«1°. Remettant en vigueur les dispositions du manifeste de feu l'Empereur ALEXANDRE Ier, de glorieuse mémoire, du 20 juin 1810, la monnaie d'argent de Russie sera dorénavant considérée comme principale monnaie courante de l'Empire, et le rouble d'argent au titre actuellement existant, ainsi que ses divisions actuelles, comme l'unité légale et invariable du numéraire ayant cours dans l'Empire; en conséquence, tous les impôts, redevances et droits quelconques dus à l'État, ainsi que les dépenses et paiements du trésor, devront à l'avenir être évalués en argent.
«2°. Le rouble d'argent devenant ainsi la principale monnaie courante, les assignations de banque resteront, conformément à leur destination primitive, comme signe représentatif auxiliaire; à partir de ce jour il leur est assigné une fois pour toutes un cours constant et invariable, fixé à trois roubles et cinquante copecs en assignations pour un rouble d'argent, tant en pièces d'un rouble et au-dessus qu'en petite monnaie.
«3°. Il sera loisible à chacun d'acquitter, d'après ce cours constant et invariable, soit en monnaie d'argent, soit en assignations (a): tous les impôts et redevances dus à l'État, les prestations locales, et en général tous les prélèvements imposés par la Couronne, et dont la perception lui appartient (b); tous les droits réglés par des taxes spéciales, tels que le port des lettres et paquets par la poste, la taxe des chevaux de poste, l'accise sur le sel, les fermes des boissons, le papier timbré, les passe-ports, les banderoles (pour le tabac), etc. (c); tous les paiements dus aux établissements de crédit, aux directions des établissements publics de charité, et aux banques particulières sanctionnées par le gouvernement.
«4°. De même aussi, toutes les dépenses de l'État, et en général, tous les paiements des établissements de crédit, ainsi que des intérêts des billets du trésor et des fonds publics, calculés en assignations, seront effectués au même cours invariable, soit en argent, soit en assignations, suivant la nature de l'effectif qui se trouvera dans les caisses.
«5°. Tous les paiements énoncés ci-dessus doivent être effectués, d'après le cours fixé plus haut, à partir du jour de la promulgation du présent manifeste. Mais le cours fixé pour la perception des impôts, qui, dans l'attente de mesures définitives sur cette matière, avait été laissé pour cette année à 360 copecs, étant déjà confirmé, conservera ce taux jusqu'à l'année 1840 pour la perception des impôts, redevances et droits mentionnés en l'article 3, sub litt. a et b, de même que pour le paiement de toutes les dépenses réglées de l'État et autres paiements analogues. Le cours fixé pour la perception des droits de douane reste également le même jusqu'à l'année 1840, en considération des embarras qu'un changement introduit au milieu de l'année occasionnerait au commerce.
«6°. Tous les comptes, contrats et en général les transactions pécuniaires de tout genre qui peuvent intervenir entre la Couronne et les particuliers, et généralement toutes les affaires des particuliers entre eux, devront avoir lieu uniquement en monnaie d'argent. Considérant toutefois qu'en raison de l'étendue de l'Empire, cette mesure ne peut y être mise simultanément en vigueur dans tout le territoire, l'époque où elle sera obligatoire est fixée au 1er janvier 1840; et à partir de cette date, aucun tribunal ou administration publique, nul courtier, agent de change ou notaire ne pourra passer, ni légaliser aucune transaction quelconque en assignations, sous peine d'encourir la responsabilité de cette infraction. Mais les paiements convenus par toutes les obligations, conventions et transactions, soit antérieures, conclues en assignations, soit nouvelles et conclues seulement en argent, pourront être indifféremment effectués en argent ou en assignations au cours fixé par l'article 2 ci-dessus, et personne ne pourra refuser de recevoir d'après ce cours l'une ou l'autre espèce de valeur sans distinction.
«7°. La quotité des emprunts (sur hypothèque de terres seigneuriales) aux établissements de crédit est également fixée en argent, à raison de soixante et dix, soixante et quarante-cinq roubles d'argent pour chaque individu mâle porté au recensement général.
«8°. Afin de faciliter de toute manière le libre échange des monnaies, les caisses de district seront tenues, autant que leur effectif le leur permettra, de changer à bureau ouvert au même cours de 3 roubles 50 copecs les assignations contre de l'argent, et vice versa l'argent contre les assignations, jusqu'à concurrence de cent roubles d'argent ou d'une somme proportionnelle en assignations, pour chaque personne qui présentera l'une ou l'autre monnaie à l'échange.
«9°. En conséquence de ce qui précède, il est très-sévèrement défendu de donner aux assignations un cours autre que celui fixé ci-dessus, de même que d'ajouter un agio quelconque à l'argent ou aux assignations, comme aussi d'employer dans les nouvelles transactions ce que l'on appelle communément le compte en monnaie. À partir de ce jour, le cours du change et toute autre cote portée dans les bordereaux, prix courants, etc., des bourses de commerce, seront énoncés en argent, et le cours des assignations cessera entièrement d'être coté aux bourses.
«10°. La monnaie d'or sera reçue et payée par les caisses de la Couronne et les établissements de crédit à 3 p. 100 au-dessus de sa valeur nominale, et nommément, l'impériale pour 10 roubles 30 copecs d'argent, et la demi-impériale pour 5 roubles 15 copecs.
«11°. Afin d'écarter tout prétexte de vexations, il est positivement défendu aux caisses publiques, ainsi qu'aux établissements de crédit, de refuser les monnaies russes tant anciennes que nouvelles qui leur seront présentées, par le seul motif qu'elles ne seraient pas suffisamment marquées ou que leur poids serait trop léger, pourvu toutefois qu'il soit possible d'en reconnaître l'empreinte, et il ne sera permis de refuser que les monnaies rognées ou percées.
«12°. En attendant que la monnaie de cuivre actuellement en circulation soit refondue dans une proportion directe avec celle d'argent, le cours en est fixé ainsi qu'il suit: (a) relativement à l'argent, on comptera trois copecs et demi de cuivre (au titre de 36 comme de 24 roubles au poud), pour un copec d'argent; (b) cette monnaie sera reçue par la Couronne en toute quantité, pour les impôts, redevances et autres perceptions, sauf les cas où la quotité des paiements à effectuer en monnaie de cuivre aurait été fixée par les contrats; pour les établissements de crédit cette quotité ne devra point dépasser dix copecs d'argent, et quant aux paiements de particuliers à particuliers, elle dépendra des conventions réciproquement conclues entre eux à ce sujet.
«Donné à Saint-Pétersbourg, le premier jour du mois de juillet de l'an de grâce mil huit cent trente-neuf et de notre règne le quatorzième.
«Signé, NICOLAS.»
Le même jour, S. M. l'Empereur a daigné adresser l'ukase suivant au
Sénat dirigeant:
«Sur la proposition du ministre des finances, examinée dans le conseil de l'Empire, nous ordonnons ce qui suit: Afin d'accroître le nombre des signes représentatifs de l'argent, faciles à transporter, il sera établi, à dater du 1er janvier 1840, près la banque Impériale de commerce, une caisse particulière de dépôt des monnaies d'argent, conformément aux dispositions ci-après:
«1°. Cette caisse recevra en dépôt les sommes en monnaie d'argent de Russie qui lui seront présentées.
«2°. Le numéraire qui entrera dans la caisse de dépôt sera conservé intact, et à part des fonds de la banque de commerce, sous la responsabilité de ladite banque, et sous la surveillance de directeurs spéciaux, choisis parmi les membres du conseil des établissements de crédit; ce numéraire ne sera employé à aucun usage autre que le remboursement des dépôts.