Phase 2, terminée, lança David dans, son téléphone.

Le groupe de Julie se rassembla alors devant la grilleabandonnée par les policiers, David vint leur ouvrir et une centaine de nouveaux «révolutionnaires» rejoignirent les autres à l'intérieur du lycée.

– Ils passent par l'avant, revenez! intima Maximilien.

À force de courir en tous sens avec leur attirail, casque, bouclier, lance-grenades, gilet pare-balles et chaussures à lourdes semelles, les CRS étaient exténués. En plus, le lycée était suffisamment étendu pour qu'ils n'atteignent pas l'entrée à temps.

Ils trouvèrent la grille refermée et, derrière, les amazones, toujours aussi aguicheuses et taquines, qui se moquaient d'eux.

– Ils sont tous à l'intérieur, chef, et barricadés en plus.

Ainsi, huit cents personnes occupaient le lycée. Julie en était d'autant plus satisfaite qu'ils avaient réussi cette prouesse sans aucune escarmouche, simplement en épuisant leurs adversaires par des mouvements tactiques.

Maximilien n'avait pas l'habitude de voir des manifestants pratiquer des stratégies de guérilla. Il avait toujours eu affaire à des foules qui avançaient tout droit, sans réfléchir.

Que des manifestants n'ayant pas même à leur tête un parti politique ou un syndicat classique puissent ainsi se mouvoir en légions compactes l'impressionna et l'inquiéta.

Même le fait qu'il n'y ait de blessés dans aucun camp n'était pas pour le rassurer. Il y en avait en général au moins trois, de part et d'autre, dans ce genre d'échauffou-rées. Ne serait-ce que ceux qui trébuchent en courant et se tordent la cheville. Or là, dans une manifestation opposant huit cents personnes à trois cents CRS, ils n'avaient aucun accident à déplorer.

Maximilien posta une moitié des CRS à l'avant et l'autre à l'arrière, puis il appela le préfet Dupeyron pour le tenir au courant de la situation. Celui-ci lui demanda de reprendre le lycée, sans faire de vagues. Il devait bien vérifier qu'il n'y avait pas là le moindre journaliste. Maximilien confirma que, pour l'instant, personne de la presse n'était là.

Rassuré, le préfet Dupeyron lui demanda de faire vite, de préférence sans violence, étant donné qu'on était à quelques mois des élections présidentielles et qu'il y avait forcément des enfants de bonne famille de la ville parmi les manifestants.

Maximilien réunit son petit état-major et fit ce qu'il regrettait de n'avoir pas commencé par faire: demander un plan du lycée.

– Envoyez des grenades lacrymogènes à travers les grilles. Enfumez-les comme des renards, ils finiront bien par sortir.

Les yeux larmoyants et les quintes de toux ne tardèrent pas à affaiblir les assiégés.

– Il faut faire quelque chose, vite, souffla Zoé.

Léopold estima qu'il suffisait de rendre les grilles moins perméables. Pourquoi ne pas utiliser les couvertures des lits, dans les dortoirs, en guise de rideaux protecteurs?

Aussitôt dit, aussitôt fait. Mouchoir mouillé sur le nez pour ne pas inhaler les gaz et armées de couvercles de poubelle pour se protéger le visage des jets de grenades, les filles du club de aïkido fixèrent les couvertures sur les grilles à l'aide de fil de fer découvert dans l'appentis du gardien.

Du coup, les policiers ne purent plus voir ce qui se passait à l'intérieur de la cour du lycée. Maximilien reprit son porte-voix:

– Vous n'avez pas le droit d'occuper cet établissement. C'est un lieu public. Je vous ordonne de l'évacuer au plus vite.

– On y est, on y reste, répondit Julie.

– Vous êtes dans l'illégalité la plus complète.

– Venez donc nous déloger.

Il y eut un conciliabule sur la place, puis les cars firent marche arrière tandis que les CRS refluaient jusqu'aux rues avoisinantes.

– On dirait qu'ils renoncent, observa Francine.

Narcisse signala que les policiers abandonnaient également la porte arrière.

– Nous avons peut-être gagné, prononça Julie sans trop y croire.

– Attendons un peu avant de crier victoire. Il s'agit peut-être d'une manœuvre de diversion, remarqua Léopold.

Ils attendirent, scrutant la place déserte, parfaitement éclairée par les réverbères.

Avec son regard perçant de Navajo, Léopold détecta enfin un mouvement et tous ne tardèrent pas à voir une nuée de policiers marchant avec détermination en direction de la grille.

– Ils chargent. Ils veulent prendre l'entrée d'assaut! cria une amazone.

Une idée. Vite, il fallait une idée. Les policiers étaient tout près des grilles, quand Zoé trouva la solution. Elle en fit part aux Sept Nains et à quelques amazones.

Lorsque, avec de grosses masses, les CRS se préparèrent à faire sauter les serrures métalliques de la grille d'entrée des lances à incendie que le proviseur avait fait installer pour lutter contre un éventuel sinistre jaillirent.

– Feu! dit Julie.

Les lances entrèrent en action. La pression était si forte que les amazones devaient s'y mettre à trois ou quatre pour maintenir et bien diriger un seul de ces canons à eau.

Sur la place, des policiers et leurs chiens gisaient, fauchés.

– Halte!

Mais les forces de l'ordre se regroupaient au loin pour une nouvelle charge qui s'annonçait encore plus virulente.

– Attendez le signal, dit Julie.

Les policiers fonçaient au pas de course, suivant les angles morts où les lances ne pourraient pas les atteindre. Matraque levée, ils atteignirent les grilles.

– Maintenant, dit Julie, les dents serrées.

Les lances à eau refirent merveille. Une acclamation de victoire s'éleva parmi les amazones.

Maximilien reçut un appel du préfet Dupeyron demandant où il en était. Le commissaire l'informa que les trublions étaient toujours retranchés dans le lycée et résistaient aux forces de l'ordre.

– Eh bien, encerclez-les sans plus les attaquer. Tant que cette mini-émeute reste confinée au lycée, il n'y a pas vraiment de problème. Ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est qu'elle se répande.