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Une fourmi ingénieur du feu insiste pour qu'on récupère une petite braise qu'on entretiendra dans un caillou creux. Au début, tout le monde veut l'en empêcher, mais 5e comprend que c'est peut-être là leur dernier atout pour survivre jusqu'à leur nid. Trois insectes entreprennent donc de transporter le caillou creux et sa braise orange comme s'il s'agissait d'une arche d'alliance avec les dieux doigtés.

Deux fourmis sont furieuses de voir le feu si destructeur entretenu par la troupe et préfèrent abandonner. Elles ne sont finalement plus que trente-trois fourmis, les douze exploratrices et 103e, plus quelques comparses de l'île du Cornigera. Elles suivent la course du soleil, très haut dans le ciel.

131. LES HUIT BOUGIES

Troisième jour. Les huit s'étaient levés dès l'aube pour peaufiner leurs projets respectifs.

– Ce serait bien que nous nous réunissions dans le laboratoire d'informatique tous les matins vers neuf heures pour faire le point, proposa Julie.

Ji-woong se plaça le premier au centre du cercle de ses compagnons. Il annonça que le serveur informatique «Révolution des fourmis» était maintenant en place sur le réseau Internet. Il s'y était attelé dès six heures du matin et il y avait déjà quelques appels.

Allumant un écran, il présenta son serveur. Sur la page d'affichage, il y avait leur symbole avec les trois fourmis en Y, la devise 1 + 1 = 3 et en gros titre: RÉVOLUTION DES FOURMIS.

Ji-woong leur fît visiter le service agora qui permettait les débats publics, le service information qui annonçait leurs activités quotidiennes, et le service soutien qui permettait aux connectés de s'inscrire dans les programmes en cours.

– Tout fonctionne. Les connectés veulent surtout comprendre pourquoi nous avons nommé notre mouvement «Révolution des fourmis» et quel rapport ça a avec ces insectes.

– Justement, il nous faut creuser notre originalité. L'association aux fourmis est un thème inattendu de révolte, raison de plus pour le revendiquer, affirma Julie.

Les Sept Nains approuvèrent.

Ji-woong leur apprit que, toujours par ordinateur et sans sortir du lycée, il avait déposé le nom «Révolution des fourmis» et ouvert une SARL qui leur permettrait de développer des projets. Il tapa sur le clavier. Les statuts de la société apparurent, ainsi que sa comptabilité à venir.

– Désormais, non seulement nous sommes un groupe de rock, non seulement nous sommes un groupe de jeunes occupant le lycée et un serveur informatique, mais nous sommes aussi une société économique capitaliste à part entière. Ainsi, nous battrons le vieux monde avec ses propres armes, annonça Ji-woong.

Tous scrutaient l'écran.

– C'est bien, dit Julie, mais notre SARL «Révolution des fourmis» doit reposer sur des piliers économiques solides. Si nous nous contentons de faire la fête, le mouvement s'étiolera très vite. Avez-vous élaboré des projets qui nous permettront de faire tourner notre SARL?

Narcisse se plaça à son tour au centre des regards.

– Mon idée est de créer une collection de vêtements «Révolution des fourmis», inspirée des insectes. Je privilégierai les matériaux made in Insectland, pas seulement la soie du ver à soie mais aussi celle de l'araignée dont la solidité, la légèreté et la souplesse sont telles qu'elle sert à la fabrication des gilets pare-balles dans l'armée américaine. Je compte reproduire des motifs d'ailes de papillon sur les tissus et utiliser ceux des carapaces de scarabée pour une ligne de bijoux.

Il leur soumit quelques croquis et échantillons auxquels il avait travaillé toute la nuit. Tous approuvèrent; c'est ainsi que la SARL «Révolution des fourmis» créa aussitôt sa première filiale, laquelle concernerait les vêtements et la mode. Ji-woong ouvrit un module de gestion réservé aux productions de Narcisse. Nom de code: «Société Papillon». Simultanément, il créa une vitrine virtuelle où seraient présentés aux connectés les modèles inventés par Narcisse à partir de l'observation des insectes.

