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«3°. En échange des sommes déposées, la caisse de dépôt délivrera des billets qui porteront le nom de_ Billets de la caisse de dépôt_, et qui seront, jusqu'à nouvel ordre, de la valeur de trois, cinq, dix et vingt-cinq roubles d'argent; si le besoin s'en fait sentir, il pourra ultérieurement, après mûr examen, être émis des billets d'un, de cinquante et de cent roubles d'argent.

«4°. Ces billets seront préparés d'après un modèle spécial, revêtus des signatures de l'adjoint du gouverneur de la banque de commerce, d'un directeur et du caissier, et porteront sur le revers un extrait des règles concernant les dépôts de numéraire métallique. Le ministre des finances fera préparer des modèles de ces billets, et les transmettra ensuite au Sénat dirigeant, ainsi qu'à tous les ministères, les directions générales et les chambres des finances. Ces modèles devront être affichés dans toutes les bourses de commerce.

«5°. Les billets de la caisse de dépôt auront cours dans tout l'Empire, à l'égal de la monnaie d'argent et sans aucun agio, dans tous les paiements et transactions, tant des particuliers avec la Couronne et les établissements de crédit, que réciproquement de la Couronne et des établissements de crédit avec les particuliers, et de ces derniers entre eux.

«6°. À la présentation des billets à la caisse de dépôt, la quotité correspondante de monnaie d'argent sera remise au porteur sans délai, comme sans retenue aucune pour change et conservation.

«7°. Les billets remboursés seront conservés à part, et dans le cas où ils seraient encore propres au service, seront émis de nouveau contre dépôt de numéraire, ou en échange de vieux billets hors de service présentés à la caisse.

«8°. L'envoi des billets de la caisse de dépôt par la poste s'effectuera contre acquittement du droit d'assurance sur le montant de la somme transmise et du droit de port du paquet qui la contient.

«9°. En cas de contrefaçon desdits billets, on se conformera aux lois en vigueur sur la contrefaçon des papiers de l'État.

Observation. Il n'est fait aucun changement aux règles concernant l'acceptation des métaux précieux en lingots ou vaisselle, présentés à la banque de commerce pour y être gardés en dépôt.

«10°. Pour la gestion des affaires de la caisse de dépôt, comme de celles concernant le dépôt des métaux précieux en lingots ou en vaisselle (art. 9), il est créé près la banque de commerce une expédition de la caisse de dépôt, dont l'état du personnel et des dépenses est annexé au présent; cette expédition spéciale, placée sous la surveillance du gouverneur de la banque, et sous la direction plus immédiate de son adjoint, se composera d'un premier et d'un second directeur, de deux directeurs élus par le commerce, avec le nombre fixé d'employés; les dépenses de cette expédition seront imputées sur les bénéfices de la banque.

«11°. Le ministre des finances est chargé de dresser des règlements détaillés pour l'ordre intérieur des écritures et de la comptabilité, comme pour la conservation des fonds, et en général pour toutes les opérations de la cuisse de dépôt et de son expédition; le ministre prendra pour modèle de ces règlements ceux en vigueur dans les établissements de crédit, en se concertant au préalable avec le contrôleur de l'Empire, et communiquera ultérieurement au conseil des établissements de crédit les dispositions arrêtées à ce sujet.

«12°. Pour la vérification des opérations de la caisse de dépôt, il est établi, en sus de son contrôle intérieur, un contrôle supérieur de la part du conseil des établissements de crédit, et pour la surveillance de la conservation intacte des dépôts, ce conseil choisira chaque année dans son sein un député de la noblesse et un député du commerce, qui devront prendre part aux révisions mensuelles des fonds et revirements, et procéder à des révisions inopinées. Les opérations de la caisse de dépôt feront partie du compte rendu de la banque du commerce.

«Le Sénat dirigeant fera les dispositions nécessaires pour la mise à exécution du présent.

«Saint-Pétersbourg, le 1er juillet 1839.

«Signé, NICOLAS.

«(Suit l'état du personnel et des dépenses de la caisse de dépôt).»

LETTRE TRENTE-CINQUIÈME.