Puis, ce fut au tour de Léopold de présenter son projet.

– Mon idée est de fonder une agence d'architecture afin de fabriquer des maisons insérées dans des collines.

– Quel en est l'intérêt?

– La terre protège idéalement du chaud, du froid mais aussi des radiations, des champs magnétiques et de la poussière, expliqua-t-il. La colline résiste au vent, à la pluie et à la neige. La terre est le meilleur matériau de vie.

– En fait, tu veux construire des maisons troglodytes. Elles ne risquent pas d'être un peu sombres? demanda Julie.

– Pas du tout. Il suffit de creuser au sud une baie vitrée en guise de solarium et, au sommet, une baie zénithale qui permette de voir en permanence la succession des jours et des nuits. Ainsi, les habitants de ce type de maisons vivront pleinement au milieu de la nature. Le jour, ils profiteront du soleil. Ils pourront bronzer à la fenêtre. La nuit, ils s'endormiront en regardant les étoiles.

– Et à l'extérieur? questionna Francine.

– Il y aura de la pelouse, des fleurs, des arbres sur les murs extérieurs. L'air embaumera la verdure. C'est une maison fondée sur la vie, pas comme celles en béton! Les murs respireront. Les murs feront leur photosynthèse. Les murs seront recouverts de vie végétale et animale.

– Pas bête. En plus, tes constructions ne dépareront pas le paysage, remarqua David.

– Et pour les sources d'énergie? demanda Zoé.

– Des capteurs solaires installés au sommet de la colline fourniront l'électricité. Il est possible de bien vivre dans une maison incluse dans une colline sans renoncer au confort et à la modernité, souligna Léopold.

Il leur présenta les plans de sa maison idéale. Elle était en forme de dôme et semblait en effet confortable et spacieuse.

C'était donc ça que concoctait Léopold depuis le temps qu'il dessinait des habitations utopiques! Tous savaient que, comme la plupart des Indiens, il cherchait à sortir du concept de maison carrée pour intégrer des formes rondes. Une maison-colline, ce n'était en fait qu'un très grand tipi, si ce n'est que les murs en étaient plus épais.

Ils étaient enthousiastes et Ji-woong s'empressa d'ajouter sur son ordinateur cette nouvelle filiale architecturale. Il demanda simplement à Léopold de dessiner et de mettre en volume avec des images de synthèse sa maison idéale afin que les gens puissent la visiter et en apprécier les avantages. Cette seconde filiale fut baptisée «Société la Fourmilière».

Au tour de Paul d'entrer dans le cercle.

– Mon idée est de créer une ligne de produits alimentaires à base de productions d'insectes: miels, miellats, champignons, mais aussi propolis, gelée royale… Je pense pouvoir inventer des goûts inconnus et des saveurs nouvelles en puisant dans le monde des insectes. Les fourmis fabriquent à partir du miel de puceron un alcool qui ressemble beaucoup à notre hydromel, d'où mon idée de varier aussi les hydromels pour en découvrir de nouvelles nuances.

Il sortit un flacon et leur fit goûter un peu de sa boisson; tous reconnurent qu'elle était bien meilleure que la bière ou le cidre.

– Elle est parfumée au miellat de puceron, précisa Paul. J'en ai trouvé dans les rosiers du lycée et je l'ai fait fermenter cette nuit avec de la levure dans les cornues de la salle de chimie.

– Commençons par déposer une marque d'hydromel, dit Ji-woong en s'activant sur l'ordinateur. Ensuite, nous le vendrons par correspondance.

La société et sa ligne d'aliments furent donc baptisées «Hydromel».

À Zoé.

– Dans l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Edmond Wells prétend que les fourmis parviennent à des C.A., des Communications Absolues, en joignant leurs antennes et en branchant ainsi directement leurs cerveaux l'un sur l'autre. Ça m'a fait rêver. Si les fourmis y parviennent, pourquoi pas les humains? Edmond Wells suggère de fabriquer des prothèses nasales adaptées au système olfactif humain.