Assassinat d'un seigneur allemand.—Jusqu'où les Russes portent l'aversion des nouveautés.—Désordres partiels: leurs conséquences.—Influence du gouvernement: cercle vicieux.—Servilité gratuite des paysans.—Inconvénient de l'instabilité des conditions dans les États despotiques.—Illusion des serfs russes.—Exil de M. Guibal en Sibérie.—Histoire d'une sorcière.—Mot d'un grand seigneur, petit-fils d'un paysan.—Manière dont un jeune étranger malade est traité par ses amis russes.—Accident arrivé à une dame française tombée dans une trappe.—Charité russe.—Passion d'une dame russe pour les tombeaux de ses maris.—Trait de vanité d'un officier enrichi.—Derniers jours passés à Nijni.—Chant des bohémiennes de la foire.—Réhabilitation des classes méprisées et des nations méconnues.—Idée dominante du théâtre de Victor Hugo.—Orage du soir à Nijni.—Malaise causé par l'air de Nijni.—Projet d'aller à Kazan abandonné.—Conseil d'un médecin.—Le feldjæger et le domestique.—Opinion des Russes sur l'état de la France.—Vladimir.—Aspect du pays.—Appauvrissement des forêts.—Difficultés du voyage pour qui n'a pas un feldjæger.—Fausse délicatesse que les Russes voudraient imposer aux étrangers.—Centralisation nuisible.—Rencontre du grand éléphant noir envoyé à l'Empereur par le schah de Perse.—Danger que je cours.—Présence d'esprit de mon valet de chambre italien.—Description de l'éléphant.—Retour à Moscou.—Adieux au Kremlin.—Effet produit par le voisinage de l'Empereur.—Contagion de l'exemple.—Fêtes militaires à Borodino.—Villes improvisées.—Comment l'Empereur fait représenter la bataille de la Moskowa, dite de Borodino.—Pourquoi je n'obéis pas à l'Empereur.—Monument élevé en l'honneur du prince Bagration; le prince Witgenstein oublié.—Mensonge en action.—Ordre du jour de l'Empereur.—Travestissement de l'histoire.

Vladimir, entre Nijni et Moscou, ce 2 septembre 1839.

Un M. Jament m'a conté à Nijni qu'un Allemand, nouveau seigneur de village, grand agriculteur et propagateur de méthodes d'assolement encore inusitées en ce pays, vient d'être assassiné dans ses domaines, voisins de la terre d'un M. Merline, autre étranger par qui le fait est parvenu à notre connaissance.

Deux hommes se sont présentés chez ce seigneur allemand sous prétexte de lui acheter des chevaux, et le soir ils sont entrés dans sa chambre et l'ont tué. C'était, à ce qu'on assure, un coup monté par les paysans de la victime pour se venger des innovations que l'étranger avait voulu introduire dans la culture de leur terre. Le peuple de ce pays a en aversion tout ce qui n'est pas russe. J'entends souvent répéter qu'un beau jour on le verra éventrer d'un bout de l'Empire à l'autre les hommes sans barbe; c'est à la barbe que les Russes se reconnaissent.

Aux yeux des paysans, un Russe au menton rasé est un traître vendu aux étrangers dont il mérite de partager le sort. Mais quel sera le châtiment infligé par les survivants aux auteurs de ces Vêpres moscovites? la Russie entière ne pourra pourtant pas être envoyée en Sibérie. On déporte des villages, on n'exile pas des provinces. Il est à remarquer que ce genre de punition frappe ici les paysans sans les atteindre. Un Russe retrouve sa patrie partout où règnent les longs hivers: la neige a toujours le même aspect; le linceul de la terre est également blanc, qu'il ait six pouces ou six pieds d'épaisseur; aussi pourvu qu'on lui laisse refaire son traîneau et sa cabane, le Russe se retrouve chez lui en quelque lieu qu'il soit exilé. Dans les déserts du Nord on peut se créer une patrie à peu de frais. Pour l'homme qui n'a jamais vu que des plaines glacées et parsemées d'arbres verts plus ou moins mal venants, tout pays froid et désert représente son pays. D'ailleurs, les habitants de ces latitudes sont toujours disposés à quitter leur terre natale.